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3 juillet 2008

Memories (The I inside)

De mémoire de Pizza

- « Ca te dirait de venir ce soir à la maison ? On a loué un truc au Vidéo Club. C’est du Fantastique du genre « Sixième Sens ». Ca devrait te plaire. »

- « Ca, c’est sympa d’avoir pensé à moi. Et ça s’appelle comment ? »

- « Attend que je regarde. Ca s’appelle « Memories », « The I inside » en VO. Ca date de 2003. C’est le type du Vidéo Club qui nous l’a conseillé. Moi, je le connaissais pas. C’est de j’sais pas qui, avec j’sais pas qui. Alors, ça te tente ? »

- « C’est pas encore un de tes trucs japonais sous-titrés en suédois, au moins ? »

- « Non, t’inquiète. La VO est en anglais et y’a des sous-titres français. On a fait gaffe avant de te le proposer. Alors, ça te tente ? Allez, viens, quoi ! En plus, Isabelle prépare une pizza. »

- « Ben si y’a une pizza alors, … OK. 20h30, ça va ? »

- « Banco ! A tout à l’heure »

C’est comme ça que je me suis retrouvé à regarder cette chose. Ca commençait plutôt bien. En plus, la pizza était super. Isabelle en connaît un rayon questions pizzas. C’est simple, on a tous égaré le numéro de Pizza Hut depuis que c’est elle qui s’y colle. On était bien installé sur les fauteuils moelleux du salon et le film pouvait démarrer. En avant la musique …

Simon Cable se réveille à l’hôpital après un accident de voiture. Le médecin lui explique ce qui s’est passé, et dans la conversation, le type se rend compte qu’il a perdu la mémoire des 2 années qui viennent de s’écouler. On est en 2002 et il en est resté à 2000. Le médecin est bien un peu space, mais bon … (il dit qu’il est plutôt pédiatre de formation, mais que c’était lui qui était de garde aux urgences cette nuit ; il sort une sucette en disant qu’avec ses patients habituels, quand il a une mauvaise nouvelle à annoncer, il accompagne ça d’une Chuppa Chups qui fait passer la pilule ; il balance la fameuse mauvaise nouvelle : « Vous êtes mort », puis précise que Simon a été mort 2 minutes avant qu’on arrive à le réanimer).

Simon apprend que durant ces deux années, il s’est marié. Là, Anna arrive, comprend qu’il l’a oublié, et s’en va toute triste. Ensuite arrive Clair, genre snob glaciale, à qui il explique ce qui s’est passé depuis son réveil, mais qui ne croit pas en son amnésie, se fâche en apprenant qu’Anna est passée et en annonçant que c’est elle la vrai épouse, et se casse.

A partir de là, Simon cherche à comprendre ce qui lui arrive et se ballade dans l’hôpital, de salle en salle, de chambre en chambre. Au détour de couloirs ou de portes, il bascule dans des scènes entre 2000 et 2002. D’abord il n’y comprend rien et panique, puis réalise progressivement qu’il n’en est pas à son premier séjour dans cet hôpital et qu’il mélange des scènes présentes et des épisodes de sa première hospitalisation en 2000. Reviennent également des scènes du passé où arrive le frère, Peter, d’abord subrepticement puis de plus en plus clairement.

Dans cette mixture de scènes présentes, passées, et très passées, le puzzle est supposé se reconstituer, jusqu’à la scène finale où tout est supposé s’éclaircir et où on revoit la scène de la réanimation initiale de Simon, entre son arrêt cardiaque, à 20:00 et la fin de la réa à 20:02.

Avant de continuer, je dois préciser que :
- je ne me suis pas endormi pendant le film,
- je ne suis allé ni aux toilettes ni à la cuisine (pas la peine, la pizza était sur la table du salon) pendant toute la projection,
- personne n’a sonné à la porte ni n’a téléphoné,
- Isabelle n’a pas dit un mot jusqu’à la fin du film,
- j’ai un Doctorat de Sciences et une Maîtrise de Psychologie (même si à ma grande honte, je n’ai fait ni Saint-Cyr ni Polytechnique …),
- Florian, 2 ans, passait la nuit chez ses grands-parents et donc ne pouvait pas détourner l’attention.

Et pourtant, passé le premier quart d’heure, j’ai perdu pied. D’abord un peu, en arrivant à raccrocher quelques wagons en pointillé. Puis complètement. Les scènes se suivent dans un désordre de plus en plus complexe, simulant probablement le désordre dans la tête de Simon. Les codes et les symboles se multiplient, en tout cas on voit bien qu’il y a plein d’allusions symboliques mais sans qu’on puisse bien identifier ce qu’ils symbolisent et ce qu’ils peuvent bien coder. Le galimatias est d’une épaisseur croissante dont le poids vous enfonce de plus en plus profondément dans les fauteuils moelleux jusqu’à ne plus laisser dépasser que le bout du nez et l’œil droit encore scotché à l’écran (erreur grave d’avoir choisi ce type de fauteuil : ne regarder ce film que depuis un plan dur !). Et tout ça jusqu’à la fin ! Enfin, il faudrait plutôt dire jusqu’au générique tant il est difficile de se rendre compte que c’est la fin tant les choses sont embrouillées. Et puis, pendant que le générique défile, on se repasse les dernières images dans la tête, tout en se disant que certains films devraient avoir un message d’avertissement sur la pochette signalant le caractère impératif d’un bon crayon et d’un gros bloc-notes, on se demande pourquoi ils ont tant insisté sur l’horloge en surimpression passant de 20:00 à 20:02, et on se dit soudain « Morbleu ! Diantre ! C’était donc ça ! », avant de réaliser qu’on n’a compris que la dernière allusion mais que pour le reste … On a bien vu qu’il y avait quelque chose à voir avec la culpabilité, l’autocensure, et toute cette sorte de choses. Mais comment ? Mystère et langue au chat.

Que dire du jeu des acteurs dans toute cette confusion ? J’ai reconnu une ou deux têtes (Dr Newman / Stephen Rea et Peter / Robert Sean Leonard) que j’ai déjà vues quelque part, mais où ? Simon / Ryan Phillippe en fait des tonnes dans le genre angoissé-agité. Sinon, difficile de se faire une idée vu la complexité du traitement qui laisse peu de place pour comprendre ce que les acteurs ont à exprimer et s’ils l’expriment avec conviction.

Pour la réalisation, il n’est peut-être pas utile de redire tout ce qui précède. Sur un sujet compliqué comme ça, on peut simplement se dire qu’il n’était pas indispensable de le traiter version « vu de l’intérieur de la tête du personnage ». Au moins le Sixième sens avait une continuité qui permettait de suivre. Sans aller jusqu’à une simplification genre Colombo qui dit clairement les choses d’emblée avant de les expliquer en détail ensuite, on se demande ce que le Hitchcock de « Vertigo » ou « Pas de Printemps pour Marnie » aurait fait du sujet.

Les seules vraies questions qui vaillent réellement maintenant :
- quelqu’un parviendra-t-il à consoler Isabelle qu’on lui ait gâché sa pizza en l’accompagnant d’un machin aussi indigeste ?
- le type du Vidéo-Club acceptera-t-il de reconnaître sa culpabilité et de rembourser la location du DVD ?

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