Mais qui a fait courir le bruit que les Marx Brothers étaient morts ? On nous avait vendu cette arnaque depuis des décennies et voilà que le deuil se lève : ils ont été sélectionnés pour présenter leur nouvelle production en avant-première à Deauville en marge du festival 2007. Bien sûr, il y a un vague maquillage pour faire croire que le film serait d’un certain Frank Oz. Saperlope ! On veut tromper qui ? On croit que ce pauvre Sylvain a ses yeux dans sa poche et une mémoire en tire-bouchon ? Moi, je vous dis que ce Frank Oz n’existe pas, que c’est un paravent fabriqué à partir du magicien d’Oz qu’on voudrait nous faire croire franc comme l’or. Quel est le crétin de producteur qui nous a pensé assez naïf, ou ignare, pour ne pas décoder le truc en 12 secondes et demi ? …
Affiche France (cinemovies.fr)
En tout cas, voilà le résultat : l’anonymat des frangins Marx, si bien gardé depuis des lustres, s’écroule grâce à la sagacité proverbiale de la Sylvain Etiret Company. J’attends le prix Pulitzer ! Et les remerciements des lecteurs esbaudis dès la fin de leur lecture. Mais avant toute chose, une question, une seule : comment qu’il a fait, Tonton Sylvain, pour découvrir le poteau rose ? Juste en regardant ce « Joyeuses Funérailles », et en VO en plus, sous le titre original habilement crypté de « Death at a funeral » ? Eh oui, mes loupiauds, c’est pas plus dur que ça ! Allez, je vous raconte …
Affiche USA (cinemovies.fr)
Daniel (Matthew Macfadyen), et sa femme Jane (Keeley Hawes), arrivent les premiers dans la maison des parents de Daniel pour préparer l’arrivée du corbillard qui amène le cercueil de son père pour la levée du corps et pour accueillir les invités. Les croquemorts les suivent de peu et lorsqu’ils installent le cercueil, première catastrophe, ils se sont trompés de défunt ! Daniel les ré-expédie fissa réparer leur erreur et tout rentre dans l’ordre avant que n’arrivent les premiers participants. Parmi eux, Sandra (Jane Asher), la veuve éplorée.
Parallèlement, dans une autre voiture, Martha (Daisy Donovan), la cousine de Daniel, et son petit ami Simon (Alan Tudyk), jeune avocat bien sous tous rapports, font une halte sur le trajet qui les conduit aux funérailles pour prendre le frère de Martha, Troy (Kris Marshall), un grand échalas étudiant en pharmacie bien plus intéressé par l’opportunité de se procurer divers psychotropes que par l’enseignement officiel. Troy s’est d’ailleurs mis en retard en se préparant quelques gélules d’avance maquillées en banales gélules de Valium. Stressé par ce retard, Simon en ingurgite d’ailleurs une par erreur sur le conseil de Martha. Les effets commencent à se faire sentir avant qu’ils n’atteignent le lieu des obsèques. Troy ne réalise qu’alors les raisons de l’état de plus en plus halluciné de Simon et l’explique à Martha atterrée en même temps qu’ils rejoignent Victor (Peter Egan), leur père et frère du défunt. Victor ayant déjà bien peu de considération pour le pauvre Simon, Martha et Troy font alors ce qu’ils peuvent pour lui masquer tant bien que mal l’état de Simon.
Troisième groupe en route : Howard (Andy Nyman), un autre cousin, et un copain, Justin (Ewen Bremner), qui reçoivent en route un appel de Daniel pour s’arrêter prendre en chemin Oncle Alfie (Peter Vaughan) dans sa maison de retraite, un vieil oncle grincheux en fauteuil roulant. Arrivant sur les lieux après un trajet éprouvant sous les invectives d’Alfie, Howard se fait griller la place de parking proche de la maison et doit se taper une longue côte à pousser le fauteuil roulant jusqu’à l’entrée où il arrive épuisé, abandonné qu’il a été par Justin qui s’est précipité à la rencontre de Martha qui se trouve être une ex avec qui il aimerait bien renouer.
Le dernier à arriver, alors que le Révérend (Thomas Wheatley) harcèle déjà Daniel pour que la cérémonie ne prenne pas de retard, est son frère Robert (Rupert Graves), le fils prodigue parti jouer les écrivains à succès à New York alors que Daniel et Jane restaient vivre dans la maison familiale et s’occupaient de leurs parents. Jane commence d’ailleurs à en avoir assez de cette proximité et harcèle de son côté Daniel pour qu’il n’oublie pas de passer le coup de fil urgent devant réserver l’appartement où elle rêve de déménager rapidement. Et pour ajouter un petit brin de tension à l’évènement, Daniel qui a les pieds sur terre s’est préparé un petit discours en guise d’éloge funèbre alors qu’il n’a aucune capacité d’écriture, imaginant bien que son frère, bien qu’écrivain, n’aura de son côté rien préparé. Comme il s’en doutait, mais chaque bribe de phrase entendue à ce sujet parmi les invités en est un douloureux rappel, chacun s’étonne que ce soit lui qui soit en charge de dire le fameux éloge funèbre.
Dernier personnage à entrer en scène, un nain qui tourne autour du cercueil et que personne n’a jamais vu, se présentant comme Peter (Peter Dinklage), un ami du défunt, et qui cherche rapidement à s’entretenir en privé avec un Daniel débordé.
A partir de cet écheveau vont se tisser toutes sortes de quiproquos, situations croisées, catastrophes, erreurs en tous genres, dans un jeu de portes qui s’ouvrent et se referment, d’escaliers qu’on monte et qu’on descend, de fenêtres qu’on passe dans un sens puis dans l’autre, durant toute la durée des obsèques au cours d’une journée où chaque minute ou presque est l’occasion d’un nouveau rebondissement.
Mais le plus important n’est pas encore apparent dans ce résumé déjà bien long. Le plus important tient surtout dans le fait que ce petit résumé ne retrace en réalité finalement et en gros que le premier quart d’heure du film. Et que les choses continuent sur ce rythme quasiment jusqu’à la fin de la projection. Du Marx Brothers, je vous dis ! Dans la grande veine de ces histoires délirantes dont le fil conducteur est le nombre de rires à la minute. Ici, j’ai rapidement arrêté de compter. D’autant que, tour de force, il y a quelque chose de crédible dans cette histoire alambiquée, quelque chose de l’accumulation de catastrophes qu’on s’imaginerait aussi bien capable de nous atteindre nous-mêmes, comme elles s’amoncèlent sur la tête de personnages qu’on se dit avoir déjà vus quelque part : Tiens, celui là, on dirait Jeannot ; Et celui-là, il ne te rappelle pas Tonton Fernand ? … Bien sûr, ce n’est pas un gage de qualité, mais ça donne un gentil mélange de proximité et de connivence qui porte naturellement à la sympathie.
La réalisation n’a rien de très original. La mise en scène de n’importe quelle pièce de Feydeau a depuis longtemps fait ses preuves. Les tourniquets de portes qui claquent et de cadavres dans les placards sont des classiques depuis longtemps bien rodés. Tout est bien connu, depuis le générique graphique d’entrée jusqu’au bêtisier final. Pourtant, et peut-être justement à cause de cette expérience, la réalisation trouve ici en peu d’effets le chemin qui soutient l’attention. Elle tend à s’effacer au profit d’une histoire qui, pour être pleine de rebondissements, en reste néanmoins limpide. Y’a pas à dire, ça nous change de ces labyrinthes à la « Michael Clayton » dans lesquels on perd son chemin à la moindre faute d’inattention, ou d’ailleurs même si on fait un effort de concentration.
Les acteurs ne sont pas pour rien dans cette limpidité. Malgré la tentation qui aurait pu naître, on échappe de très loin au burlesque à la Mel Brooks. Chacun trouve son petit rayon comique sur lequel s’installer et prospérer. Que ce soit Andy Nyman dans le rôle du cousin maladroit, paniqué, à l’hypochondrie angoissée et transpirante. Que ce soit Peter Vaughan en vieil oncle ronchon toujours décalé depuis son fauteuil roulant. Que ce soit Alan Tudyk en digne bourgeois tentant, face à une adversité déstabilisante, de sauver un semblant d’apparence … Inutile de tous les citer. Chacun se ballade dans son registre sans marcher sur les pieds du voisin alors justement que leurs personnages passent leur temps à se bousculer les uns les autres. En fonction de son caractère, chaque spectateur a l’opportunité de trouver dans tout ce bestiaire un énergumène qui lui correspond ou qui correspond à son sens de l’humour.
Il est difficile de ne pas évoquer quelques classiques du genre, au premier plan desquels « Quatre mariages et un enterrement », encore que la parenté ne soit pas si proche et porte bien plus sur le contexte des funérailles et sur la tonalité british du résultat. British par le lieu de l’action, par l’humour, pince sans rire par instants, iconoclaste par moments, sans jamais se départir d’une bienséance rapidement mise à mal. British aussi par la grande majorité du casting. Mais si l’on excepte cette analogie, on est bien plus proche des illustres Groucho and Co que de toute autre chose.
Et c’est bien ce qui fait la surprise de ce film, et le sentiment d’avoir redécouvert un enfant perdu de ces zigotos superbement allumés.
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