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3 juillet 2008

Nanny McPhee

Nanny bat Grimm par KO au premier round !

Comment ça, seulement deux avis sur Nanny McPhee !? Et on en recense 19 sur les Frères Grimm ! Pourtant, Nanny tient largement la comparaison, voire l’emporte sur Grimm. Pour ne rien dire d’Emma Thompson face à Matt Damon. On est dans la même veine féerique et extravagante. Mais Nanny est du côté clair de la Force, tandis que Grimm flirte avec le côté obscur. D’un côté on s’amuse et on s’attendrit, de l’autre on joue à se faire peur. D’un côté on est dans un esprit british à souhait, de l’autre dans la grosse machinerie américano-tchèque. D’un côté on côtoie les vert pistache et les rose fuschia, de l’autre on navigue dans le gris et l’ocre sombre. Avis aux amateurs …

De quoi ça cause ?

Dans une Angleterre d’allure victorienne, un père croquemort, veuf de frais, et doté de sept enfants insupportables au point d’avoir épuisé toutes les ressources d’une agence de nannies, est contraint de se remarier dans le mois sous peine de se voir couper les vivres par une grand-tante autoritaire (Great Aunt Adelaide / Angela Lansbury). Nanny McPhee (Emma Thompson) débarque dans ce petit monde, toutes verrues et couperose dehors, pour ramener les garnements dans le droit chemin. Cependant qu’elle opère entre l’autorité bienveillante d’un Gandalf et la douceur d’une Mary Poppins contenue afin d’inculquer aux chenapans les cinq leçons qu’elle s’est donné mission de faire entrer dans leurs crânes rebelles (se coucher sans rechigner, dire merci, s’habiller sans regimber, … et le reste à l’avenant), Papa (Cedric Brown / Colin Firth) se lance, au milieu des chausse-trappes tendues par les monstres peu enclins à voir une pimbêche (Selma Quickly / Celia Imrie) remplacer Maman, dans une entreprise de séduction expresse destinée à conserver à la famille les subsides de l’aïeule. Après moultes péripéties, entre un âne qui danse, une cuisinière commando de choc (Mrs. Blatherwick / Imelda Staunton), une bataille de gâteaux, un valet chinois, un grenier magique, un voile de mariée en flocons de neige, et un sandwich au concombre, tout finit bien, comme dans les contes de fée de bonne facture.

Et c’est bien ?

Dire qu’on n’y croit pas une seconde est un doux euphémisme tant cette histoire est loin de tout ce que la réalité concrète du quotidien morose peut recéler de plausible, tant on est d’emblée happé par une espèce de tornade d’invraisemblance au rythme soutenu. Mais qui a jamais cru qu’un château-école du nom de Poudlard puisse abriter une compétition de Quidditch ? Et pourtant, …

Le jeu est globalement celui qu’on attendrait sur une piste de cirque. Tout est outré à l’envie. Quand les galopins galopent, ils mettent le paquet. Quand ils décident de faire bouillir la marmite, ils ne font pas les choses à moitié et le champ de bataille que devient la cuisine est à l’image de l’exubérance du jeu. Tant dans le jeu que dans les décors, on se rapproche plus de la Comedia del Arte ou des comédies italiennes des années 70 que de l’Actors’ Studio. Si Zavatta avait été anglais, il aurait presque pu faire partie du casting.

Seule exception au tableau : Nanny McPhee. C’est le personnage central, et pourtant c’est le seul qui soit dans la retenue. Bien sûr, le grimage est élaboré, mais tout dans le presque crédible. D’autant que tout au long du film, chaque leçon finalement acceptée par les monstres débarrasse Nanny d’un de ses oripeaux de laideur. Et une fois la transformation accomplie, Emma Thompson est aussi proche d’Alice Sapritch qu’un punch coco est proche d’un Fernet Branca.

En fait, il y a aussi une autre exception : Evangeline (Kelly Macdonald), la belle et douce servante, la seule à ne pas voir les enfants comme les monstres qu’ils se plaisent à jouer et qui n’en subit pas les assauts, au point qu’on se demanderait, dans la vraie vie, où était le besoin d’aller chercher plus loin une dix-huitième nanny.

Que ce soit Nanny MacPhee ou Evangeline, on est dans le presque réel, version poigne de fer pour l’une et douceur attendrie pour l’autre. Un peu les deux faces du même personnage que serait Maman si un sort cruel ne l’avait pas ôtée, avant le début du film, à l’affection de ses marmots.

Marmots justement, au nombre de sept, comme les sept nains de Blanche Neige dont ils se rapprochent par la taille autant que par leur combat davidien contre un sort goliathesque. Sept aussi comme les sept jours de la semaine, comme le nombre de jours qui conduisit Dieu au repos après l’effort de sa création et qui aurait dû apporter leur créateur de père à un repos mérité si le sort cruel cité plus haut n’avait glissé un grain de sable dans cet ordonnancement idyllique. Est-ce par hasard si ces enfants en lutte contre un monde adulte pour demeurer les enfants solidaires d’une famille unie et fermée sur elle-même, même si c’est au prix d’un harcèlement retors qui les plonge de fait dans l’âge adulte qu’ils refusent, ont quelque chose de Peter Pan, sa sœur, leur petit frère en layette, et la troupe des Enfants Perdus ? Grand-Tante Adélaïde a évidemment des allures et des mines de Capitaine Crochet, tandis que Misses Quickly est une irrésistible transposition du crocodile perfide.

Au passage, on se délecte de la bonbonnière outrageusement anglaise de Misses Quickly, des énormes fleurs roses du papier peint de son salon, de son amour pour les moutons teints comme des bonbons acidulés à l’image de ces ovins marqués de peinture vive pour les repérer de loin sur les flancs déserts et gazonneux des monts cambriens du Pays de Gales profond.

Misses Quickly (comment ont-ils traduit son nom dans la version française ? Misses Vavite ou quelque chose du genre) est une femme pressée : pressée d’arriver à ses fins, comme est pressée l’entreprise de séduction de Papa, … comme on est pressé de la voir déguerpir de ce petit monde. Elle est l’autre face d’Adélaïde dans la personnification de ce que le monde adulte peut avoir de repoussant à es regards d’enfants : elle est la précipitation, la vanité, la luxure, là où Adélaïde est le sérieux, l’autorité, la règle, le pouvoir par l’argent, l’ordre moral.

Et Papa dans tout ça ? Papa est un grand enfant, ce qui le sauve aux yeux des moufflets, mais aussi un adulte ce qui le condamne en même temps. Quand Papa sort le grand jeu pour séduire, les monstres lui réservent autant de perversité concrète que symbolique. La « belle » va s’asseoir : une flèche cupidonienne dressée comme un I attend son séant honni au milieu des coussins, tenu à pleine main par un des sept mercenaires en embuscade. La « dame » s’apprête à saisir de la porte la poignée électrifiée par les monstres : Papa s’interpose mais, sous l’effet du courant débité par un gnome à grands tours de manivelle, plaque sa proie contre la paroi à grand renfort de spasmes électrisés suggestifs. On a beau être dans un conte pour enfants et dans une Angleterre plus victorienne que nature, Tonton Sigmund monte la garde et a toujours son mot à dire. Autant qu’il le fait à propos du Petit Chaperon Rouge qui promène sa précieuse galette au nez d’un Grand Loup sans oublier de se munir d’un bon pot de beurre. Mais ça n’a jamais empêché les enfants d’adorer les contes. Ni Emma Thompson, très convenable sujette de sa Gracieuse Majesté, d’adapter à l’écran le personnage de Nurse Matilda, ouvrage pour enfants de Christianna Brand.

Et puis …

Ca va, ça va, on s’est fait une idée. Mais finalement, c’est bien ou pas ?

Mieux que ça, même. Chacun peut y trouver son compte, les petits comme les grands. Alors Les Frères Grimm, à côté …

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