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3 juillet 2008

Nanny McPhee

Nanny bat Grimm par KO au premier round !

Comment ça, seulement deux avis sur Nanny McPhee !? Et on en recense 19 sur les Frères Grimm ! Pourtant, Nanny tient largement la comparaison, voire l’emporte sur Grimm. Pour ne rien dire d’Emma Thompson face à Matt Damon. On est dans la même veine féerique et extravagante. Mais Nanny est du côté clair de la Force, tandis que Grimm flirte avec le côté obscur. D’un côté on s’amuse et on s’attendrit, de l’autre on joue à se faire peur. D’un côté on est dans un esprit british à souhait, de l’autre dans la grosse machinerie américano-tchèque. D’un côté on côtoie les vert pistache et les rose fuschia, de l’autre on navigue dans le gris et l’ocre sombre. Avis aux amateurs …

De quoi ça cause ?

Dans une Angleterre d’allure victorienne, un père croquemort, veuf de frais, et doté de sept enfants insupportables au point d’avoir épuisé toutes les ressources d’une agence de nannies, est contraint de se remarier dans le mois sous peine de se voir couper les vivres par une grand-tante autoritaire (Great Aunt Adelaide / Angela Lansbury). Nanny McPhee (Emma Thompson) débarque dans ce petit monde, toutes verrues et couperose dehors, pour ramener les garnements dans le droit chemin. Cependant qu’elle opère entre l’autorité bienveillante d’un Gandalf et la douceur d’une Mary Poppins contenue afin d’inculquer aux chenapans les cinq leçons qu’elle s’est donné mission de faire entrer dans leurs crânes rebelles (se coucher sans rechigner, dire merci, s’habiller sans regimber, … et le reste à l’avenant), Papa (Cedric Brown / Colin Firth) se lance, au milieu des chausse-trappes tendues par les monstres peu enclins à voir une pimbêche (Selma Quickly / Celia Imrie) remplacer Maman, dans une entreprise de séduction expresse destinée à conserver à la famille les subsides de l’aïeule. Après moultes péripéties, entre un âne qui danse, une cuisinière commando de choc (Mrs. Blatherwick / Imelda Staunton), une bataille de gâteaux, un valet chinois, un grenier magique, un voile de mariée en flocons de neige, et un sandwich au concombre, tout finit bien, comme dans les contes de fée de bonne facture.

Et c’est bien ?

Dire qu’on n’y croit pas une seconde est un doux euphémisme tant cette histoire est loin de tout ce que la réalité concrète du quotidien morose peut recéler de plausible, tant on est d’emblée happé par une espèce de tornade d’invraisemblance au rythme soutenu. Mais qui a jamais cru qu’un château-école du nom de Poudlard puisse abriter une compétition de Quidditch ? Et pourtant, …

Le jeu est globalement celui qu’on attendrait sur une piste de cirque. Tout est outré à l’envie. Quand les galopins galopent, ils mettent le paquet. Quand ils décident de faire bouillir la marmite, ils ne font pas les choses à moitié et le champ de bataille que devient la cuisine est à l’image de l’exubérance du jeu. Tant dans le jeu que dans les décors, on se rapproche plus de la Comedia del Arte ou des comédies italiennes des années 70 que de l’Actors’ Studio. Si Zavatta avait été anglais, il aurait presque pu faire partie du casting.

Seule exception au tableau : Nanny McPhee. C’est le personnage central, et pourtant c’est le seul qui soit dans la retenue. Bien sûr, le grimage est élaboré, mais tout dans le presque crédible. D’autant que tout au long du film, chaque leçon finalement acceptée par les monstres débarrasse Nanny d’un de ses oripeaux de laideur. Et une fois la transformation accomplie, Emma Thompson est aussi proche d’Alice Sapritch qu’un punch coco est proche d’un Fernet Branca.

En fait, il y a aussi une autre exception : Evangeline (Kelly Macdonald), la belle et douce servante, la seule à ne pas voir les enfants comme les monstres qu’ils se plaisent à jouer et qui n’en subit pas les assauts, au point qu’on se demanderait, dans la vraie vie, où était le besoin d’aller chercher plus loin une dix-huitième nanny.

Que ce soit Nanny MacPhee ou Evangeline, on est dans le presque réel, version poigne de fer pour l’une et douceur attendrie pour l’autre. Un peu les deux faces du même personnage que serait Maman si un sort cruel ne l’avait pas ôtée, avant le début du film, à l’affection de ses marmots.

Marmots justement, au nombre de sept, comme les sept nains de Blanche Neige dont ils se rapprochent par la taille autant que par leur combat davidien contre un sort goliathesque. Sept aussi comme les sept jours de la semaine, comme le nombre de jours qui conduisit Dieu au repos après l’effort de sa création et qui aurait dû apporter leur créateur de père à un repos mérité si le sort cruel cité plus haut n’avait glissé un grain de sable dans cet ordonnancement idyllique. Est-ce par hasard si ces enfants en lutte contre un monde adulte pour demeurer les enfants solidaires d’une famille unie et fermée sur elle-même, même si c’est au prix d’un harcèlement retors qui les plonge de fait dans l’âge adulte qu’ils refusent, ont quelque chose de Peter Pan, sa sœur, leur petit frère en layette, et la troupe des Enfants Perdus ? Grand-Tante Adélaïde a évidemment des allures et des mines de Capitaine Crochet, tandis que Misses Quickly est une irrésistible transposition du crocodile perfide.

Au passage, on se délecte de la bonbonnière outrageusement anglaise de Misses Quickly, des énormes fleurs roses du papier peint de son salon, de son amour pour les moutons teints comme des bonbons acidulés à l’image de ces ovins marqués de peinture vive pour les repérer de loin sur les flancs déserts et gazonneux des monts cambriens du Pays de Gales profond.

Misses Quickly (comment ont-ils traduit son nom dans la version française ? Misses Vavite ou quelque chose du genre) est une femme pressée : pressée d’arriver à ses fins, comme est pressée l’entreprise de séduction de Papa, … comme on est pressé de la voir déguerpir de ce petit monde. Elle est l’autre face d’Adélaïde dans la personnification de ce que le monde adulte peut avoir de repoussant à es regards d’enfants : elle est la précipitation, la vanité, la luxure, là où Adélaïde est le sérieux, l’autorité, la règle, le pouvoir par l’argent, l’ordre moral.

Et Papa dans tout ça ? Papa est un grand enfant, ce qui le sauve aux yeux des moufflets, mais aussi un adulte ce qui le condamne en même temps. Quand Papa sort le grand jeu pour séduire, les monstres lui réservent autant de perversité concrète que symbolique. La « belle » va s’asseoir : une flèche cupidonienne dressée comme un I attend son séant honni au milieu des coussins, tenu à pleine main par un des sept mercenaires en embuscade. La « dame » s’apprête à saisir de la porte la poignée électrifiée par les monstres : Papa s’interpose mais, sous l’effet du courant débité par un gnome à grands tours de manivelle, plaque sa proie contre la paroi à grand renfort de spasmes électrisés suggestifs. On a beau être dans un conte pour enfants et dans une Angleterre plus victorienne que nature, Tonton Sigmund monte la garde et a toujours son mot à dire. Autant qu’il le fait à propos du Petit Chaperon Rouge qui promène sa précieuse galette au nez d’un Grand Loup sans oublier de se munir d’un bon pot de beurre. Mais ça n’a jamais empêché les enfants d’adorer les contes. Ni Emma Thompson, très convenable sujette de sa Gracieuse Majesté, d’adapter à l’écran le personnage de Nurse Matilda, ouvrage pour enfants de Christianna Brand.

Et puis …

Ca va, ça va, on s’est fait une idée. Mais finalement, c’est bien ou pas ?

Mieux que ça, même. Chacun peut y trouver son compte, les petits comme les grands. Alors Les Frères Grimm, à côté …
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La conquête de l'ouest (How the west was won)

La légende du Western

- Mais t’avais dit d’accord pour « Taxi Driver » !

- Ouai, je sais, mais je savais pas qu’y avait « La Conquête de l’Ouest ». Comment qu’on dit, en grand-breton, « How the west was won », c’est ça ? Ca se rate pas un truc comme ça. Tu sais depuis combien de temps c’est pas passé à la télé ?

- Je sais bien, mais quand même, c’est le troisième western cette semaine …

- Attends, « The Red Badge of Courage », c’était pas vraiment un western. C’était plus un film de guerre.

- Ce que tu peux être de mauvaise foi … La guerre de sécession, c’est pas du western, maintenant …

- Pas vraiment, quoi. T’as vu des indiens, toi ? Et puis c’est de John Houston. C’est pas rien.

- J’dis pas, quand on aime ça. Mais on avait dit « Taxi Driver » !

- On a eu aussi « L’Assassinat de Richard Nixon ». Un partout, balle au centre.

- Monsieur l’apothicaire est de retour avec ses petits comptes ? C’est petit, ça. Voilà. C’est petit et c’est tout !

- C’est peut-être petit, mais « La Conquête de l’Ouest », ça peut pas s’rater. C’est comme ça. Ca fait au moins mille ans que c’est pas passé et c’est pas demain qu’on le reverra. Et puis d’abord on n’a pas de cassette de trois heures pour l’enregistrer. Tu vois bien qu’on peut rien faire d’autre.

- Alors là !... Si en plus le sort s’acharne, buvons le calice jusqu’à la lie …

- Tout de suite les grands mots …

- N’empêche que t’avais dit d’accord.

- M’enfin …

- Bon, ça va. Et c’est de qui cette merveille ?

- C’est de John Ford, Henry Hathaway et George Marshall. Tu te rends compte un peu. Ils s’y sont mis à trois pour faire ça. Ca t’épate, non ?

- Ben, à trois pour un seul western, on se demande ce qu’ils ont bien pu trouver à raconter.

- Fais pas de mauvais esprit. En plus, le casting est pas piqué des hannetons : Karl Malden, Gregory Peck, James Stewart, John Wayne, Henry Fonda, George Peppard, Lee J. Cobb, Carroll Baker, Debbie Reynolds, Richard Widmark, Agnes Moorehead, Andy Devine, Eli Wallach, Lee Van Cleef, Thelma Ritter, Robert Preston, …

- T’en fais pas un peu trop, là ? Tu vas me réciter tout le bottin des studios d’Hollywood des années 50 ? J’ai compris qu’y a du beau linge. C’est ça que tu veux me faire dire ? C’est « Le Jour le plus Long » du western, alors.

- Dans le mille !! Toute l’épopée de l’ouest dans un seul film. Et tout le monde qui passe pour un grand ou pour un petit rôle. Rien que pour y être. Tiens, John Wayne, s’il dit dix répliques c’est le bout du monde. Mais il est là et ça, ça compte. Lee Van Cleef, je sais même pas s’il en dit une. Y’a même Spencer Tracy qui fait la voix off, t’imagines un peu l’niveau ?!!

- Et c’est avec un trombinoscope que tu crois que tu vas m’épater ?

- Non, j’sais bien, mais quand même … Et puis l’histoire, c’est « Ben Hur », c’est « Spartacus », c’est … c’est toute l’histoire de l’ouest que j’te dis. Ca commence avec une famille, la famille Prescott, qui part de la côte est et qui va vers l’ouest. Ca s’étale sur trois générations. Karl Maden, Zebulon, avec sa femme, Eve, et ses deux filles, Lilith et Julie. En route, ils croisent James Stewart, Linus Rawlings, un trappeur solitaire, qui leur tient compagnie pendant une soirée. Et justement, Julie, Carolyn Jones, lui fait du gringue, mais au matin il s’est taillé sur son canoë. Alors la famille continue la route sur un radeau et est détroussée par une bande de pirates. Linus repasse justement par là et leur sauve la mise. Et puis ils continuent séparément mais le radeau est pris dans des rapides et chavire. Il ne reste que les deux filles et Linus Rawlings rapplique encore. Il retombe sous le charme devant le courage de Julie et finalement renonce à courir la route pour établir une ferme avec elle. Par contre Lilith décide de poursuivre vers l’ouest.

- Mouais … C’est « La rivière sans retour », quoi, non ?

- Voilà … tu vois quand tu veux ! Ouai, c’est un peu ça, mais en plus épique. On sent bien que c’est une saga qui commence et que ça ne va pas s’arrêter là. Et comme ça on suit Lilith, Debbie Reynolds, qui devient danseuse de saloon. Mais c’est justement le moment où arrive la ruée vers l’or. La Californie. Alors elle s’engage dans un convoi de chariots en route pour la Californie.

- Attends un peu, laisse moi deviner … On va avoir une course de chariots, une attaque d’indiens, un franchissement de rivière, des accidents de chariots, des bivouacs au coin du feu …

- Tu peux rigoler si tu veux, mais y’a tout ça, et même mieux !!! Et puis y’a la guerre de sécession, le départ la fleur au fusil et puis les batailles fratricides, les Yankees contre les Reb’s, ou avec eux, on sait plus. Linus qui meurt à la guerre et son fils Zeb, George Peppard, qui survit et qui reste dans la cavalerie Yankee mais qui doit accompagner la construction du chemin de fer, tu sais, celui qui a été construit par 2 compagnies rivales qui allaient en sens contraire et qui devaient se rejoindre quelque part à mi-chemin entre l’est et l’ouest.

- Et voilà revenu le glorieux cheval de fer.

- Eh ouai, The Iron Snake. Avec les terres arrachées aux indiens, les fausses promesses, les révoltes, les guerres indiennes. Y’a tout j’te dis ! Y’a les troupeaux de bisons, les tables de poker, les tricheurs, les compagnies qui partent de rien et font fortune. Le rêve américain. L’esprit des pionniers, la libre entreprise, les danseuses de saloon et les ligues de vertu. Tout !

- Bref ça raconte la construction des States.

- Oui, mais pas comme on construit une maison. Plutôt comme on construit une église, un mythe, un rêve, une idée. C’est ça ! C’est la construction d’une idée. « J’en ai rêvé, les States l’ont fait », c’est ça que ça raconte. Y’a l’amour et la haine, l’honnêteté et la cupidité, la loyauté et la traîtrise, le courage et la lâcheté, le hasard et la justice …

- Et c’est pas un peu cucul ton truc ?

- Ben si, et alors ? Ca a beau essayer de sortir de certains clichés, de montrer les indiens comme des victimes, ça repart vers d’autres clichés. C’est patriotique et grandiloquent, c’est naïf et c’est fier, … et alors ? C’est plein de bons sentiments. Ca dégouline de guimauve. Mais tu veux que j’te dise ? J’m’en fiche. C’est un mythe, c’est un rêve, et dans un rêve on a le droit de rêver. Et puis y’a la musique. Ah la musique ! Tu pourrais regarder le film les yeux fermés rien que pour la musique, rien que pour Debbie Reynolds qui te balance du Green Leaves sous deux ou trois versions différentes. Et puis les musiques de saloon. Et puis les musiques des tuniques bleues. Et celles des sudistes, enfin je crois.

- Mais on a vu ça mille fois …

- Et alors ? Et puis jamais raconté comme ça, comme si on sculptait devant toi une statue nationale, un monument. Imagine une fresque qui irait de Clovis à De Gaule, avec le souffle d’ « Autant en emporte le vent », … C’est que’qu’chose quand même ! La tapisserie de Bayeux sur celluloïde …

- T’en fais pas un peu beaucoup, là ? Dis-moi un peu ?

- … Rabat-joie ! Tu va pas me dire qu’à côté de ça, y’a des tonnes de films qui tiennent la route ! En plus, t’en a vu beaucoup, toi, des films en Cinérama ?

- C’est quoi encore, ça ?

- « Ca », comme tu dis, c’est une des premières étapes de ce qui a abouti à l’IMax. Si tu peux voir des trucs à La Géode ou au Futuroscope qui te donnent l’impression d’être assis au milieu de l’action, avec de l’image tout autour de toi, c’est de là que ça vient. Le film a été tourné avec trois caméras qui permettent de balayer un champ plus large qu’avec une seule caméra. La projection se faisait sur un écran en trois parties, avec les parties latérales qui revenaient vers les spectateurs. C’est simple dans l’idée, mais fallait y penser, quand même ! Il fallait des salles équipées spécialement pour et une synchro difficile entre les trois projecteurs, mais bon. C’était en 1962. On n’avait pas encore marché sur la Lune …

- Mais à la télé, on n’a qu’un seul écran … Ils passent que l’image du milieu, alors ?

- Bonne question, mon cher Watson ! Y’a longtemps c’était comme ça qu’ils faisaient, je crois. Mais maintenant, ils ont restauré le tout en mettant les trois images côte à côte sur un écran unique. Ca a été un boulot costaud parce qu’il a fallu avoir les moyens de compenser la déformation de l’image des écrans latéraux. Comme en plus les pellicules n’étaient pas strictement identiques, il reste quelques différences de contraste ou d’exposition entre les trois parties de l’image, et on voit encore les zones de transition avec des petites déformations de l’image (genre réfraction comme quand tu plonges un bâton dans l’eau et qu’on dirait qu’il fait un angle à l’endroit où il traverse la surface). Au début ça fait un peu bizarre, mais en fait on oublie très vite. Parole ! T’as vu ça un peu ? Tu savais pas que j’savais des trucs comme ça, hein ?!

- Y’a pas à dire, tu m’en bouches un coin ! … C’est ça que tu voulais que j’dise ? Prétentieux, va. Mais bon, ça ira pour cette fois. On va l’voir ton chef d’œuvre. J’m’en voudrais de gâcher une telle fête … Mais dis donc, et si on faisait le contraire ?

- Le contraire de quoi ? Le contraire de la conquête de l’Ouest ? Tu veux remettre les colons du Mayflower sur leur bateau ?

- Mais non. C’est pas possible d’être premier degré à ce point ! Non. Si on regardait ton film en direct ? On pourrait enregistrer « Taxi Driver ». Et puis comme ça, on pourrait se le repasser autant qu’on voudrait ensuite. Alors, « Deal ? », comme ils disent, les cowboys.

- ……. Damn ! You got me, Jonnhy !

- Amen, Brother. In God we trust.

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L'assassinat de Richard Nixon (The Assassination of Richard Nixon)

Ah bon ? Il est mort ?

- Ah bon ? Mais j’savais même pas qu’il était mort, moi ! Et puis tu sais, moi, les documentaires …

- Mais enfin, c’est pas l’sujet !

- Ah bon ? Mais pourquoi qu’ils l’ont appelé comme ça alors ?



Affiche France -------------------------Affiche Grande-Bretagne
(movieposterdb.com)

- Ben enfin, si. C’est le sujet. Mais c’est pas que ça. Et puis c’est pas un documentaire, c’est avec Sean Penn.

- Ah bon ? Il était copain avec Nixon ? Je le voyais pas si vieux.

- Mais arrête ! Je te dis que c’est un film.

- Avec Sean Penn qui fait Nixon ?

- Non. Il veut le tuer. Enfin il essaye. Mais c’est pas le sujet.

- C’est bizarre que ça s’appelle comme ça si c’est pas l’sujet, non ?

- C’est parce que c’est la toile de fond. Mais ça cause d’autre chose.

- Pour moi, au cinoche, la toile du fond, c’est l’écran !! Ouaf ouaf ouaf !

- Eh ben c’est malin, tiens ! Je te trouve des films moins bêtes que tes westerns de d’habitude et c’est tout ce que tu trouves à dire.

- Mais non, je plaisante … Mais mes westerns, ils sont bas bêtes, d’abord. Bon d’accord, c’est l’histoire d’un type qui veut dégommer Nixon. Mais vu que Nixon, il est pas mort assassiné –ça je le saurais quand même ! – je suppose que le type, il rate son coup et qu’y un tas de bastons avant avec des flics ou la CIA qui courent après le terroriste avant de l’arrêter. Y’a Bruce Willis ? C’est de Michael Bay ?

Affiches USA (movieposterdb.com)

- Parce que t’imagines Sean Penn avec Bruce Willis, toi ! C’est pas une histoire de gros bras. C’est la psychologie du type qui est intéressante. Comment il en arrive à être assez paumé pour envisager ce genre d’extrémité. C’est tout intérieur. C’est Sean Penn, quoi ! C’est pas Armageddon !

- C’est quand même bizarre qu’ils aient pensé à une histoire pareille.

- Non, en fait ça s’est réellement passé, en 1974. Y’a réellement un type qui s’est mis en tête que la société était pourrie et basée sur le mensonge et l’argent, qu’elle ne savait que rejeter les pauvres diables comme lui qui croyaient en l’honnêteté et en le « Rêve américain », qui a expliqué tout ça sur une cassette qu’il a envoyée au seul type qu’il admirait, et qui est parti pour assassiner Nixon. En route, il s’est pris les pieds dans le tapis et il a été descendu par un flic. Et le plus bizarre de l’affaire, tu sais comme il s’appelait ?

- Comment veux-tu que je sache ?!


Affiches Argentine (movieposterdb.com)

- Samuel Byck. On a reconstitué son histoire à partir de la bande qu’il avait enregistrée. Dans le film, ils ont à peine changé le nom, c’est devenu Sam Bicke. Ca ne te rappelle personne ?

- Attends, je crois que j’ai déjà entendu un nom comme ça. Mais c’était pas Sam. Plutôt Travis, je crois, non ? C’était pas dans un de tes trucs prise-de-tête ? Une histoire de taxi, je crois. C’est pas « Un taxi pour Tobrouk », ça j’suis sûr. C’est pas « Taxi » tout court non plus, y’a pas Sean Penn. « Un taxi nommé désir » ou un truc dans ce genre …

- T’es désespérant, quand même ! Travis Bickle. « Taxi driver ». Scorsese, De Niro, 1976, tout ça ! Me dis pas que tu te rappelles pas ! « Un taxi nommé désir », on aura vraiment tout entendu ! C’est marrant, non ? Bickle existait réellement et il s’appelait Byck !

Affiche Espagne (movieposterdb.com)

- Ah ouais. Ca me revient vaguement. Je me disais bien que la photo sur la pochette de Nixon, ça avait un vague air de De Niro. C’est exprès alors ?

- Ah bon, t’as vu ça, toi ? J’en sais rien, mais de toute façon, moi je ne trouve pas qu’ils se ressemblent. Mais c’est quand même le même genre d’histoire : un looser qui pète les plombs à force de se faire marcher dessus. Peut-être que tu veux dire qu’ils ont le même genre de jeu, tellement intériorisé …

- Euh … Ah ouais ! Pile. C’est pile ça que j’voulais dire !

- Menteur !

Affiche Italie (movieposterdb.com)

- Ben si, quoi. J’l’aurais pas dis comme ça, mais c’est quand même ça. Ca se voit tellement sur la pochette qu’on les prend l’un pour l’autre. Enfin, moi. Et à part Sean Penn, y’a d’autres gens connus ?

- Pas tellement en fait. Y’a Naomi Watts qui fait sa femme, Marie, Jack Thompson qui fait son patron, Jack Jones, Don Cheadle qui fait son copain noir, Bonny Simmons. Les autres, j’ai pas reconnu.

- Et alors, c’est pas de Michael Bay si je comprends bien.

Affiche Portugal (movieposterdb.com)

- Ben non, c’est de Niels Mueller. Son premier film, tu te rends compte. Chapeau !

- En fait, je me rendrais compte si je l’ais vu, mais là, tu vois …

- Ils sont tous impeccables. Tellement vrais. Y’a très peu de scènes sans Sean Penn, alors ils ont peu de choses à faire, mais le peu qu’ils passent à l’écran, ils sont piles dans leurs rôles. Sans trop en faire.

- Et question effets spéciaux, je suppose que j’m’assois dessus.

Affiche Danemark------------------ Affiche Hongrie
(movieposterdb.com)
Affiche Pologne
(movieposterdb.com)

- Ca, c’est pas « La guerre des Mondes ». Enfin si, c’est la guerre entre deux mondes. Le monde intérieur de Bicke, et le monde extérieur. Quand il réalise que tout lui échappe, que sa femme le quitte, que l’affaire qu’il veut monter tombe à l’eau, qu’il n’est pas le business man qu’il voudrait être, il se coupe de plus en plus du monde. Il s’enferme de plus en plus dans un délire de non reconnaissance de sa valeur, de son honnêteté. On lui refuse un prêt pour monter sa boite et il pense que c’est parce que son associé est noir. Racisme. On lui demande de raser sa moustache, qu’il avait laissé pousser pour faire plaisir à sa femme, pour avoir un look plus avenant devant les clients. Intrusion dans son intimité. Sa femme doit s’habiller en soubrette et subir les avances des clients pour être serveuse dans un resto. Indécence. On lui refuse d’annoncer au client la marge qu’il pratique quand il vend un meuble de bureau. Escroquerie.
Au début, il passe son temps à s’excuser. Progressivement, il essaye de changer le système. Il explique au banquier abasourdi comment il conçoit la relation vendeur-client sur une base de Vérité. Il va au local des Black Panthers pour leur proposer de changer leur nom en Zebras pour recueillir aussi l’attention des blancs.
Et puis il a des petites révoltes. Il va balancer un verre à la figure d’un consommateur qui fait des allusions graveleuses devant sa femme. Il manipule un pistolet trouvé dans le tiroir de son copain avant de le rendre en s’excusant. Il fait tous les efforts. Il rase finalement sa moustache. Il étudie la méthode de vente que son patron lui offre. Mais rien n’y fait. Tout fout le camp. Aucune petite révolte ne marche. Il en arrive même à ce que son frère l’accuse de vol. Lui, qui ne voit que par l’honnêteté, la justice. Que ce que lui reproche son frère soit effectivement un vol n’a aucune importance puisque dans son esprit ça n’en est pas un.
Et puisque cette société est gouvernée par des puissants qui ne sont que de bons vendeurs, par Nixon qui a pu à deux reprises être élu sur la promesse de mettre fin à la guerre du Viet Nam et qui a passé son premier mandat à y envoyer des troupes, qui ment comme un arracheur de dents à longueur d’émission TV en pleine période de Watergate, puisque les humbles quand ils sont honnêtes sont méprisés ou pire sont transparents, c’est là que la révolte doit porter, c’est Nixon qu’il faut assassiner avant de disparaître complètement. Au moins laisser une trace et délivrer ce message en mourant.

Affiches Japon (movieposterdb.com)

- … Eh ben ! C’est pas bien drôle comme histoire.

- Et c’est pas tout.

- Arghh !! Y’a encore pire ? Il se coupe en se rasant ?

- Arrête, c’est sérieux. Tiens, j’te raconte même pas la suite puisque c’est comme ça !

- Ouf, je respire … Ben dis donc, quelle affaire. Et tu veux vraiment que je regarde ce truc ?

- A la réflexion, j’hésite un peu. C’est pas trop ton genre, je crois.

Affiche Corée ---------------------Affiche Taiwan
(movieposterdb.com)

- Merci mon Dieu, enfin un mot sensé dans cette maison ! Y’a « La conquête de l’Ouest » sur TCM. C’est top, non ?! C’est un western d’auteur, ça.

- Mouais … mais tu sais pas c’que tu rates. Enfin … Et si on se revoyait « Taxi Driver », alors ?
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The Island

I-Land, le Monde du Moi

La bande annonce m’avait tapé dans l’œil avant la projection de La Guerre des Mondes, et peut-être que c’est à cause de ce cocard que je n’y avais pris qu’un plaisir mitigé. En tout cas, ça faisait donc un bon mois que je patientais pour pouvoir voir en vrai ce que ça pouvait donner. Qu’est-ce qui m’avait attiré ? Je ne sais pas trop. Peut-être ces images d’une nature idyllique qui renvoyaient à un passage de ce bon vieux Soleil Vert. Peut-être à cette ambiance froide et maîtrisée en écho à celle de Bienvenue à Gattaca. Peut-être à tout cet attroupement de types en uniforme blanc et bleu déambulant dans un univers apparemment aussi clos et lisse que dans Cosmos 1999. Allez savoir. En tout cas, j’étais pressé de voir le résultat.

Si j’avais été moins ignare, j’aurais su en voyant le nom du réalisateur dans quel voyage j’allais entrer. Pour moi et mon inculture, Michael Bay n’évoquait pas grand-chose. On m’aurait dit Bad Boys ou Armageddon, j’aurais un peu mieux imaginé la suite. Mais bon, j’aurais pu mieux lire l’affiche après tout. J’avais bien repéré Ewan Mac Gregor (que j’ai mis des années à distinguer de Kiefer Sutherland, c’est pour dire …- mais je ne suis quand même encore pas certain de les différencier au premier coup d’œil-) et ça m’amusait de le voir dans autre chose que la Guerre des Etoiles (et que dans 24 heures Chrono … non, je plaisante). Quant à la petite blonde qui va avec, il parait qu’elle était dans Lost in Translation (les ceusses qui l’on vu ont l’air d’avoir apprécié la prestation), mais pour moi, c’était juste une petite mignonne de circonstance. Et puis après tout, on peut être content d’arriver sur une bonne circonstance. Enfin bref, l’état d’esprit était donc à la découverte, sans trop d’a priori.

Le cinoche était plein comme un œuf. Mon voisin de droite avait du mal à ne pas déborder de mon côté de l’accoudoir (ça s’est quand même tassé après quelques minutes quand il a fini son sachet de chips). De l’autre côté du couloir à ma gauche, un Casanova de récré faisait le beau devant une bande de copines. Il avait retiré ses baskets et laissait reposer ses petons dans leurs magnifiques chaussettes orange sur les accoudoirs du fauteuil de devant où une donzelle enamourée s’appliquait à ne pas en paraître incommodée. Dès la lumière éteinte, un couple de retardataires est arrivé et s’est immédiatement perdu dans le noir. Le type à ouvert son portable pour que la lumière de son écran puisse servir de point de repère à sa copine. Manifestement, elle devait regarder ailleurs. Il lui a lancé un « Ici » murmuré pour accompagner un petit balancement de la loupiote. Pas de réponse. Quelques secondes plus tard, même chose en moins murmuré. Quelques secondes plus tard, idem avec quelques rumeurs dans la salle. Au balancement suivant, le « Ici » était repris en cœur par au moins trois rangées, suivi d’une cavalcade de pas tentant vainement la furtivité. La belle avait retrouvé son Roméo emportablé. Ambiance. La lumière du générique pouvait enfin arriver.

*** L’histoire ***

Le générique fait défiler un paysage de rêve le long d’une côte déserte et ensoleillée où un yacht luxueux ballade un couple. Soudain un choc fait dessaler le passager que des nageurs anonymes entraînent vers le fond. En plein cauchemar de noyade, Lincoln Six Echo (Ewan McGregor) se réveille au matin dans sa chambre futuriste sans un meuble de trop. Tout est lisse et froid. Genre labo ou bloc opératoire. Un écran mural défilant lui délivre quelques messages. Le pipi matinal est aussi l’occasion d’un message signalant un écart de la chimie du liquide qu’il sera bon de corriger. L’habillage est tiré d’un tiroir magique où les multiples exemplaires du même uniforme laissent un choix très relatif. Tiens, ça cloche dans le tiroir à chaussures : il manque une chaussure gauche. Mais bon, une broutille.

La sortie de la chambre, dont la serrure murale de la porte est activée au passage du bracelet de poignet, donne dans un couloir qu’arpentent déjà une série de congénères en uniformes semblables. Direction la cafeteria où le menu du matin est déjà limité par le résultat de l’analyse d’urine du réveil. La serveuse est un genre de gendarme que LSE ne parvient pas à faire fléchir. Heureusement, Jordan Deux Delta (Scarlett Johansson), une copine, passe à proximité dans le même uniforme mais elle, elle sait y faire avec le gendarme. Leçon de séduction pour LSE pour qui elle dégote un peu du bacon qui lui avait été refusé. On sent bien que ces deux là ne sont pas loin d’être plus que des relations de cantine. Un cerbère en noir vient faire un peu la police en freinant la « proximité » entre les deux qui en étaient déjà à se toucher la main. Sex in the city !

Un grand écran mural annonce le gagnant du jour de la loterie quotidienne permettant à un des habitants du lieu de quitter la cité pour « l’île », dernier endroit préservé de la contamination générale qui a pollué la terre et qui a contraint les hommes à vivre dans cet univers clos et aseptisé. Le gagnant est félicité par ses congénères avant d’être pris en charge par le service d’intendance et de disparaître de la colonie.

LSE rejoint son poste de travail, sur une chaîne genre usine mais toujours dans la même ambiance labo-blouse-blanche-tout-est-nickel. On papote entre collègues qui ne savent pas plus que lui ce qu’ils fabriquent, mais qui le font sans se poser de question. Alors que lui, LES, il aimerait bien en savoir un peu plus. Il sort du moule et se débrouille même pour se dégoter en douce une clé du circuit d’intendance. Dans ce secteur qui lui est normalement interdit, il s’est fait un copain, McCord (Steve Buscemi), qui entretient quelques tuyauteries et avec qui il bavarde en secret. Son attitude lui vaut d’ailleurs d’être convoqué chez le Dr Merrick (Sean Bean) qui s’enquiert de son attitude, de ses cauchemars, ses questionnements, un genre papa-psy qui régente ses ouailles.

Un jour arrive où, dans le circuit d’intendance, LSE découvre un papillon. Grain de sable qui va enrayer toute la mécanique. D’où vient ce papillon alors que l’ensemble de la terre a été contaminé et que toute vie y est devenue impossible ? C’est en cherchant par lui-même la réponse à cette question que LSE commence à soulever le voile de la vérité. Il réalise que les gagnants de la loterie ne partent pas vers une île enchanteresse mais sont assassinés. Comme justement sa copine JDD vient d’être choisie, il n’y a plus une seconde à perdre et il l’entraîne dans une cavale qui les fait arriver à l’air libre. Parvenant à retrouver la trace de McCord, ils apprennent enfin de lui la clé du mystère : les habitants de leur cité sont en fait des clones de « vraies » personnes du monde réel à qui ils servent de pièces détachées quand le besoin survient. Ils sont maintenus en isolement et bonne condition par une équipe de gardiens et d’intendance sous la direction de Merrick. De son côté, Merrick prend les grands moyens pour rattraper les fugitifs et engage Albert Laurent (Djimon Hounsou) et son équipe de mercenaires super-équipés hyper-pros méga-froids pour les récupérer.

Fin de la première partie

La course-poursuite s’engage qui va mener les deux clones sur les traces de leurs « propriétaires », Tom Lincoln pour lui et Sarah Jordan pour elle. Ca court, ça vole, ça tombe, ça pétarade, ça explose, ça tire, ça cogne, … la routine quoi (je le fais bref, mais ça dure suffisamment pour contenter n’importe quel amateur du genre). LSE finit par prendre l’identité de son proprio et retourner sous ce couvert à la cité pour sauver ses copains.

Fin de la deuxième partie

Tout le monde se retrouve donc au point de départ et la confrontation tourne à la bataille au sommet entre l’armée de Merrick, le boss en tête, et l’armée de LSE (composée de lui et de JDD), Lincoln en tête. Là, en gros, LSE casse tout et libère ses potes qui sortent enfin à l’air libre.

Fin de la troisième partie

*** Et Alors ? ***

L’argument principal, bien sûr, tourne autour du clonage. Hollywood ne pouvait pas rester en dehors d’un débat de ce type. Comme le gros du débat concerne la distinction entre clonage thérapeutique et clonage reproductif, la première question est de savoir si cette distinction est possible. Autrement dit, peut-on cultiver une partie d’être vivant sans en cultiver le tout ? Et si on cultive le tout, peut-on cultiver un corps sans conscience (sans « âme ») ou la conscience est-elle indissociable de l’existence du corps ? Ici, les positions sont posées nettement : la réponse à ces deux questions serait un Non formel, et c’est de là que le film démarre.

Quoi que les « vrais » humains aient envie d’en penser en se mettant les oeillères les plus serrées, les clones ne peuvent fournir un foie ou un poumon de qualité que si une conscience donc une personnalité les anime. L’argument est encore surligné par l’utilisation des clones femelles mises enceintes pour la reproduction directe. Tout cela donnant une ambiance de production en batterie où on hésite devant le comportement des humains chargés de l’exploitation entre les voir comme des agriculteurs faisant de l’élevage, de la récolte de produits, et les voir comme des gardiens de camp de concentration qui ont appris à ne plus voir de caractère humain en la foule qu’ils gardent. Et pourtant, même dans ce monde de batterie, une identité apparaît, une personnalité se crée, un Moi émerge. Dans un milieu tellement isolé consacré au Moi des clients propriétaires de leurs clones vient se glisser subrepticement le Moi du clone. C’est le pays du Moi, le « I Land », the Island.

Cette naissance du Moi des clones, après que leur créateur en ait façonné le corps, passe par une révolte, et par l’association de deux individus, mâle et femelle, qui s’opposent à leur créateur, s’enfuient de la terre idyllique où tout était simple à qui ne se posait pas de question, se découvrent en tant que sexes différents. Adam et Eve d’une nouvelle Humanité, c’est à la Genèse de leur histoire qu’on assiste. Et pour bien clarifier la référence, le premier être vivant qu’ils rencontrent en sortant de la cité n’est autre qu’un serpent.

Libérateur de ce monde d’esclaves qu’il éveille à la conscience, Lincoln Six Echo fait suite à cet autre Lincoln, cet Abraham Lincoln qui mit fin à l’esclavage aux USA. Et si Lincoln est Abraham, sa compagne ne peut être que Sarah (Jordan Deux Delta étant le clone de Sarah Jordan). Outre son caractère d’initiateur d’une lignée et d’une nation, Abraham est aussi celui qui renverse les faux dieux, qui brise les idoles inutiles et embarrassantes. Il défie même le seul Dieu qu’il accepte en refusant de lui sacrifier son fils.

Mais Lincoln-Abraham et Jordan-Sarah sont plus que cela. Jordan est aussi le nom anglais du Jourdain, cette rivière où le Christ fut baptisé et autour de laquelle s’est déroulé son histoire. En s’alliant Jordan, en « plongeant en Jordan », c’est en réalité dans le Jourdain que Lincoln plonge, dans les eaux d’un baptême sanctificateur. La bascule est soulignée par l’intervention d’un ouvrier sur un chantier de construction où LSE et JDD atterrissent sans bobo après une chute vertigineuse : « Vous, Jésus vous a à la bonne ».

On pourrait ainsi continuer à décortiquer chaque plan, chaque scène quand les références bibliques se multiplient tout au long du film. Mais peut-être vaut-il mieux ne pas insister et simplement regarder évoluer en parallèle cette histoire religieuse et son reflet de libération par la révolte. Tout au plus peut-on admirer comme le cinéma américain peut s’ingénier à instiller du religieux là où on ne l’attendait pas forcément.

*** Et à part ça ? ***

Côté action et effets spéciaux, on ne peut pas dire qu’on soit déçu. Il y a tout ce qu’il faut, voire un peu plus. Les rues de Los Angeles sont gorgées de petites choses futuristes, depuis les bus aériens sur plusieurs niveaux, jusqu’aux cabines téléphoniques new-look et aux motos volantes. Pour le réalisme, on est abreuvé de marques (MSN, Budweiser, Calvin Klein, …) au point qu’on se demande s’il n’y a pas eu un partenariat de sponsorisation pour équilibrer le budget du film. Les actions sont vives, parfois un peu trop hachées mais pourquoi pas.

Côté acteurs, le plus est dans la prestation de Djimon Hounsou. Dans le genre beau ténébreux qui fait son boulot au top mais qui n’en pense pas moins, jusqu’au moment où la coupe est pleine et qu’il s’agit de sauver la veuve et l’orphelin de la folie des méchants, tout ça sans un mot de trop et avec un regard à dépoter la lune … un seul mot : waow ! A côté, les autres font pale figure (sans mauvais jeu de mot, considérant que Djimon Hounsou est plus noir que l’ébène). Scarlett Johansson est bien mignonne, mais inutile de lui en demander davantage. Ewan McGregor se sort pas mal d’un double personnage, l’un passant d’une naïveté d’adolescent à un âge adulte, l’autre navigant entre l’égoïsme et la duplicité. Peut-être un peu de sur-jeu qui place la prestation en tout cas en dessous de « La guerre des étoiles ». Sean Bean fait bien le méchant sans état d’âme. On y croit moyennement quand il passe de la position de je-pilote-tout-de-mon-bureau à celle de je-prends-un-gourdin-et-je-fais-le-coup-de-point, mais ce n’est pas l’essentiel du film. Steve Buscemi est bien dans le personnage, comme d’habitude. Un brin ironique, détaché, bonhomme, le type sympa à sa mesure dans un monde de brutes.

*** En somme, ça t’a plu ? ***

Ben moyen quoi ! C’était aussi l’avis du type aux chips qui disait dans la file de sortie qu’il n’avait apprécié que le premier quart d’heure. Le gamin aux chaussettes orange, je ne sais pas. Il était trop loin derrière moi dans la file vu qu’il avait du renfiler ses baskets au dernier moment. Et puis de toute façon, il avait passé la séance à répondre à son portable.



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Memories (The I inside)

De mémoire de Pizza

- « Ca te dirait de venir ce soir à la maison ? On a loué un truc au Vidéo Club. C’est du Fantastique du genre « Sixième Sens ». Ca devrait te plaire. »

- « Ca, c’est sympa d’avoir pensé à moi. Et ça s’appelle comment ? »

- « Attend que je regarde. Ca s’appelle « Memories », « The I inside » en VO. Ca date de 2003. C’est le type du Vidéo Club qui nous l’a conseillé. Moi, je le connaissais pas. C’est de j’sais pas qui, avec j’sais pas qui. Alors, ça te tente ? »

- « C’est pas encore un de tes trucs japonais sous-titrés en suédois, au moins ? »

- « Non, t’inquiète. La VO est en anglais et y’a des sous-titres français. On a fait gaffe avant de te le proposer. Alors, ça te tente ? Allez, viens, quoi ! En plus, Isabelle prépare une pizza. »

- « Ben si y’a une pizza alors, … OK. 20h30, ça va ? »

- « Banco ! A tout à l’heure »

C’est comme ça que je me suis retrouvé à regarder cette chose. Ca commençait plutôt bien. En plus, la pizza était super. Isabelle en connaît un rayon questions pizzas. C’est simple, on a tous égaré le numéro de Pizza Hut depuis que c’est elle qui s’y colle. On était bien installé sur les fauteuils moelleux du salon et le film pouvait démarrer. En avant la musique …

Simon Cable se réveille à l’hôpital après un accident de voiture. Le médecin lui explique ce qui s’est passé, et dans la conversation, le type se rend compte qu’il a perdu la mémoire des 2 années qui viennent de s’écouler. On est en 2002 et il en est resté à 2000. Le médecin est bien un peu space, mais bon … (il dit qu’il est plutôt pédiatre de formation, mais que c’était lui qui était de garde aux urgences cette nuit ; il sort une sucette en disant qu’avec ses patients habituels, quand il a une mauvaise nouvelle à annoncer, il accompagne ça d’une Chuppa Chups qui fait passer la pilule ; il balance la fameuse mauvaise nouvelle : « Vous êtes mort », puis précise que Simon a été mort 2 minutes avant qu’on arrive à le réanimer).

Simon apprend que durant ces deux années, il s’est marié. Là, Anna arrive, comprend qu’il l’a oublié, et s’en va toute triste. Ensuite arrive Clair, genre snob glaciale, à qui il explique ce qui s’est passé depuis son réveil, mais qui ne croit pas en son amnésie, se fâche en apprenant qu’Anna est passée et en annonçant que c’est elle la vrai épouse, et se casse.

A partir de là, Simon cherche à comprendre ce qui lui arrive et se ballade dans l’hôpital, de salle en salle, de chambre en chambre. Au détour de couloirs ou de portes, il bascule dans des scènes entre 2000 et 2002. D’abord il n’y comprend rien et panique, puis réalise progressivement qu’il n’en est pas à son premier séjour dans cet hôpital et qu’il mélange des scènes présentes et des épisodes de sa première hospitalisation en 2000. Reviennent également des scènes du passé où arrive le frère, Peter, d’abord subrepticement puis de plus en plus clairement.

Dans cette mixture de scènes présentes, passées, et très passées, le puzzle est supposé se reconstituer, jusqu’à la scène finale où tout est supposé s’éclaircir et où on revoit la scène de la réanimation initiale de Simon, entre son arrêt cardiaque, à 20:00 et la fin de la réa à 20:02.

Avant de continuer, je dois préciser que :
- je ne me suis pas endormi pendant le film,
- je ne suis allé ni aux toilettes ni à la cuisine (pas la peine, la pizza était sur la table du salon) pendant toute la projection,
- personne n’a sonné à la porte ni n’a téléphoné,
- Isabelle n’a pas dit un mot jusqu’à la fin du film,
- j’ai un Doctorat de Sciences et une Maîtrise de Psychologie (même si à ma grande honte, je n’ai fait ni Saint-Cyr ni Polytechnique …),
- Florian, 2 ans, passait la nuit chez ses grands-parents et donc ne pouvait pas détourner l’attention.

Et pourtant, passé le premier quart d’heure, j’ai perdu pied. D’abord un peu, en arrivant à raccrocher quelques wagons en pointillé. Puis complètement. Les scènes se suivent dans un désordre de plus en plus complexe, simulant probablement le désordre dans la tête de Simon. Les codes et les symboles se multiplient, en tout cas on voit bien qu’il y a plein d’allusions symboliques mais sans qu’on puisse bien identifier ce qu’ils symbolisent et ce qu’ils peuvent bien coder. Le galimatias est d’une épaisseur croissante dont le poids vous enfonce de plus en plus profondément dans les fauteuils moelleux jusqu’à ne plus laisser dépasser que le bout du nez et l’œil droit encore scotché à l’écran (erreur grave d’avoir choisi ce type de fauteuil : ne regarder ce film que depuis un plan dur !). Et tout ça jusqu’à la fin ! Enfin, il faudrait plutôt dire jusqu’au générique tant il est difficile de se rendre compte que c’est la fin tant les choses sont embrouillées. Et puis, pendant que le générique défile, on se repasse les dernières images dans la tête, tout en se disant que certains films devraient avoir un message d’avertissement sur la pochette signalant le caractère impératif d’un bon crayon et d’un gros bloc-notes, on se demande pourquoi ils ont tant insisté sur l’horloge en surimpression passant de 20:00 à 20:02, et on se dit soudain « Morbleu ! Diantre ! C’était donc ça ! », avant de réaliser qu’on n’a compris que la dernière allusion mais que pour le reste … On a bien vu qu’il y avait quelque chose à voir avec la culpabilité, l’autocensure, et toute cette sorte de choses. Mais comment ? Mystère et langue au chat.

Que dire du jeu des acteurs dans toute cette confusion ? J’ai reconnu une ou deux têtes (Dr Newman / Stephen Rea et Peter / Robert Sean Leonard) que j’ai déjà vues quelque part, mais où ? Simon / Ryan Phillippe en fait des tonnes dans le genre angoissé-agité. Sinon, difficile de se faire une idée vu la complexité du traitement qui laisse peu de place pour comprendre ce que les acteurs ont à exprimer et s’ils l’expriment avec conviction.

Pour la réalisation, il n’est peut-être pas utile de redire tout ce qui précède. Sur un sujet compliqué comme ça, on peut simplement se dire qu’il n’était pas indispensable de le traiter version « vu de l’intérieur de la tête du personnage ». Au moins le Sixième sens avait une continuité qui permettait de suivre. Sans aller jusqu’à une simplification genre Colombo qui dit clairement les choses d’emblée avant de les expliquer en détail ensuite, on se demande ce que le Hitchcock de « Vertigo » ou « Pas de Printemps pour Marnie » aurait fait du sujet.

Les seules vraies questions qui vaillent réellement maintenant :
- quelqu’un parviendra-t-il à consoler Isabelle qu’on lui ait gâché sa pizza en l’accompagnant d’un machin aussi indigeste ?
- le type du Vidéo-Club acceptera-t-il de reconnaître sa culpabilité et de rembourser la location du DVD ?

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Le dernier des géants (The shootist)

Les adieux de John Wayne

Ce qu’il y a de bien avec John Wayne, c’est qu’il y a toujours un film que l’on n’a pas vu. Parfois c’est un truc tellement connu qu’on en a le rouge au front de ne pas le connaître soi-même. Parfois c’est une relique de derrière les fagots, connue des seuls initiés. Pour moi, c’est toute honte bue que je m’en vais vous raconter ma découverte, au fin fond de mon placard à DVD, du dernier film du Duke. C’est à peine si je me rappelais qu’il était là, bien caché, n’attendant que la plus petite occasion pour me sauter dans les doigts et me les guider vers le lecteur ad hoc. Alors, en route vers la grande aventure …

Après une ouverture genre rétrospective en trois scènes de trois films de l’icône (un petit jeu consiste à reconnaître les films ponctionnés), un cowboy solitaire s’avance dans la campagne et se fait arrêter par un brigand qui tente de lui soutirer son portefeuilles avant d’être désarmé avec dextérité mais épargné avec bonté. J.B. Books (John Wayne) arrive ainsi à Carson City en Janvier 1901 (la date est celle du journal local qui annonce la mort de la Reine Victoria). Après un accrochage avec le livreur de lait et son apprenti, il se rend chez son ami le Dr Hostetler (James Stewart) : il n’a confiance qu’en lui et vient lui demander confirmation du diagnostic de cancer qu’on lui a annoncé devant des douleurs lombaires persistantes. Hostetler ne peut que confirmer avec franchise et prédire une fin imminente et douloureuse dont seuls les prémisses pourront être soulagés à coup du laudanum qu’il lui donne. Il adresse Books à la pension tenue par la veuve Rogers pour y poser ses derniers jours. Sous une fausse identité illusoire (celle d’une gloire du far west), il prend une chambre chez Miss Bond Rogers (Lauren Bacall) et son fils Gillom (Ron Howard), apprenti livreur de lait à ses heures. Mais son identité, celle du plus fameux tireur de l’ouest encore vivant, est rapidement découverte tant en ville qu’à la pension où Bond voit ses clients s’enfuir et réclame le départ de Books, et où Gillom tombe en admiration devant le mythe vivant que sa mère héberge. Books refuse de partir et la tension monte entre le vieux cowboy et la veuve, d’autant que les mauvais garçons des alentours viennent jusque dans la pension s’attaquer à Books, certes sans succès, à la recherche de la gloire d’avoir abattu le fameux tireur aux 30 victimes. Books finit par révéler sa fin prochaine à Bond ainsi qu’au Sheriff Thibido (Harry Morgan) venu lui intimer en tremblant l’ordre de quitter la ville. Le comportement de Bond devient moins hostile et une amitié se noue progressivement entre les deux protagonistes. Entre Books et Gillom se développe un lien quasi filial. Des rapaces de tous poils viennent à la rencontre de Books pour tenter de grappiller quelques miettes de gloire avant la disparition de l’icône dont l’isolement croît tandis que la maladie progresse avec son cortège de douleurs et d’impotence. Le Dr Hostetler confirme que bientôt le laudanum ainsi que toute capacité de la médecine seront dépassés, ajoutant que pour un homme du courage de Books, cette fin douloureuse pourrait « être évitée ». Trois manieurs de gâchette des environs (Mike Sweeney (Richard Boone) voulant venger la mort de son frère tué par Books, Jack Pulford (Hugh O'Brian) croupier et as du pistolet, et Jay Cobb (Bill McKinney) en quête de gloire et livreur de lait quand il n’est pas en prison) ne faisant pas mystère de souhaiter affronter Books, celui-ci finit par se rendre à leur rencontre et par engager le combat qui à la fois débarrassera la ville de ces trois fauteurs de troubles et prendra de vitesse la fin pénible annoncée.

Outre son contenu, le film est remarquable par son contexte. Dernier film de John Wayne qui se meurt du cancer qui finira par l’emporter trois ans plus tard, dans un genre -le western- dont il figure à de rares exceptions près un des derniers morceaux de bravoure, il relate l’adieu à la vie d’un vieux cowboy que John Wayne aura incarné durant l’essentiel de sa carrière, en un temps où l’ouest lui-même s’éteint en passant du far west à la civilisation. Certes marqué par la mort qu’il a semée sur son passage, Books est un homme honnête et droit, comme l’Amérique qu’incarnait John Wayne. Deux phrases de Books le résument largement : « On ne me trompe pas, on ne m’insulte pas, et on ne me touche pas. Je ne le fais pas aux autres, et je réclame la même chose de leur part » ; « Ce n’est pas une question d’être rapide ou même adroit … C’est une question de vouloir ». John Wayne fait ses adieux au cinéma comme à la vie. Hollywood fait ses adieux à son icône et au genre qu’il avait fini par incarner entièrement. L’Amérique fait ses adieux à son passé d’ouest sauvage, libre et nostalgique. Le monde fait ses adieux à la vieille Europe des empires et de l’esprit victorien. Mais le témoin se passe néanmoins. Un siècle nouveau naît en ce mois de janvier 1901. Les chevaux et les carrioles sont remplacées par des automobiles, l’électricité entre dans les maisons, le saloon de Carson City est fait de pierre monumentale et plus du bois des pionniers, il s’appelle Le Metropole et plus d’un nom de fantaisie fleurant la glaise et l’aventure. Books s’éteint dans un éclair de gloire renouvelé et son message est repris par Gillom à l’entrée de ce temps de modernité.

Un message. Quel message ? Celui de la force de la volonté et de la droiture. Celui de la puissance de la force quand elle est guidée par le respect du Bien. Celui de la victoire inéluctable de l’esprit sur le sort. Books ne tombe que sous la trahison d’une balle tirée dans le dos, mais même cette trahison mortelle est une victoire contre la souffrance de la maladie, elle est un sort choisi et donc exorcisé. De plus, son assassin est aussitôt puni par le trait immédiat et sans appel de cet enfant porteur d’avenir de par le message qu’il a reçu et qui le fait entrer plus fort dans un monde qui se renouvelle.

La mort est ici naissance et germe d’avenir. Mais elle n’est telle que parce qu’elle est choisie et maîtrisée. Elle est l’ultime col que traverse l’homme doté de cette autonomie si fondamentale aux yeux américains, autonomie qui forme socle à cette conception de la dignité. Elle permet ce détachement qui autorise Books à négocier ses obsèques à venir avec le croque-mort Hezekiah Beckum (John Carradine) et à en inverser le mouvement : c’est lui qui est fournisseur, donc c’est lui qui en tire rétribution, nécessairement anticipée. De même peut-il négocier la vente de son cheval auprès de Moses Brown (Scatman Crothers) dans une scène d’enchère mémorable. Mais qu’en est-il de l’acceptation, de la sérénité face à une fin de vie qui fait partie de la vie elle-même ? Bien sûr, elle est recherche de Sens, elle est quête avide de remplir le vide à venir. Mais elle l’est surtout parce qu’elle est recherche, parce qu’elle est quête. Le sens, le but importent peu, seules importent le mouvement de la quête et la volonté qui la soutient. « Ce n’est pas une question d’être rapide ou même adroit … C’est une question de vouloir ». La Geste Arthurienne avait déjà, il y a bien longtemps, développé à l’envie cette quête d’un Graal si mystérieux qu’il finissait par ne plus avoir d’autre sens que dans la recherche elle-même.

Face à cette même question, une autre approche est pourtant possible. Une approche qui regarderait le sens plus ou autant que la recherche, une quête qui ne serait pas seulement quête, mais qui serait quête de quelque chose. « C’est la vie » de Jean-Pierre Améris, avec Jacques Dutronc et Sandrine Bonnaire, est loin d’être un western, mais il plonge au beau milieu de ce questionnement tout en l’abordant sous un angle de sérénité et d’accomplissement. Quoi qu’on pense de cette vision des Soins Palliatifs idéalisée et par certains aspects caricaturale au point d’en fausser la vision, la superposition des deux films, du couple John Wayne/Jacques Dutronc et du couple Lauren Bacall/Sandrine Bonnaire, laisse apparaître le contraste entre les deux approches de la mort : l’une regarde la mort et l’autre regarde la vie, l’une est préparation à la mort et l’autre est accomplissement de la vie, l’une concerne le mourant qui se raccroche à la vie et l’autre concerne le vivant qui « vit sa vie » jusqu’à son terme, l’une refuse la mort comme inhumaine et l’autre l’accepte comme naturelle.

On s’est bien éloigné d’un classique western de divertissement. L’émotion est partout présente, bien sûr, mais c’est peut-être le principal mérite du « Dernier des Géants » que de nous conduire sur ces interrogations essentielles.

Sur un plan plus cinématographique, peut-être un petit mot encore sur le jeu des acteurs et la réalisation. En dehors des « vieilles barbes » qui en ont vu d’autres et qui manifestement donnent le meilleur d’eux-mêmes tout à l’émotion qu’ils sont de participer au final de John Wayne et de lui donner la réplique comme s’ils ne parlaient pas seulement à Books, mais surtout à Wayne, cet ami mourant du même mal à l’écran qu’à la ville, les plus jeunes ont une tendance certaine à imprégner leur jeu d’un je ne sais quoi aujourd’hui très daté seventies. Le film est de 1976 et ça se sent à des kilomètres. La réalisation est dans la même lignée même si cela surprend davantage de la part d’un homme d’expérience comme Don Siegel. Certains mouvements de caméra, des bascules en suivi de personnages en marche, par exemple, donnent un air désuet de téléfilm d’époque assez surprenant vu d’aujourd’hui. Peut-être certains peuvent-ils y trouver leur compte de nostalgie, …

Mais là n’est pas l’essentiel.

Et dire qu’on était partis pour une soirée pénarde à se rassasier de grands espaces …
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