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30 juin 2008

La ligue de gentlemen extraordinaires (The league of the extraordinary gentlemen)

La coupe de la ligue

De temps en temps, ça fait du bien de se dire qu’on n’a pas perdu son temps, qu’on a l’impression d’avoir soulevé un caillou tout moche et que dessous y’avait une petite source sympa qu’on n’aurait pas vu autrement. Pourtant la journée semblait mal partie quand on avait shooté dans cette pierre à la gomme, …

Il y a des jours comme ça où on se dit que trop c’est trop : la place de cinoche ou le prix du DVD, c’est bien trop cher pour un navet de cet acabit ; 1h50 d’élucubrations disparates et anachroniques, c’est trop long pour une accumulation de héros de romans datant de plus ou moins un bon siècle ; affubler de superpouvoirs des héros le plus souvent classiques de romans d’aventure, c’est trop prendre le spectateur de cinéma pour un ignare illettré ; répéter pour la millième fois l’histoire de l’équipe de gentilles têtes de lard qui vont sauver le monde de la folie d’un zozo qui veut le dominer ou le détruire, c’est trop rabacher pour tenir l’émotion en haleine et retenir le spectateur à son siège ; adapter la x-ième BD (cette fois-ci, c’est à la création d’Allan Moore que s’attaque la machinerie hollywoodienne), c’est trop mode pour donner encore envie ; …

Et puis on se dit depuis le fond de sa révolte que trop c’est trop : kitsch à ce point, ce serait trop évident pour ne pas cacher quelque chose ; accumuler à ce point les références, ce serait trop lourd pour être si naïf ; mélanger à ce point les histoires et les personnages, ce serait trop visible pour être si simple ; même pour un producteur mentalement atteint, pour un réalisateur délirant, pour une troupe d’acteurs sur le départ ou sur le retour, ce serait trop crétin au-delà du raisonnable d’imaginer si piteuse histoire sans qu’une arrière-pensée n’ait pris les commandes de l’appareil en sous-main ; …

Un peu rassuré d’imaginer que peut-être, sous le premier degré, se cacherait un second, un troisième, un nième degré, on se demande alors par où soulever le voile tendu par Stephen Norrington. Où qu’elle est donc cachée, cette saleté de clé philosophale qui doit transformer en or cette soupe de plomb fondu ?

Juste pour y voir clair, un petit résumé de l’histoire.


-- L’Histoire --

En 1898, Allan Quatermain (Sean Connery) se la coule douce en Afrique où un envoyé de sa Majesté vient solliciter son aide pour une mission en Europe. Il accepte finalement de se rendre à Londres où il rencontre M, le chef des services secrets, qui le charge de diriger une équipe qu’il forme avec quelques personnages aux pouvoirs particuliers pour contrer les menées destructrices du Phantom : déclencher une guerre en Europe. Le Phantom a d’une part dévalisé la Banque d’Angleterre avec des acolytes porteurs d’uniformes allemands, et d’autre part a kidnappé la fine fleur des scientifiques allemands sous déguisement militaire britannique. La manœuvre a néanmoins été découverte et l’altercation entre l’Angleterre et l’Allemagne évitée pour le moment. Le Phantom envisage de s’attaquer à une réunion des chefs d’états européens devant se tenir à Venise dans les jours à venir. La première réunion de l’équipe secrète a lieu à Londres et regroupe Allan Quatermain (le célèbre aventurier du roman de H. Rider Haggard qui explora les mines du Roi Salomon), Mina Harker (Peta Wilson) (la fiancée contaminée par Dracula de Jonathan Harker, le pourchasseur du vampire dans le roman de Bram Stocker), Rodney Skinner (Tony Curran) (l’Homme Invisible du roman de H.G. Wells), Dorian Gray (Stuart Townsend) (le dandy d’Oscar Wilde qui avait acquis la jeunesse éternelle au prix de l’accumulation sur son portrait caché des marques de la vieillesse qui épargnait son corps et de la noirceur dont son âme se remplissait avec le temps), et le Capitaine Nemo (Naseeruddin Shah) (le Capitaine du Nautilus du 20000 lieues sous les mers de Jules Verne). Le Phantom tente de s’attaquer à cette réunion mais est repoussé avec l’aide de Tom Sawyer (Shane West) (le héros de Mark Twayne), agent secret des USA. Grâce au sous-marin d’anticipation de Nemo, l’équipe peut atteindre Venise dans les temps tout en faisant une halte à Paris pour s’adjoindre les services du Dr Jekyll/M. Hyde (Jason Flemyng) (le personnage à double face du roman de Robert Louis Stevenson) qui terrorise la Rue Morgue et qu’il faut décider à participer en le kidnappant. La Ligue arrive à Venise juste à temps pour empêcher que l’attaque déjà lancée par le Phantom ne détruise complètement la ville et ne décapite l’Europe de ses dirigeants. Le Phantom parvient cependant à s’échapper, non sans avoir été rejoint par le traître du groupe qui, avant de faire défection, avait pris soin de subtiliser les moyens de reproduire les pouvoirs spéciaux de chacun des membres de la Ligue. Il se réfugie dans son repère en Mongolie où il avait établi une usine permettant cette duplication qu’il compte mettre à son profit pour dominer le monde. Les membres de la Ligue le retrouvent, s’interposent, et une bagarre générale s’engage. On découvre à cette occasion la véritable identité du Phantom : le Pr Moriarty, (Richard Roxburgh) (l’ennemi émérite du Sherlock Holmes de Conan Doyle).


-- Les Codes --

Comme d’habitude, l’idée générale est de sauver le monde des visées d’un méchant qui a décidé de le renverser. Rien de très original ici. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un individu qui cherche à détruire l’ordre établi en se donnant les moyens de ses ambitions : l’argent (le pillage de la banque d’Angleterre), la connaissance (l’enlèvement de l’élite des cerveaux allemands), la maîtrise de l’avenir que lui donne la capacité de duplication (pas si loin des rêves quasi réalisés aujourd’hui du clonage et de la biotechnologie) des armes les plus secrètes et les plus puissantes de l’adversaire. Derrière le masque presque touchant du Fantôme de l’Opéra, dont on comprenait chez Gaston Leroux la tragique destinée qui l’a porté du rôle d’amoureux éperdu à celui de monstre cruel, se cache en fait ce parangon de duplicité et de vilenie qu’est Moriarty dont la nature destructrice est encore soulignée par le siège de son antre secrète, aux confins de cette Mongolie où le diable enfanta au cours des siècles Attila et Gengis Khan. Le Mal est là.

Face à lui se dresse la Ligue, genre d’être d’élite multicéphale possédant la somme des capacités des membres qui la constitue. Ainsi unifiée, comment pourrait se décrire cette entité ? Affublé d’un large chapeau de cow-boy, le cerveau en est Allan Quatermain, un solide et pragmatique anglais dont le développement au long de l’histoire de liens quasi paternels avec Tom Sawyer, l’américain à l’intrépidité et au caractère brouillon de la jeunesse, en font une sorte de père de la fougueuse et courageuse nation américaine. Skinner apporte la ruse que son invisibilité permet, un peu comme un avion furtif permet de passer en subtilité là où il aurait fallu la force d’une lourde armada. Nemo apporte la sagesse de l’orient et la maîtrise technique dont témoigne la technologie en avance sur son temps de son sous-marin de rêve. Notons au passage à quel point l’orient se condense en Nemo, adorateur d’un dieu de l’Inde, adepte d’un art martial chinois, barbu à souhait comme un prince d’Arabie. Jekyll/Hyde apporte le doute et l’hésitation, le questionnement du Dr Jekyll autant que la décision servie par la force invincible émanant de Mr Hyde. Mina Harker apporte la puissance de la vengeance, la force de celui qui a tant souffert que sa résolution est impitoyable lorsqu’il s’engage dans l’action. Dorian Gray apporterait l’invincibilité de la jeunesse éternelle si on ne sentait d’emblée qu’une terrible faille, un terrible secret, se cache en fait sous ce masque de refus du passage de l’adolescence insouciante à l’âge adulte maîtrisé.

Condensons encore un peu la description en la débarrassant des poussières d’une historiette parasite.

Fort de sa fougue et de son énergie que la jeunesse brandit face à la réflexion et au doute qui tempèrent la pensée et l’action et qui finalement construisent la maturité et stabilisent un ordre établi, fort de l’expérience douloureuse d’une vie qui a connu le drame et la souffrance qui forgent l’acier du caractère et trempent la décision dans un bain de résolution, fort de cette habileté qui sait exploiter la patience et la ruse au service d’une cause noble, fort de cette conviction que l’homme par delà ses différences peut bénéficier de la multiplicité de ses approches culturelles au bénéfice d’un melting pot catalysant, le Bien peut affronter le Mal où qu’il se trouve et lui porter le fer jusque dans le désert gelé des portes de l’enfer. Et naturellement, si le Bien peut être personnifié, ce n’est que coiffé du Stetson qui domine l’affiche du film qu’il peut apparaître aux yeux du monde.

Message de l’Amérique au monde : l’ordre établi est et sera défendu victorieusement parce qu’il est le Bien, et les coups qui lui sont portés, loin de l’affaiblir, renforcent la volonté et décuplent la force de ses défenseurs.
Message à l’Amérique : si l’Amérique est le bras armé du Bien, il ne le restera que pour autant qu’il double sa vigueur adolescente d’une adulte tempérance et qu’il reconnaisse même la valeur des barbus les plus exotiques.


-- Un autre Film --

Relu sous cet angle, le déluge de références qui s’abat durant toute la durée du film reprend sens. Depuis l’image initiale intégrant le logo générique de la 20th Century Fox à la première scène du film, comme une annonce qu’un début de siècle en valant un autre, c’est à nous que le message est destiné. Depuis l’origine de tous les personnages qui puisent leurs racines dans les classiques de la littérature d’aventure des années 1900. Jusqu’à la rutilance pétrodollaresque du barbu d’opérette qui gouverne l’état flottant qu’il s’est construit, en rupture avec son pays d’origine ainsi que Jules Verne le décrit, à la tête d’une armée personnelle de gardes dévoués jusqu’à la mort sans la moindre hésitation comme en témoignent les scènes de l’attaque contre Venise (on ne pense à personne dans cette description, naturellement …). Les exemples sont innombrables. Jusqu’au caractère innombrable, au déluge par lui-même, qui portent sens en ce qu’ils saturent l’imagination et forcent le spectateur à la quête d’une autre réalité que celle de l’épopée de caricature qui se déroule sous ses yeux. Les effets spéciaux sont au rendez-vous, mais juste assez en dessous de ce qui aurait été réellement réaliste (alors qu’ils ne sont, et de loin, pas réalisés par des novices en la matière). Donner le rendu du « juste raté » demande une dextérité qui ne laisse la place ni à l’amateurisme ni au doute sur la volonté d’utiliser le rêve pour faire sortir du rêve et souligner l’existence du code sous-jacent. On pourrait lire également le jeu des acteurs avec la même grille, mais bon, à quoi bon en rajouter ?

S’il est bien entendu qu’il serait déraisonnable de ne voir dans tout le cinéma états-unien de l’après 2001 que des références plus ou moins évidentes à ce qui a été vécu comme un séisme majeur, on ne peut s’empêcher d’être frappé de voir jusqu’à quel point les esprits en ont été troublés et les modes d’expression les plus inattendus en ont été influencés.


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Alexandre (Alexander)

D'Alexandrie Code

Qui a bien pu voir dans Platoon une simple fresque épique sur la guerre du Vietnam ? Oliver Stone est un peu trop intello pour s'en tenir à une épopée à grand spectacle.

Affiche France (cinemovies.fr)

Qui verrait "Alexandre" comme un genre de "Lawrence d'Arabie" s'en tiendrait à la surface des choses. Mais que la surface soit clinquante ou terne, c'est bien sous la mer que se cache l'Atlantide. Et pourtant, qui a cherché à plonger un peu sous le rafiot qu'Oliver Stone nous met devant les yeux pour regarder ce qui se cache sur les fonds marins qu'il survole ? J'ai lu beaucoup de commentaires sur ce film, qui vantent ou décrient la véracité historique, le peplum hollywoodien, le choix des acteurs, le jeu plus ou moins net ou charismatique de l'un ou de l'autre, ... Comme si Oliver Stone était Ridley Scott. Mais Stone est plus un genre de Costa Gavras qu'un émule de Cecil B. De Mille. Cherchez le politique et vous trouverez Stone ! On peut aimer ou pas, être d'accord avec lui ou non, mais ce n'est que là qu'on le rencontrera.

Affiche Allemagne (cinemovies.fr)
Mais comme un film uniquement politique n'est guère plus marrant que la lecture du Capital, en habiller la trame de quelques sur-couches plus ludiques en rend la lecture un peu moins austère. Quand Michael Moore fait du reportage il peut être plus direct : "Bowling for Columbine" dit les choses en direct, sans fioriture. Oliver Stone, lui, fait du cinéma. Alors on a droit en prime à un peplum en jupettes, une reconstitution historique (fidèle ou pas), un couplet sur l'homosexualité, un chapitre sur la solitude des visionnaires, un peu de sexe à l'afghane, une pincée sur l'amour maternel abusif, un soupçon d'intrigue de cours, l'exotisme des forêts indiennes et des déserts de perse, ...

Affiche USA (outnow.ch)



*** L'histoire ***

Inutile de redire l'histoire en détails. Les plus tentés pourront se référer aux autres avis qui la décrivent avec moultes précisions. Juste un petit résumé suffira ici au propos.

Alexandre, fils d'un roi réunificateur de la Grèce, prend son envol politique en partant à l'assaut de Darius, roi babylonien tenu pour responsable d'avoir attenté au pouvoir hellène de son père. En chemin, se construit l'idée que l'unification de l'ensemble des peuples conquis par son armée sous une autorité unique conduira à une ère de paix et de prospérité pour tous. La confrontation a lieu non loin de Babylone, scène dans laquelle Darius apparaît à l'écran pour la première fois : un chef, jeune et svelte, dont le visage effilé est mangé en bas par une longue barbe brune et en haut par un keffieh d'époque. Darius est défait et s'enfuit vers l'est, jusque dans les contreforts himalayens et les montagnes afghanes où Alexandre le poursuit et découvre son corps abandonné par ses derniers acolytes. Alexandre épousera même une femme afghane, belle et rebelle, mariage qui accélèrera sa perte. Mais la machine est lancée, et Alexandre continue à mener son armée vers l'est jusqu'en Inde où l'épuisement et la maladie ont raison du moral des troupes. Alexandre isolé capitule de son rêve et accepte de ramener ses hommes vers l'ouest. Il meurt à son retour à Babylone.


Affiche USA (outnow.ch)



*** Le film ***

Beaucoup de choses ont été dites sur la petite histoire du film, ses à côtés, les vertus et les failles du scénario, du casting, de la réalisation. Globalement, contrairement à beaucoup, je trouve le film honnête. On se laisse prendre au jeu. On peut voir ça comme un film d'aventure de bonne tenue, marqué de quelques longueurs et d'un jeu d'acteurs parfois un peu emphatique. C'est long si on regarde sa montre à la sortie, mais le temps passe vite sans qu'on s'en rende trop compte pendant qu'on est dans la salle. Et après tout, c'est la loi du genre. Mais le propos n'est pas là.

*** Le dessous des cartes ***

Faisons juste une petite substitution d'époque après tout assez transparente (j'ai même presque honte de proposer cette lecture tellement elle me parait sauter aux yeux) : Et si que l'histoire se déroulait de nos jours ... Reprenons l'histoire avec cet éclairage.

Le centre du monde civilisé est déstabilisé par un attentat contre le symbole de son pouvoir. Le potentat local crie vengeance. Son père avait lui-même connu l'auteur du crime et, plus que la personne du chef, c'est son héritage, l'idée même de la nation qui porte et apporte la civilisation, qui en est ainsi agressé. L'agresseur est un barbu enturbanné du désert, d'allure ascétique mais issu d'un monde d'or et le luxe, qu'il va falloir aller traquer vers l'orient. C'est en Afghanistan que le barbu finit ses jours, poursuivi par les soldats du monde civilisé. Au passage, l'Afghanistan sauvage épouse le chef de la civilisation. Et c'est dans la cité du désert où se sont mêlés les ors les plus brillants et les desseins les plus noirs que s'implante l'armée du monde libre.

Ca y est ? Les choses deviennent plus claires ?

Et si qu'Alexandre s'appelait George W.
Et si que son papa s'appelait aussi George.
Et si que Darius s'appelait Oussama (la ressemblance est quand même frappante sur le premier gros plan de Darius).
Et si que Babylone s'appelait Bagdad (sauf erreur, la Bagdad d'aujourd'hui est bâtie sur les ruines de la Babylone de l'antiquité).

Oussama, fils des ors, du luxe, et du sable d'Arabie, prend pied en Afghanistan et de là organise l'attentat contre le centre névralgique du monde libre que papa George a bâti et dont fiston George vient de prendre les rênes. Outre qu'il faut aller traquer l'adversaire à l'orient, où son quartier général s'effondre et passe aux mains de nouveaux chefs qui épousent les valeurs du monde libre, le combat contre le mal doit en extraire jusqu'aux racines partout où elles s'étendent. Bagdad est dans ce cas. Bagdad est investi, et son pouvoir remplacé par l'esprit du monde libre.

Là s'arrête la transposition antique des évènements récents connus. Le reste est le propos d'Oliver Stone, sa vision de ce qui découlera de cet enchaînement.

Darius/Oussama ne peut gagner contre les efforts légitimes du monde libre d'occident à se délivrer de ses agresseurs. Il finit par tomber sous la traque. Mais dans son élan, le monde libre va trop loin. Il s'implante où il n'a pas de légitimité. Certes l'Afghanistan l'a épousé, mais au bout d'un temps, qui voudra encore mourir pour Kaboul ? L'occident porte la civilisation à Bagdad, mais y apporte-t-il la paix ? Et les conquérants de Bagdad supporteront-ils longtemps de rester loin de chez eux ? Les troupes d'Alexandre/George W. ne rêvent plus que d'une chose : retrouver leur terre natale pour y cultiver un lopin de terre. C'est bien beau d'apporter la civilisation au monde, mais même les héros finissent un jour par être fatigués.

La première défaite d'Alexandre est contre les éléphants de l'Inde, contrée atteinte comme par hasard mais qui n'avait pas de lien avec le pouvoir de Darius. La vraie défaite d'Alexandre est la perte de l'adhésion de ses soldats qui perdent le feu sacré qui les faisait accompagner Alexandre dans son rêve d'unification du monde. La défaite de George W. serait de se lancer à l'assaut d'un rêve civilisateur mondial et de perdre le soutien de ses partisans plus attachés à la protection de leur lopin de monde libre et au châtiment de ses agresseurs.

On peut adhérer ou non à la vision d'Oliver Stone, on peut choisir un camp ou un autre. On peut aimer ou non le style de Stone, être fan ou las de peplums ou des apparitions d'Anthony Hopkins. Mais ce qu'il serait dommage de faire, ce serait de passer à côté du fond du propos d'un auteur engagé dans son époque et dont la réflexion peut nous aider à décrypter le monde qui nous entoure. Le reste relève de nos propres choix. C'est dans des exercices de ce genre que le cinéma politique trouve ses lettres de noblesse.

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La guerre des mondes (War of worlds)

Même pas peur !

C'est samedi et comme je ne bosse pas ce week-end, je me suis dit que je pouvais aller à la première séance, celle qui coûte moins cher, pour déguster dans le calme le dernier opus de Monsieur Spielberg, celui-là même qui était responsable de l'écarquillement pupillaire adolescent qui me poursuit encore depuis que Luke Skywalker avait sauvé la galaxie. Levé de bon matin, et le coeur plein d'entrain, me voilà mon ticket dans la poche et les fesses dans un doux fauteuil, prêt à repiquer au jus des mondes science-fictionnesques. Tout ça pour dire que l'a priori était plutôt favorable. Voilà, ça commence ...

Le générique navigue parmi une forêt de filaments et de protozoaires qui s'ouvre sur une petite intro en voix off de Morgan Freeman.

Ray Ferrier (encore qu'il va falloir un bon moment pour qu'on connaisse le nom de famille) (Tom Cruise) est un grutier surdoué qui rentre chez lui pour la pause au désespoir de son patron qui se retrouve avec tout un cargo sur les bras et personne qui arrive à la cheville du sus-dit Ray. Ray rigole en s'éloignant et en le laissant s'éponger le front ...

C'te bonne blague.En arrivant devant chez lui, son ex, BCBG et enceinte de pas mal, s'impatiente devant la porte fermée, avec son nouveau (Tim) qui doit l'emmener en week-end à Boston chez ses parents à elle, et avec les 2 enfants qu'elle a gardé de sa séparation d'avec Ray : Robbie (Justin Chatwin) un ado grincheux et j'm'en-foutiste, la casquette en arrière, le look dépenaillé et le baladeur sur les oreilles, et Rachel (Dakota Fanning) une gamine plus souriante qui fait quand même la bise à papa. "Me voilà, pile à 8h30 comme prévu", "Mais on avait dit 8h, Ray", "Non, pas possible, ..." Re-c'te bonne blague.

Installation des moufflets dans la bicoque où règne un laisser-aller expressif et consignes au grincheux qui s'en tape de préparer son exposé pour le lundi. Départ des bon-chic. La télé raconte une panne générale sur l'Ukraine qui n'a plus de communication depuis un orage électromagnétique mystérieux. Ray s'affale sur un lit défait en disant à la petite de se commander à manger vu le désert du frigo. Il se réveille pour râler que la pizza (ou autre américanophagisme livrable) n'est pas du niveau. Robbie est sorti faire un tour en piquant la bagnole sans permis ni permission. Ray n'est pas content et sort à pied quand il est arrêté par un attroupement de voisins qui regardent le ciel et un drôle d'orage avec plein d'éclairs, un vent curieux, et la foudre qui se met à tomber, bizarrement, à plusieurs reprises au même endroit, un peu plus loin. L'électricité saute, comme tout ce qui d'habitude fonctionne et qui là ne fonctionne plus, même la montre au poignet du grutier. ("Serait-ce donc que les infos sur l'Ukraine annonçaient quelque chose de plus vaste ?" se dit le spectateur ébouriffé par une telle révélation.) Rachel n'est pas rassurée mais Ray va voir de quoi il en retourne, à pied et en croisant un tas de voitures en carafe dont une que le garagiste voisin s'acharne à réparer et à qui Ray dans un trait de génie lance l'idée de la réparation qui fera redémarrer l'engin. Robbie rentre au même moment mais sans la voiture empruntée qui l'a laissé en rade un peu plus loin. Ray râle au passage.

A partir de là, les choses sérieuses commencent. Les amateurs qui veulent vraiment tater de la salle obscure et se délester de leur obole à Monsieur Spielberg feront bien de sauter la suite du résumé à moins que la connaissance de la fin n'entrave pas leur plaisir de spectateur. Les moins accro qui voudraient simplement profiter de mon investissement pour savoir jusqu'où tout ça nous mène en s'épargnant le regret d'avoir passé des heures dans le noir pour ça pouront continuer la lecture.

*** Passage à censurer si on ne veut pas connaître la fin ***

Arrivé où la foudre a martelé le sol qui est bizarrement gelé, le bitume se fissure en grandes failles qui font s'effondrer les bâtisses voisines, jusqu'au clocher d'une église qui se renverse sur la chaussée (la cause de tout ce tintoin s'en prendrait donc aussi à Dieu alors !). Soudain, une espèce de tank en forme de casque de Dark Vador dont l'avant serait remplacé par un phare de 2CV version monumentale, le tout posé sur trois tentacules géantes d'une bonne cinquantaine de mètres qui lui servent de gambettes (d'où son nom de tripode dans le reste du film), sort de terre à grand fracas, déploie quelques ustensiles, et se met à tirer sur la foule affolée. Pas mal de trucs explosent. Du linge flotte dans l'air. (C'est qu'en touchant quelqu'un, le rayon mortel le désintègre lui, mais pas ses vêtements qui s'envolent comme si qu'on aurait mis un pétard dans un panier de linge sale.)

Ray prend ses jambes à son cou et rentre à la maison en échappant au champ de ruines et au massacre, tout secoué par l'aventure. Il fait vite fait son paquetage, sans oublier le flingue planqué sous le lit. ("Tiens, je parie qu'il va s'en servir plus tard" se dit le spectateur avisé et fier de sa culture cinématographique qui lui permet de décoder à la seconde ce genre de scène qu'un moins érudit aurait trouvé inédite.) La progéniture est entre la panique et la rouspétance. Tout le monde saute dans la seule voiture qui marche après que le garagiste ait exploité utilement l'idée de génie sus-visée du grutier. Le garagiste qui s'interpose est balayé par un tir du rayon venu d'ailleurs et la voiture décampe dans les cris hystériques de la gamine sur la banquette arrière (une spécialiste de ce genre de manifestation dont on ne profite là que de la première d'une longue série d'occurrences). Heureusement, Robbie sert à quelque chose : il connaît le truc pour stopper la sirène.

Les choses se calment un peu en navigant entre les voitures échouées au milieu de la chaussée, et la petite équipe se décide pour rejoindre maman et Tim avant leur départ chez grand-maman. Une pause pipi sur le bas côté juste histoire que la demoiselle voie passer des corps charriés par le courant d'une onde pure en contre-bas et nous fasse un petit coup de sirène, et qu'une colonne militaire roulant dans l'autre sens ne donne l'occasion au grincheux de s'exprimer en réclamant d'aller avec la troupe bouter l'envahisseur. Engueulade avec Ray. La sirène pleure et retient son frère.

On arrive enfin chez Tim, dans un lotissement chic. Un havre de paix dans un monde de brutes. C'est le soir, alors c'est éclairé comme à Versailles, mais la maison (bien rangée celle-là) est déserte. On s'interroge en famille. Ray fait une démonstration de ses talents culinaires en confectionnant des tartines de beurre de cacahuète, mais personne n'en veut. Robbie n'a pas faim et Rachel est allergique au beurre de cacahuète. ("Et depuis quand, ma fille ?", "Depuis ma naissance". Regard gêné de Ray devant cette preuve définitive de son absence (jusque là) de qualité à être père.) Tout le monde va dormir à la cave transformée en Gymnase Club (Tim se tient en forme !).

Un grand bruit réveille tout le monde et on va se réfugier précipitamment à l'étage en dessous (la cave de la cave, quoi ! Un genre de chaufferie semble-t-il). Y'a quand même un vasistas qui permettrait de voir dehors s'il faisait jour, mais d'où vient un grand éclair dans une grande secousse. Ray va de nouveau voir de quoi il en retourne et découvre le lotissement cosy transformé en champ de ruines sous l'effet d'un avion qui s'est écrasé sur le quartier et a éventré la maison. Une bande de journalistes est justement là à fouiller la carcasse à la recherche d'un truc à manger. On fait connaissance et on visionne une K7 qu'ils ont filmé plus tôt où on voit que les attaques se sont multipliées entre-temps. Sur un ralenti des éclairs mystérieux, surprise : c'est en fait le support d'une espèce de capsule qui vient du ciel (probablement d'un vaisseau spatial), et qui s'enfonce dans le sol pour atteindre et mettre en branle les tripodes enfouis depuis la nuit des temps, avant même l'arrivée de l'homme sur terre, quand l'attaque avait été programmée en l'attente du bon moment. Ray récupère les marmousets et on plie à nouveau bagage en sautant dans la voiture volée, direction chez Mamie à Boston.

Papa râle que fiston l'appelle "Ray". Un peu de respect quand même ! La nuit retombe. Rencontre avec une foule hostile qui en veut à l'auto. On lutte, on joue du flingue ("Je savais bien qu'on allait la revoir, cette pétoire" se dit le spectateur avisé et fier de l'avoir été), un coup de sirène pour le fun, on perd l'auto et on se retrouve à pied. Justement, on est près d'un embarcadère où un ferry charge la foule gentiment, guidée par des gentils GI qui font la circulation arme au point. Soudain les tripodes arrivent à l'horizon. La foule s'emballe. Le ferry relève le pont et démarre en catastrophe. Ray and Co ont pu quand même monter et fiston épate papa en sortant de son attitude négative en aidant quelques passagers accrochés au bastingage à rejoindre le bord. Emotion. Et puis comme les tripodes sont méchants et rapides, ils rattrapent le ferry qu'ils chavirent tout en jouant du rayon désintégrateur sur les passagers à l'eau. Les Ferrier arrivent quand même sur la rive et la route se poursuit pedibus com jambis.

Robbie a un drôle de regard, comme halluciné, et plante tout le monde pour aller rejoindre une escouade du coin qui balance plein d'obus sur les tripodes du secteur. L'escouade de plaint que les obus n'égratignent pas leur cible. ("Ben c'est le champ de force !" explique le spectateur avisé qui a déjà vu Independance Day et qui est donc expert en boucliers extraterrestres.) Papa n'arrive pas à retenir Robbie. Pire, il doit choisir entre le retenir lui ou aller récupérer sa fille laissée un peu plus loin qu'une bonne âme tente d'embarquer en la croyant perdue. Cornélien ! Un éclair fait exploser l'escouade que le fiston avait rejointe. Pas encore le temps de pleurer tant ça barde de partout.

En passant près d'une maison isolée, un inconnu (Harlan / Tim Robbins) fait des signes depuis l'entrée de sa cave, un fusil à la main. Ray et Rachel se réfugient dans la cave avec l'inconnu qui referme l'entrée sur eux. On se repose un peu, avant de comprendre qu'Harlan a décidé de faire comme les envahisseurs : se réfugier sous terre en attendant l'occasion de les prendre à revers. Dehors ça barde de plus en plus, et on voit les tripodes capturer les prisonniers avec des tentacules géantes genre langue de caméléon et les stocker dans des cages suspendues sous Dark Vador. Pire, de temps en temps, ils en coincent un à terre et le trucident en en aspirant le contenu qui, on suppose après digestion, est évacué par un genre de pot d'échappement. Le paysage est entièrement tapissé de rouge. Dans la cave prolifèrent des racines étranges de la même couleur. Le désaccord monte dans la cave entre Harlan qui veut de plus en plus en découdre puis pète un câble et Ray qui veut toujours juste sauver sa fille. Explication musclée derrière une porte, et exit Harlan. Les martiens (et tout cas les habitants des tripodes) tentent une incursion dans la cave mais tout le monde est bien caché. La petite finit quand même par sortir et se faire attraper. Son père la suit dans la nacelle du tripode et finit par dézinguer l'engin à coup de grenades bien placées.

Scène suivante : arrivée dans Boston avec une colonne de survivants. Surprise, un tripode s'est pris les pieds dans le tapis et a chu contre une façade. Les racines envahissantes sont là aussi, mais elles ont perdu leur couleur vermillon et sont toute friables. "Mais ça meurt !" s'écrie Ray. Les GI guident les arrivants vers un tunnel quand Ray leur signale que des oiseaux se posent sur le sommet d'un autre tripode qui titube déjà : c'est qu'il n'a plus d'écran de protection alors ! Quelques roquettes bien senties et l'engin s'écroule. Un ET rend le dernier soupir en ouvrant son écoutille. On comprend que tous les tripodes du monde subissent le même sort.

Scène suivante : Ray se présente devant la porte de Mamie en laissant Rachel aller devant et se jeter dans les bras de sa mère émue qui dit merci à papa. Papy et Mamie sortent aussi. Et miracle, Robbie, qui n'est plus grincheux, sort aussi. Il est donc pas mort, alors ?! C'est beau !

Morgan Freeman revient en voix off sur fond de filaments et de protozoaires pour donner la clé en 3 phrases : les ET ont failli battre les humains, mais les bactéries, que les ET n'avaient pas prévu, sauvent la mise aux humains en trucidant les envahisseurs qui avaient négligé de se faire vacciner. Si c'est pas de la solidarité terrienne, ça !

*** Fin du résumé et du passage à sauter ***

Les fesses bien calées dans mon doux fauteuil, je regarde d'un oeil distrait défiler la litanie des collaborateurs du film. Ce n'est pas que ce soit passionnant, mais ça a le pouvoir hypnotisant de laisser vagabonder l'esprit au milieu du souvenir récent. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir en raconter en rentrant ?

Question effets spéciaux, Steven n'est pas manchot. On le savait et on le vérifie. Pas de surprise de ce côté là. Peut-être seulement la scène de la sortie de l'eau après le naufrage du ferry et celle de la sortie de la maison quand Ray recherche Rachel avant qu'elle ne se fasse repérer par un tripode : le décor fait bizarrement carton-pâte et rappelle furieusement certains plans du Magicien d'Oz, en plus trash bien sûr.

La tête chercheuse qui fouine dans la cave avant qu'Harlan ne pète une durite fait "vrai", sûr. Dommage qu'on ne puisse s'empêcher de la comparer à la langue d'eau de mer qui fouille le module sous-marin d'Abbyss.

Les ET qui farfouillent dans la même cave ont un air d'hybride entre la bébête d'Alien et le casque de Dark Vador (décidément, Steven a du mal à oublier ses premières amours). Mais tant pis, ils sont repoussants à souhait.

Question acteurs, Tom Cruise est le Tom Cruise du commerce, celui de Top Guns, pas celui de Magnolia. Ni plus ni moins. Justin Chatwin fait un Robbie de bande dessinée, caricatural en diable dans le genre rebèle des beaux quartiers. Dakota Fanning est une sirène tout a fait convaincante si on aime le genre bruyant. Tim Robbins est inquiétant comme au cinéma. Tout est dans le regard. On se croirait dans un film d'auteur. Spielberg admire Truffaut, on le savait depuis Rencontre du Troisième Type. Un petit clin d'oeil de sous-jeu, c'est pas du Truffaut, mais ça fait du bien à l'image. Tim Robbins remplit bien sa mission, mais pourquoi lui donner cette mission dans ce film précisément ? Mystère et boule de gomme.

Question image, il faut aimer la pénombre et les ambiances glauques. Pas grand chose à dire de plus, si ce n'est que si le but est d'appuyer sur l'impression kafkaienne de chape de plomb étouffante sous laquelle les personnages basculent d'une catastrophe à la suivante sans avoir le temps d'en comprendre la logique, c'est assez réussi. On se croirait dans Minority Report ou dans Blade Runner. Ou comment muter H.G. Wells (l'auteur de La Guerre des Mondes, version roman) en Philip K. Dick. Projet amusant, mais un drôle de saut à opérer pour suivre Spielberg de la Guerre des Etoiles, space opera à la Jack Vance ou à la James Blish, à l'univers torturé de Dick.

Côté poncifs, clichés et raccourcis, c'est le festival. Les personnages sont autant de caricatures. Même ceux de 22ème plan : les journalistes qui fouillent la carcasse de l'avion écrasé dans un monde dévasté ne pensent qu'au scoop, tout en se plaignant qu'il n'y a plus de chaîne de télé fonctionnelle pour diffuser leurs images. Et de se détourner de Ray sans état d'âme quand ils découvrent qu'il n'est pas "scoopable". La plupart des effets sont attendus : Rachel profite du calme de la pause pipi pour regarder le calme courant d'une paisible rivière, quand apparaît un corps flottant au fil de l'eau, suivi de peu par toute une série de victimes dans le même équipage. Les bons sentiments pleuvent : en pleine panique générale, la bonne âme qui, sous les bombes, ne voulait pas avancer sans avoir convaincu Rachel de la suivre, parvient même à s'excuser auprès de Ray de n'avoir pas cru en son retour que la petite attendait. Tout ça en courant. Les GI sont très gentils. Presque pas un mot plus haut que l'autre en pleine bataille. Même pas peur, GI Joe. Pourtant, même les soldats de Starship Troopers avaient des états d'âme. Mais il est vrai que ce n'était pas des GI (ou des Marines, je m'y perds ...).

Quant à l'histoire, elle n'en finit pas de commencer. Tout le film n'est qu'une fuite pour échapper à l'envahisseur et on attend le moment où le cours de l'histoire va s'inverser, où les héros défaits vont reprendre pied et organiser la reconquête. On sent bien que ça va venir, mais les tuiles continuent à pleuvoir. Ray bousille bien un tripode en trouvant la faille, mais ça fait un moment que les escarres me titillent le postérieur malgré le doux fauteuil. Et puis de toute façon, la technique n'est reprise par personne. Et tout à coup, les ET meurent sans raison apparente, Morgan Freeman nous dit vite fait que c'est un coup des gentils microbes terriens, et vlan, générique. Comment on le sait, mystère. Pourquoi le même effet chez tous les ET top synchro, re-mystère. Après tout, les indiens décimés par les maladies des compagnons de Christophe Colomb avaient mis des années à disparaître, et encore pas jusqu'au dernier. Comment les bactéries enrayent les boucliers de force autour des tripodes, re-re-mystère. Tout ça tient en quelques minutes de film. Au point qu'on se demande si on n'a pas assisté au premier épisode d'une saga dont Spielberg nous réserverait une série de suites dans les années à venir. Mais non, c'est l'adaptation d'un bouquin qui finit sur cette défaite microbienne des envahisseurs. Le bouquin n'a pas de suite, alors de saga nada. Il fallait bien une fin, alors on a mis ça. Peut-être que c'est volontaire de conserver un mystère pour maintenir l'ambiance kafkaienne. Mais à ce compte, pourquoi donner la clé bactérienne ? Autant s'en tenir à "Les ET meurent d'un coup" / Générique. Bref, une impression de bâclé sur la fin.

Lundi, 3h du matin. Je crois que je vais m'arrêter là. Ca m'a pris un peu plus de temps que prévu de raconter ma séance de cinoche. Finalement, y'avait quelques bricoles à dire ...

(Egalement publié sur Cinemaniac.fr)

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Les 4 Fantastiques (Fantastic four)

Nostalgie non euclidienne

Affiche France (cinemovies.fr)

Si on me promet de ne pas me traiter d'ancien combattant, j'arrive parfois à raconter comment j'ai commencé à lire des BD, il y a bien lontemps de ça. Dans ma bourgade de France profonde, y'avait le grand luxe : Tintin, Astérix, Lucky Luke, en albums grand format, à couverture souple ou rigide. On attendait chaque sortie comme un évènement. Mon père les achetait dès parution, "pour les enfants", même si nous ne les voyions arriver que le lendemain, après une première lecture paternelle en douce. Pour le quotidien, ou plutôt l'hebdomadaire, y'avait Pif le Chien. Un mélange de choses variées, des aventures de Placid et Muzo à l'épopée de Rahan, le costaud de l'âge de pierre. Avec en plus un gadget à chaque numéro, histoire de s'étonner le ciboulot en plus de se purger la tête avec les niches entre Pif le Chien et Hercules le Chat. Et puis au Brazza, le tabac-journaux du coin, y'avait pour tous les jours un présentoir de BD à 2 balles en petit format, quasiment sur papier journal, mais brochées comme des cahiers d'écolier. Là, c'était le voyage pour trois sous, l'Afrique sauvage, les rues de Gotham City, les mystères de la magie, les gratte-ciels en noir et blanc, ou en couleur quand on avait un peu plus d'argent de poche. Y'avait Zembla, Akim, Mandrake, le Phantom, Superman, Spiderman, Batman, les 4 Fantastiques. Y’avait aussi Picsou, … mais c’était bon pour les mômes !

Affiche USA (cinemovies.fr)


Bien sûr, après, y’a eu Blueberry, Les Tuniques Bleues, Iznogoud, Achille Talon. Y’a même eu l’Inspecteur Canardeau, Carmen Crû, Sœur Marie-Thérèse des Batignoles, et même Little Kevin, …, c’est dire ! Mais rien qui ressemblait vraiment aux héros de papier de l’enfance.

Et puis on a eu la télé, et on a vu débouler les images qui bougent : Star Treck, Les Envahisseurs, Cosmos 1999, Wonder Woman (la série), … Aussi Chapeau melon, Le Prisonnier, Starsky, et les Têtes Brûlées de Papy Boyington, mais c’est une autre histoire.

Alors quand on m’annonce le retour de mes héros au cinéma, mon cœur fait une pause et ma main se tend sans aucun contrôle, avide d’échanger le petit billet qu’elle tient contre une place assise vers le fond de la salle, pas loin du radiateur, là où on peut rêver …

Star Wars m’avait laissé sans voix et des étoiles dans la tête. Superman avait ouvert la voie des super-héros qu’on avait crus oubliés et qui reprenaient vie. Pas le meilleur cinéma – on devient exigeant avec l’âge -, mais on se disait que c’était un début. On était plein de bonne volonté, indulgent au-delà de raisonnable. On a même regardé sans rien dire Wonder Woman (le film). Et puis y’a eu la suite : Batman, Spiderman, et leurs moutures successives. On sentait la tension de l’effort, le désir de bien faire, l’envie. Et puis le monde a commencé à s’effondrer : Daredevil, Elektra, Cat Woman. Mon Dieu ! Comment a-t-on pu faire ça à mes rêves de gosses !

Mais rien n’y fait, on peut me piétiner la rate et la mémoire, il suffit de m’agiter sous le nez l’affiche d’un film d’un de mes super-héros, et le piège refonctionne comme au premier jour. Allez savoir pourquoi. En tout cas, c’est comme ça que, le cœur plein d’émoi et les yeux regardant déjà plus dans le lointain d’un imaginaire ressuscité, je me suis retrouvé dans le fauteuil rouge moelleux de « la plus grande salle de Montparnasse », … au fond, là où on aurait été près du radiateur s’il y en avait encore, naturellement. Les 4 Fantastiques commençaient.

Pour n’importe quel pro des super-héros, autant dire que c’est la même histoire que d’habitude. Mais quelle importance ? On le sait, puisque c’est toujours la même, à quelques variations près. De toute façon, on n’est pas là pour l’histoire. Et puis après tout, quand on va au concert écouter la 9ème de Beethoven, est-ce qu’on est surpris d’avoir la 9ème de Beethoven ? On l’a écoutée cent fois déjà, et pourtant on y va quand même : on y va pour autre chose. Pour les novices, résumons un peu l’argument. :

Deux scientifiques, Reed Richards (Ioan Gruffudd) et Ben Grimm (Michael Chiklis), viennent solliciter d’un riche homme d’affaire, le Dr Victor Von Fatalis (Julian McMahon), son aide pour un projet que leur a refusé la NASA. Il s’agit de profiter de la survenue attendue d’un phénomène interstellaire comparable à celui qui semble avoir été à l’origine de la vie sur Terre pour en étudier dans l’espace les effets biologiques. Fatalis accepte de mettre à disposition sa station spatiale et de financer l’opération à condition d’y joindre Susan Storm (Jessica Alba) son directeur scientifique (qui se trouve être sa petite amie et l’ex de Reed) et Johnny (Chris Evans), le frère de celle-ci, jeune olibrius viré de la NASA pour extravagance. En dernière minute, Fatalis se joint à l’expédition. Dans la station, le groupe se prépare à l’arrivée de l’orage stellaire mais celui-ci est en avance et les prend par surprise, exposant directement tous les membres de l’équipe à son effet. Rentrés sur Terre, chacun découvre progressivement qu’il est doté de pouvoirs nouveaux. L’un (Reed/M. Fantastic) peut étendre son corps à souhait ; l’autre (Susan/La Femme Invisible) devient invisible à volonté et possède quelques talents de télékinèsie ; le troisième (Johnny/La Torche Humaine) peut voler et produire des températures extrêmes ; le quatrième (Ben/La Chose) jouit d’une force colossale et voit son corps se transformer en pierre mais de façon permanente. L’homme élastique et la femme invisible voient leur expérience sur un plan scientifique et se mettent en quête d’une solution permettant de renverser le processus, en particulier pour leur ami La Chose dont l’aspect repoussant lui fait vivre les lazzis, l’exclusion et le rejet de sa propre famille. Seul Fatalis ne voit ses dons se révéler que secondairement sous la forme d’une transformation de son corps en métal et d’une capacité à maîtriser l’électricité. Lâché par la banque qui le soutenait et qui ne voit dans l’aventure qu’un échec de l’opération, au bord de la ruine, et abandonné par sa petite amie qui se rapproche de son ancien flirt, Fatalis conçoit une haine généralisée et entreprend une vengeance contre tout le monde. La bagarre générale s’engage, à coup de super-pouvoirs, et à la fin, devinez qui gagne !

Bref, une histoire très classique. Mais tout l’intérêt est dans la forme, ou comme aurait pu dire le Dr Knock, dans le traitement.

A l’expérience des adaptations cinématographiques antérieures des aventures super-héroïques, il y a deux façons de s’y prendre. Soit on « humanise » l’histoire en y mettant du contenu humain, en la rendant crédible pour peu qu’on accepte le changement de repères. Un peu un genre de science-fiction : admettons que telles et telles choses soient possibles et voyons comment la situation peut évoluer et les personnages réagir. Une sorte de géométrie non euclidienne de la narration (wouah !!!). Soit on reste sur un plan purement BD avec des personnages et des situations très tranchés, stéréotypés, des caractères très caricaturaux. La caricature du trait est soulignée par la naïveté de l’histoire. Les actions et les couleurs sont vives, les enchaînements rapides, les transitions quasi absentes.

On peut être de la première ou de la deuxième école. Si personnellement j’adhère plutôt à la première, il semble bien que la seconde ait davantage d’émules actuellement. Le massacre de cette pauvre Cat Woman est un des derniers avatars de cette vague. Manifestement, « Les 4 Fantastiques » revendique également cette filiation, heureusement sans la rejoindre sur les sommets où elle avait porté son art.

Dans cet exercice, difficile de juger les acteurs tant la loi du genre réclame un jeu outré si singulier. De mémoire, le meilleur exemple de ce type de performance pouvait s’admirer dans Wonder Woman (la série). Mais le côté kitch et bricolé apportait à l’époque une touche de dérision naïve et rafraîchissante. Est-ce par hasard si tous les acteurs des « 4 Fantastiques » ont une allure de déjà vu ? Tous des habitués des seconds rôles et des séries télé. On est dans l’ambiance rassurante du terrain connu sans pouvoir mettre un nom sur la plupart des visages. On est presque étonné quand un d’entre eux se démarque par sa sobriété : Michael Chiklis (Ben/La Chose), quand il n’est pas sous le poids de son costume de pierre, en devient touchant de naturel et de sincérité ; Chris Evans (Jonnhy Storm/La Torche Humaine) a quelques fulgurances qui tournent à la prouesse dans la morosité ambiante.

Restent les effets spéciaux. On voulait de la BD, on a de la BD. Ca pétarade, ça explose, ça brille, ça se bagarre, ça vole, ça luit, ça brûle. Y’a des ordinateurs avec plein de loupiotes, y’a des images numériques et du maquillage qui a l’air d’être vrai. On en a pour son argent ! Peut-être juste un petit bémol pour les déformations de M. Fantastic qui auraient mérité un peu plus de soin, mais bon, ça passe.

….

« Bon, d’accord, mais finalement, c’était bien ou pas, Tonton ? » qu’il m’a dit, mon neveu quand je lui ai raconté tout ça. Sale gosse ! C’est pas bien de retourner le couteau dans la plaie
.

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