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30 juin 2008

Les 4 Fantastiques (Fantastic four)

Nostalgie non euclidienne

Affiche France (cinemovies.fr)

Si on me promet de ne pas me traiter d'ancien combattant, j'arrive parfois à raconter comment j'ai commencé à lire des BD, il y a bien lontemps de ça. Dans ma bourgade de France profonde, y'avait le grand luxe : Tintin, Astérix, Lucky Luke, en albums grand format, à couverture souple ou rigide. On attendait chaque sortie comme un évènement. Mon père les achetait dès parution, "pour les enfants", même si nous ne les voyions arriver que le lendemain, après une première lecture paternelle en douce. Pour le quotidien, ou plutôt l'hebdomadaire, y'avait Pif le Chien. Un mélange de choses variées, des aventures de Placid et Muzo à l'épopée de Rahan, le costaud de l'âge de pierre. Avec en plus un gadget à chaque numéro, histoire de s'étonner le ciboulot en plus de se purger la tête avec les niches entre Pif le Chien et Hercules le Chat. Et puis au Brazza, le tabac-journaux du coin, y'avait pour tous les jours un présentoir de BD à 2 balles en petit format, quasiment sur papier journal, mais brochées comme des cahiers d'écolier. Là, c'était le voyage pour trois sous, l'Afrique sauvage, les rues de Gotham City, les mystères de la magie, les gratte-ciels en noir et blanc, ou en couleur quand on avait un peu plus d'argent de poche. Y'avait Zembla, Akim, Mandrake, le Phantom, Superman, Spiderman, Batman, les 4 Fantastiques. Y’avait aussi Picsou, … mais c’était bon pour les mômes !

Affiche USA (cinemovies.fr)


Bien sûr, après, y’a eu Blueberry, Les Tuniques Bleues, Iznogoud, Achille Talon. Y’a même eu l’Inspecteur Canardeau, Carmen Crû, Sœur Marie-Thérèse des Batignoles, et même Little Kevin, …, c’est dire ! Mais rien qui ressemblait vraiment aux héros de papier de l’enfance.

Et puis on a eu la télé, et on a vu débouler les images qui bougent : Star Treck, Les Envahisseurs, Cosmos 1999, Wonder Woman (la série), … Aussi Chapeau melon, Le Prisonnier, Starsky, et les Têtes Brûlées de Papy Boyington, mais c’est une autre histoire.

Alors quand on m’annonce le retour de mes héros au cinéma, mon cœur fait une pause et ma main se tend sans aucun contrôle, avide d’échanger le petit billet qu’elle tient contre une place assise vers le fond de la salle, pas loin du radiateur, là où on peut rêver …

Star Wars m’avait laissé sans voix et des étoiles dans la tête. Superman avait ouvert la voie des super-héros qu’on avait crus oubliés et qui reprenaient vie. Pas le meilleur cinéma – on devient exigeant avec l’âge -, mais on se disait que c’était un début. On était plein de bonne volonté, indulgent au-delà de raisonnable. On a même regardé sans rien dire Wonder Woman (le film). Et puis y’a eu la suite : Batman, Spiderman, et leurs moutures successives. On sentait la tension de l’effort, le désir de bien faire, l’envie. Et puis le monde a commencé à s’effondrer : Daredevil, Elektra, Cat Woman. Mon Dieu ! Comment a-t-on pu faire ça à mes rêves de gosses !

Mais rien n’y fait, on peut me piétiner la rate et la mémoire, il suffit de m’agiter sous le nez l’affiche d’un film d’un de mes super-héros, et le piège refonctionne comme au premier jour. Allez savoir pourquoi. En tout cas, c’est comme ça que, le cœur plein d’émoi et les yeux regardant déjà plus dans le lointain d’un imaginaire ressuscité, je me suis retrouvé dans le fauteuil rouge moelleux de « la plus grande salle de Montparnasse », … au fond, là où on aurait été près du radiateur s’il y en avait encore, naturellement. Les 4 Fantastiques commençaient.

Pour n’importe quel pro des super-héros, autant dire que c’est la même histoire que d’habitude. Mais quelle importance ? On le sait, puisque c’est toujours la même, à quelques variations près. De toute façon, on n’est pas là pour l’histoire. Et puis après tout, quand on va au concert écouter la 9ème de Beethoven, est-ce qu’on est surpris d’avoir la 9ème de Beethoven ? On l’a écoutée cent fois déjà, et pourtant on y va quand même : on y va pour autre chose. Pour les novices, résumons un peu l’argument. :

Deux scientifiques, Reed Richards (Ioan Gruffudd) et Ben Grimm (Michael Chiklis), viennent solliciter d’un riche homme d’affaire, le Dr Victor Von Fatalis (Julian McMahon), son aide pour un projet que leur a refusé la NASA. Il s’agit de profiter de la survenue attendue d’un phénomène interstellaire comparable à celui qui semble avoir été à l’origine de la vie sur Terre pour en étudier dans l’espace les effets biologiques. Fatalis accepte de mettre à disposition sa station spatiale et de financer l’opération à condition d’y joindre Susan Storm (Jessica Alba) son directeur scientifique (qui se trouve être sa petite amie et l’ex de Reed) et Johnny (Chris Evans), le frère de celle-ci, jeune olibrius viré de la NASA pour extravagance. En dernière minute, Fatalis se joint à l’expédition. Dans la station, le groupe se prépare à l’arrivée de l’orage stellaire mais celui-ci est en avance et les prend par surprise, exposant directement tous les membres de l’équipe à son effet. Rentrés sur Terre, chacun découvre progressivement qu’il est doté de pouvoirs nouveaux. L’un (Reed/M. Fantastic) peut étendre son corps à souhait ; l’autre (Susan/La Femme Invisible) devient invisible à volonté et possède quelques talents de télékinèsie ; le troisième (Johnny/La Torche Humaine) peut voler et produire des températures extrêmes ; le quatrième (Ben/La Chose) jouit d’une force colossale et voit son corps se transformer en pierre mais de façon permanente. L’homme élastique et la femme invisible voient leur expérience sur un plan scientifique et se mettent en quête d’une solution permettant de renverser le processus, en particulier pour leur ami La Chose dont l’aspect repoussant lui fait vivre les lazzis, l’exclusion et le rejet de sa propre famille. Seul Fatalis ne voit ses dons se révéler que secondairement sous la forme d’une transformation de son corps en métal et d’une capacité à maîtriser l’électricité. Lâché par la banque qui le soutenait et qui ne voit dans l’aventure qu’un échec de l’opération, au bord de la ruine, et abandonné par sa petite amie qui se rapproche de son ancien flirt, Fatalis conçoit une haine généralisée et entreprend une vengeance contre tout le monde. La bagarre générale s’engage, à coup de super-pouvoirs, et à la fin, devinez qui gagne !

Bref, une histoire très classique. Mais tout l’intérêt est dans la forme, ou comme aurait pu dire le Dr Knock, dans le traitement.

A l’expérience des adaptations cinématographiques antérieures des aventures super-héroïques, il y a deux façons de s’y prendre. Soit on « humanise » l’histoire en y mettant du contenu humain, en la rendant crédible pour peu qu’on accepte le changement de repères. Un peu un genre de science-fiction : admettons que telles et telles choses soient possibles et voyons comment la situation peut évoluer et les personnages réagir. Une sorte de géométrie non euclidienne de la narration (wouah !!!). Soit on reste sur un plan purement BD avec des personnages et des situations très tranchés, stéréotypés, des caractères très caricaturaux. La caricature du trait est soulignée par la naïveté de l’histoire. Les actions et les couleurs sont vives, les enchaînements rapides, les transitions quasi absentes.

On peut être de la première ou de la deuxième école. Si personnellement j’adhère plutôt à la première, il semble bien que la seconde ait davantage d’émules actuellement. Le massacre de cette pauvre Cat Woman est un des derniers avatars de cette vague. Manifestement, « Les 4 Fantastiques » revendique également cette filiation, heureusement sans la rejoindre sur les sommets où elle avait porté son art.

Dans cet exercice, difficile de juger les acteurs tant la loi du genre réclame un jeu outré si singulier. De mémoire, le meilleur exemple de ce type de performance pouvait s’admirer dans Wonder Woman (la série). Mais le côté kitch et bricolé apportait à l’époque une touche de dérision naïve et rafraîchissante. Est-ce par hasard si tous les acteurs des « 4 Fantastiques » ont une allure de déjà vu ? Tous des habitués des seconds rôles et des séries télé. On est dans l’ambiance rassurante du terrain connu sans pouvoir mettre un nom sur la plupart des visages. On est presque étonné quand un d’entre eux se démarque par sa sobriété : Michael Chiklis (Ben/La Chose), quand il n’est pas sous le poids de son costume de pierre, en devient touchant de naturel et de sincérité ; Chris Evans (Jonnhy Storm/La Torche Humaine) a quelques fulgurances qui tournent à la prouesse dans la morosité ambiante.

Restent les effets spéciaux. On voulait de la BD, on a de la BD. Ca pétarade, ça explose, ça brille, ça se bagarre, ça vole, ça luit, ça brûle. Y’a des ordinateurs avec plein de loupiotes, y’a des images numériques et du maquillage qui a l’air d’être vrai. On en a pour son argent ! Peut-être juste un petit bémol pour les déformations de M. Fantastic qui auraient mérité un peu plus de soin, mais bon, ça passe.

….

« Bon, d’accord, mais finalement, c’était bien ou pas, Tonton ? » qu’il m’a dit, mon neveu quand je lui ai raconté tout ça. Sale gosse ! C’est pas bien de retourner le couteau dans la plaie
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