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4 janvier 2009

Agathe Clery

Noir, c'est noir !

Le sujet est bien tentant. Le casting pas insupportable. Le réalisateur paré d'un talent certain. Alors pas trop d'hésitation en cette période de fêtes et de froid glacial pour entrer se réfugier dans la douce chaleur d'un cinéma de Montparnasse en occupant le temps avec le dernier film en date d'Etienne Chatiliez, « Agathe Clery ». Le film est sorti depuis un mois pile, et la salle est pleine. Pas la plus grande du multiplex, mais quand même. S'il faut en juger juste à cela, ça ne s'annonce pas trop mal, si ce n'est la horde de pipelettes qui ont du mal à se retenir de chuchoter des bêtises et de gigoter en heurtant le dos des sièges, en tout cas du mien. Tonton Sylvain n'est pas bégueule et il aime bien la jeunesse. Mais bon, faut pas abuser quand même !

Affiche France (movieposterdb.com)

L'histoire s'attache à décrire les mésaventures d'Agathe Clery (Valérie Lemercier), directrice marketing d'un laboratoire de cosmétique en pleine ascension, pas ouvertement ou violemment raciste, mais pleine de ces petites préventions ou a priori du quotidien qui finissent par dresser un tableau pénible. Les problèmes commencent quand elle se met à brunir spontanément sous l'effet de la survenue d'une maladie d'Addison, ou insuffisance surrénale. Le brunissement est tellement intense qu'elle se retrouve sous peu avec une pigmentation la faisant passer pour noire.

Rapidement s'accumulent les tracasseries, les regards, les embûches, les gènes qu'elle doit affronter depuis l'autre côté. Après avoir perdu son emploi, son compagnon Hervé (Artus de Penguern), et presque son logement, elle n'a plus d'autre choix que de s'accepter comme noire avec l'aide de quelques proches (son amie Joëlle (Isabelle Nanty) et ses parents (Dominique Lavanant et Jacques Boudet)) et du médecin femme noire (Nadège Beausson-Diagne) qui la rattrape lors d'une tentative de suicide. Elle finit par se faire embaucher dans une boite d'informatique dont le patron, Quentin Lambert (Anthony Kavanagh), noir lui aussi, a choisi, en réaction à l'ostracisme ambiant, de n'employer que des non-blancs. Jusqu'à ce qu'une idylle naisse entre Agathe et Quentin.

Dans sa veine habituelle, Etienne Chatiliez poursuit son exploration amusée des travers de notre société. Après l'adoption, le cordon ombilical, le chômage, ... le voici qui s'intéresse au racisme ambiant. Naturellement, on ne se refait pas, pas de violence dans ce regard. C'est qu'il n'est pas dans le propos d'aller regarder les drames les plus spectaculaires. Non, la spécialité d'Etienne Chatiliez c'est d'aller faire un tour du côté de chacun d'entre nous, du côté des plus humbles, des plus anonymes, pour y repérer les traces de ce qu'on aimerait ne pas voir. Mais pas comme une accusation honteuse. Plutôt comme une taquinerie face à un enfant pris les doigts dans le pot de confiture : « Tu crois que je ne t'ai pas vu ? » Juste de quoi nous bousculer un peu dans nos certitudes se pensant bien-pensantes, mais sans vraiment nous faire mal. Après tout, on reste des gens bien, des gens honnêtes qui ne réalisent simplement pas le détail de leurs comportements. Un petit coup de miroir, juste pour nous dire : « Vous avez vu le bouton que vous avez sur le nez ? »

Et pour faire passer la pilule, pour mettre un peu d'onguent sur l'écorchure, Etienne Chatiliez est là pour nous enrober tout ça avec un petit sourire en coin et quelques chansons. Pas de la franche rigolade, n'exagérons rien, on est bien élevés. Non, juste un sourire. De ce genre de sourire qu'on ne peut s'empêcher en voyant un type marcher sur une peau de banane, sans pour autant refuser de lui porter secours. Et non pas une chanson lyrique et engagée, au contraire, une vraie comédie musicale, à l'américaine, avec scènes de danse et tout le tremblement. Jusqu'à y inclure un détournement de quelques mesures de l'Internationale. De quoi détendre les plus revêches, non ?

Et c'est peut-être ce qu'on peut reprocher à cette entreprise : traiter légèrement un sujet sérieux voire douloureux. Même si on comprend l'intention dédramatisante, on peut se demander si la forme « comédie musicale » est bien la plus adaptée au sujet.

D'autant que dans le genre, Etienne Chatiliez semble ne pas avoir beaucoup évolué depuis ses fameuses publicités pour Eram, auxquelles il ne se prive pas de faire un clin d'oeil.

Côté acteurs, pas beaucoup de fausses notes une fois accepté le parti pris de réalisation. La seule vraiment notable est peut-être la prestation d'Anthony Kavanagh, un rien poussive et surjouée, malgré de bons moments. Je ne sais pas si ça a fait la même impression à tout le monde, mais le passage du statut d'humoriste chevelu et légèrement allumé à celui d'animateur puis d'acteur plus sérieux me fait l'effet d'avoir abattu l'entrain du jeune homme. La prestation de la plupart des autres intervenants est relativement honorable, avec une mention spéciale à Isabelle Nanty et à son air toujours abasourdi. Même Valérie Lemercier oublie le plus souvent d'en faire des tonnes. Le plus souvent mais pas toujours, malgré tout.

Il faut dire que le rôle grimé est un pousse-au-crime particulièrement tentant et que les maquilleurs s'en sont donné à coeur joie. De ce point de vue d'ailleurs, la couleur de peau est d'un réalisme saisissant. C'est d'autant moins le cas des autres attributs que le manque est souligné dès le scénario qui annonce une maladie modifiant la teinte cutanée uniquement, et dans les dialogues qui plaisantent sur « Il ne te manque que le nez épaté ». Du coup, l'aspect de l'histoire faisant accepter sans sourciller Agathe par les gens de couleurs comme une des leurs peine un peu à être crédible. Mais bon, on a vu bien pire en matière de faille dans un scénario.

Et au bout du compte, si on ne ressort pas de la projection sans le souvenir d'un certain plaisir, on reste malgré tout légèrement sur sa faim devant un certain nombre de limites.

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