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3 juillet 2008

La conquête de l'ouest (How the west was won)

La légende du Western

- Mais t’avais dit d’accord pour « Taxi Driver » !

- Ouai, je sais, mais je savais pas qu’y avait « La Conquête de l’Ouest ». Comment qu’on dit, en grand-breton, « How the west was won », c’est ça ? Ca se rate pas un truc comme ça. Tu sais depuis combien de temps c’est pas passé à la télé ?

- Je sais bien, mais quand même, c’est le troisième western cette semaine …

- Attends, « The Red Badge of Courage », c’était pas vraiment un western. C’était plus un film de guerre.

- Ce que tu peux être de mauvaise foi … La guerre de sécession, c’est pas du western, maintenant …

- Pas vraiment, quoi. T’as vu des indiens, toi ? Et puis c’est de John Houston. C’est pas rien.

- J’dis pas, quand on aime ça. Mais on avait dit « Taxi Driver » !

- On a eu aussi « L’Assassinat de Richard Nixon ». Un partout, balle au centre.

- Monsieur l’apothicaire est de retour avec ses petits comptes ? C’est petit, ça. Voilà. C’est petit et c’est tout !

- C’est peut-être petit, mais « La Conquête de l’Ouest », ça peut pas s’rater. C’est comme ça. Ca fait au moins mille ans que c’est pas passé et c’est pas demain qu’on le reverra. Et puis d’abord on n’a pas de cassette de trois heures pour l’enregistrer. Tu vois bien qu’on peut rien faire d’autre.

- Alors là !... Si en plus le sort s’acharne, buvons le calice jusqu’à la lie …

- Tout de suite les grands mots …

- N’empêche que t’avais dit d’accord.

- M’enfin …

- Bon, ça va. Et c’est de qui cette merveille ?

- C’est de John Ford, Henry Hathaway et George Marshall. Tu te rends compte un peu. Ils s’y sont mis à trois pour faire ça. Ca t’épate, non ?

- Ben, à trois pour un seul western, on se demande ce qu’ils ont bien pu trouver à raconter.

- Fais pas de mauvais esprit. En plus, le casting est pas piqué des hannetons : Karl Malden, Gregory Peck, James Stewart, John Wayne, Henry Fonda, George Peppard, Lee J. Cobb, Carroll Baker, Debbie Reynolds, Richard Widmark, Agnes Moorehead, Andy Devine, Eli Wallach, Lee Van Cleef, Thelma Ritter, Robert Preston, …

- T’en fais pas un peu trop, là ? Tu vas me réciter tout le bottin des studios d’Hollywood des années 50 ? J’ai compris qu’y a du beau linge. C’est ça que tu veux me faire dire ? C’est « Le Jour le plus Long » du western, alors.

- Dans le mille !! Toute l’épopée de l’ouest dans un seul film. Et tout le monde qui passe pour un grand ou pour un petit rôle. Rien que pour y être. Tiens, John Wayne, s’il dit dix répliques c’est le bout du monde. Mais il est là et ça, ça compte. Lee Van Cleef, je sais même pas s’il en dit une. Y’a même Spencer Tracy qui fait la voix off, t’imagines un peu l’niveau ?!!

- Et c’est avec un trombinoscope que tu crois que tu vas m’épater ?

- Non, j’sais bien, mais quand même … Et puis l’histoire, c’est « Ben Hur », c’est « Spartacus », c’est … c’est toute l’histoire de l’ouest que j’te dis. Ca commence avec une famille, la famille Prescott, qui part de la côte est et qui va vers l’ouest. Ca s’étale sur trois générations. Karl Maden, Zebulon, avec sa femme, Eve, et ses deux filles, Lilith et Julie. En route, ils croisent James Stewart, Linus Rawlings, un trappeur solitaire, qui leur tient compagnie pendant une soirée. Et justement, Julie, Carolyn Jones, lui fait du gringue, mais au matin il s’est taillé sur son canoë. Alors la famille continue la route sur un radeau et est détroussée par une bande de pirates. Linus repasse justement par là et leur sauve la mise. Et puis ils continuent séparément mais le radeau est pris dans des rapides et chavire. Il ne reste que les deux filles et Linus Rawlings rapplique encore. Il retombe sous le charme devant le courage de Julie et finalement renonce à courir la route pour établir une ferme avec elle. Par contre Lilith décide de poursuivre vers l’ouest.

- Mouais … C’est « La rivière sans retour », quoi, non ?

- Voilà … tu vois quand tu veux ! Ouai, c’est un peu ça, mais en plus épique. On sent bien que c’est une saga qui commence et que ça ne va pas s’arrêter là. Et comme ça on suit Lilith, Debbie Reynolds, qui devient danseuse de saloon. Mais c’est justement le moment où arrive la ruée vers l’or. La Californie. Alors elle s’engage dans un convoi de chariots en route pour la Californie.

- Attends un peu, laisse moi deviner … On va avoir une course de chariots, une attaque d’indiens, un franchissement de rivière, des accidents de chariots, des bivouacs au coin du feu …

- Tu peux rigoler si tu veux, mais y’a tout ça, et même mieux !!! Et puis y’a la guerre de sécession, le départ la fleur au fusil et puis les batailles fratricides, les Yankees contre les Reb’s, ou avec eux, on sait plus. Linus qui meurt à la guerre et son fils Zeb, George Peppard, qui survit et qui reste dans la cavalerie Yankee mais qui doit accompagner la construction du chemin de fer, tu sais, celui qui a été construit par 2 compagnies rivales qui allaient en sens contraire et qui devaient se rejoindre quelque part à mi-chemin entre l’est et l’ouest.

- Et voilà revenu le glorieux cheval de fer.

- Eh ouai, The Iron Snake. Avec les terres arrachées aux indiens, les fausses promesses, les révoltes, les guerres indiennes. Y’a tout j’te dis ! Y’a les troupeaux de bisons, les tables de poker, les tricheurs, les compagnies qui partent de rien et font fortune. Le rêve américain. L’esprit des pionniers, la libre entreprise, les danseuses de saloon et les ligues de vertu. Tout !

- Bref ça raconte la construction des States.

- Oui, mais pas comme on construit une maison. Plutôt comme on construit une église, un mythe, un rêve, une idée. C’est ça ! C’est la construction d’une idée. « J’en ai rêvé, les States l’ont fait », c’est ça que ça raconte. Y’a l’amour et la haine, l’honnêteté et la cupidité, la loyauté et la traîtrise, le courage et la lâcheté, le hasard et la justice …

- Et c’est pas un peu cucul ton truc ?

- Ben si, et alors ? Ca a beau essayer de sortir de certains clichés, de montrer les indiens comme des victimes, ça repart vers d’autres clichés. C’est patriotique et grandiloquent, c’est naïf et c’est fier, … et alors ? C’est plein de bons sentiments. Ca dégouline de guimauve. Mais tu veux que j’te dise ? J’m’en fiche. C’est un mythe, c’est un rêve, et dans un rêve on a le droit de rêver. Et puis y’a la musique. Ah la musique ! Tu pourrais regarder le film les yeux fermés rien que pour la musique, rien que pour Debbie Reynolds qui te balance du Green Leaves sous deux ou trois versions différentes. Et puis les musiques de saloon. Et puis les musiques des tuniques bleues. Et celles des sudistes, enfin je crois.

- Mais on a vu ça mille fois …

- Et alors ? Et puis jamais raconté comme ça, comme si on sculptait devant toi une statue nationale, un monument. Imagine une fresque qui irait de Clovis à De Gaule, avec le souffle d’ « Autant en emporte le vent », … C’est que’qu’chose quand même ! La tapisserie de Bayeux sur celluloïde …

- T’en fais pas un peu beaucoup, là ? Dis-moi un peu ?

- … Rabat-joie ! Tu va pas me dire qu’à côté de ça, y’a des tonnes de films qui tiennent la route ! En plus, t’en a vu beaucoup, toi, des films en Cinérama ?

- C’est quoi encore, ça ?

- « Ca », comme tu dis, c’est une des premières étapes de ce qui a abouti à l’IMax. Si tu peux voir des trucs à La Géode ou au Futuroscope qui te donnent l’impression d’être assis au milieu de l’action, avec de l’image tout autour de toi, c’est de là que ça vient. Le film a été tourné avec trois caméras qui permettent de balayer un champ plus large qu’avec une seule caméra. La projection se faisait sur un écran en trois parties, avec les parties latérales qui revenaient vers les spectateurs. C’est simple dans l’idée, mais fallait y penser, quand même ! Il fallait des salles équipées spécialement pour et une synchro difficile entre les trois projecteurs, mais bon. C’était en 1962. On n’avait pas encore marché sur la Lune …

- Mais à la télé, on n’a qu’un seul écran … Ils passent que l’image du milieu, alors ?

- Bonne question, mon cher Watson ! Y’a longtemps c’était comme ça qu’ils faisaient, je crois. Mais maintenant, ils ont restauré le tout en mettant les trois images côte à côte sur un écran unique. Ca a été un boulot costaud parce qu’il a fallu avoir les moyens de compenser la déformation de l’image des écrans latéraux. Comme en plus les pellicules n’étaient pas strictement identiques, il reste quelques différences de contraste ou d’exposition entre les trois parties de l’image, et on voit encore les zones de transition avec des petites déformations de l’image (genre réfraction comme quand tu plonges un bâton dans l’eau et qu’on dirait qu’il fait un angle à l’endroit où il traverse la surface). Au début ça fait un peu bizarre, mais en fait on oublie très vite. Parole ! T’as vu ça un peu ? Tu savais pas que j’savais des trucs comme ça, hein ?!

- Y’a pas à dire, tu m’en bouches un coin ! … C’est ça que tu voulais que j’dise ? Prétentieux, va. Mais bon, ça ira pour cette fois. On va l’voir ton chef d’œuvre. J’m’en voudrais de gâcher une telle fête … Mais dis donc, et si on faisait le contraire ?

- Le contraire de quoi ? Le contraire de la conquête de l’Ouest ? Tu veux remettre les colons du Mayflower sur leur bateau ?

- Mais non. C’est pas possible d’être premier degré à ce point ! Non. Si on regardait ton film en direct ? On pourrait enregistrer « Taxi Driver ». Et puis comme ça, on pourrait se le repasser autant qu’on voudrait ensuite. Alors, « Deal ? », comme ils disent, les cowboys.

- ……. Damn ! You got me, Jonnhy !

- Amen, Brother. In God we trust.

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