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7 octobre 2008

The Da Vinci code

Mouvement Brownien

J’avais dévoré The Da Vinci Code (2003), le livre de Dan Brown. Puis Angels & Demons (2000). Puis Digital Fortress (1998). Puis Deception Point (2001). Autant dire tout Dan Brown, dans un joyeux désordre.

Je ne suis pas très calé pour disserter sur les qualités littéraires de l’auteur. Certains les trouvent surfaites, c’est tout ce que je peux en dire. Par contre, sur son habileté à prendre le lecteur par la main et à l’entraîner dans le dédale complexe d’une intrigue, le fait qu’une fois le doigt pris dans l’engrenage du premier roman, je n’aie pu ressortir à l’autre bout qu’une fois épuisée toute la production de l’auteur est peut-être suffisamment éloquent.
Bien sûr, cette lecture stakhanoviste est aussi l’occasion de repérer les routines de l’auteur, son plan quasi inchangé d’un ouvrage à l’autre. La différence entre les récits tient bien plus dans la différence de cadre que dans les changements de l’intrigue. Mais le cadre est suffisamment documenté pour donner une crédibilité aux yeux du non spécialiste du sujet qu’est le lecteur moyen. La situation la plus exemplaire est la superposition du Da Vinci Code et de Angels & Demons où le héros est le même personnage, le professeur Robert Langdon, titulaire de la chaire de symbologie religieuse à Harvard, dont les compétences l’entraîneront sur la piste d’un complot historico-ésotérico-religieux des griffes duquel il devra sauver une courageuse jouvencelle. Les deux autres sont certes moins superposables mais recèlent les mêmes ressorts : un spécialiste d’un domaine pointu en vient par ses compétences à porter la lutte et à jouer le grain de sable dans l’engrenage qui semblait bien huilé d’un complot élaboré. Là le domaine en cause n’est plus religieux mais dans un cas informatique, et dans l’autre scientifique, biologique et astronomique. Et dans tous les cas, le récit se développe sur le dédoublement du héros en un couple de héros. Tout cela n’est pas sans rappeler la technique narrative de Robert Ludlum, autre monstre du best-seller dans sa version politico-espionagesque. La vertu de Dan Brown est en l’occurrence une documentation approfondie alimentant sans cesse une crédibilité renforcée. Ce n’est pas par hasard si The Da Vinci Code a fait fleurir les ouvrages visant à faire le tri entre le réel et l’imaginaire dans le récit de l’auteur. Ce n’est pas par hasard si l’église Saint-Sulpice, à Paris, lieu d’un évènement clé de l’intrigue, reçoit depuis la publication du roman des visiteurs tentant de reprendre l’enquête du livre à leur propre compte.

Dans ce contexte, quoi d’étonnant qu’Hollywood se soit emparé de l’histoire ? Et c’est Ron Howard qui s’est lancé sur la version filmée. Quel changement depuis que ce jeune homme jouait les Ritchie Cunningham dans les Happy Days de mon enfance, ou depuis qu’il donnait la réplique à un John Wayne vieillissant dans The Shootist. La révolution est spectaculaire, même si je dois avouer encore, comme dans un réflexe pavlovien ancré si profondément qu’il ne s’estompe toujours pas malgré les décennies qui passent, une impulsion de rechercher une apparition de Fonzie dès que j’entends ou que je lis sur un gérérique le nom de Ron Howard (oh, happy days …).

Pour en revenir au film, présenté cette année à Cannes et simultanément sorti sur les écrans du monde, il reprend assez fidèlement le déroulement du livre. Avec quelques coupures apparemment imposées par la longueur de l’ouvrage et la densité de l’action qu’il fallait bien faire tenir dans une durée raisonnable.

Le Professeur Langdon (Tom Hanks), de passage à Paris pour une conférence, est convoqué nuitamment par le Lieutenant de police Collet (Etienne Chicot) sous les ordres du Capitaine Bezu Fache (Jean Reno) dans une salle du Louvre où le conservateur du musée, Jacques Saunière (Jean-Pierre Marielle), vient d’être assassiné par un albinos en robe de bure (Silas / Paul Bettany) non sans avoir eu le temps d’organiser son agonie de façon à faire de la scène du crime un message lourdement codé, aux multiples références symboliques mais s’appuyant essentiellement sur l’œuvre de Léonard De Vinci et sur sa participation à une très ancienne société secrète, le Prieuré de Sion. Le nom de Langdon y est évoqué, raison de l’intérêt de la maréchaussée. Durant l’audition de Langdon devant le cadavre intervient une jeune femme, Sophie Neveu (Audrey Tautou) du service du chiffre qui tire Langdon des griffes de la police et lui révèle être la petite-fille de Saunière dont elle veut comprendre, pour son propre compte, l’assassinat. Commence alors une course poursuite à plusieurs niveaux : Langdon et Sophie sur les traces de l’assassin et du secret protégé par Saunière, pour la découverte duquel il a été tué, guidés par la résolution progressive du jeu de piste sur lequel les entraîne le message codé laissé par Saunière ; Silas et ses commanditaires sur les traces du même secret ; la police sur les traces de Sophie de Langdon qu’elle pense liés à l’assassinat de Saunière. Chemin faisant, Langdon et Neveu reçoivent l’aide d’un vieil original anglais vivant à Paris, Sir Leigh Teabing (Ian McKellen), versé dans la symbologie religieuse et le mythe du Graal, qui les accompagnera dans la suite de leur parcours.

Evidemment, la vision que l’on peut avoir du film dépend du fait qu’on ait lu le livre auparavant on pas. Et à partir du moment où cette lecture est déjà un acquis, il devient difficile de se mettre dans la peau du spectateur naïf. D’où la difficulté du commentaire. Mais n’est-ce pas le même débat devant toute adaptation cinématographique d’un roman à succès ? La Princesse de Clèves avec Gérard Philippe est-elle fidèle à l’œuvre de Gérard de Nerval ? Et retrouve-t-on à la vision du film les émotions que nous avait provoquées la lecture ? Les multiples versions des Misérables tombent dans le même écueil. Pour ne rien dire du simple fait de visionner un remake d’un film antérieur. Vieux débat, donc, voire faux débat peut-être. En tout cas, c’est comme ça, et il faut bien faire avec. Il est pourtant vrai que le rythme du film est ici bien différent de celui de la version écrite. Plus lent, moins intrigant, laissant sur sa fin devant certaines coupures, mais sans doute du fait que l’on sait ce que la coupure fait perdre d’intrigue, ce que le raccourci fait perdre de la sensation de plaisir de la découverte progressive d’un ressort qui est ici rapidement dévoilé. Mais c’est la loi du genre. Et après tout, peut-être est-ce un bon argument pour que les initiés invitent les néophytes à découvrir la version papier après l’introduction qu’aura constitué le film.

Quant aux acteurs, que dire ? Pas si mauvais que ça à mon goût. Juste une petite difficulté à voir Audrey Tautou comme une héroïne de cavalcade après s’être imprégné de sa prestation dans Amélie Poulain ou dans Un Long Dimanche de Fiançailles. Mais bon, la critique ne va pas bien loin. Le jeu particulier de Paul Bettany lui vaut quelques félicitations de ci de là. Je dois avouer une certaine gène devant une impression d’emphase à contre temps du reste de la troupe. Mais pas plus. Pour le reste, le tout est assez honorable. Pas de quoi se relever la nuit, mais bien assez pour passer un bon moment. Et contrairement à d’autres commentateurs, je n’ai entendu dans la salle aucun rire mal à propos, ni vu de bâillement intempestif au long ou à l’issue de la projection. Mais le public du samedi est peut-être plus indulgent …

De plus, ça faisait un bon moment que je n’avais pas vu autant d’acteurs français dans une production hollywoodienne. Peut-être à l’exception de Munich, et encore. Cocorico.

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