Ouf, on respire !!
Ouf, on respire !!
Dans ses tribulations post-cannoises de rattrapage, Tonton Sylvain en était à son douzième rendez-vous chez son curé de paroisse pour en obtenir les dernières consolations au sortir d'une apnée allant de « Tony Manero » à « Ils mourront tous sauf moi ». Entre les deux, il est vrai qu'il avait profité d'une petite respiration, nauséabonde mais encore respirable, avec un « Elève libre » dont il n'avait encore parlé à personne. Mais, n'écoutant que sa témérité, et la force de l'habitude conduisant les chiens battus à malgré tout rechercher la compagnie de leur maître indigne juste pour lui donner une chance de se rattraper, le voilà parti à affronter une seconde fois la file d'attente de la Cinémathèque Française qui programmait une nouvelle reprise d'un sélectionné de la Semaine de la Critique 2008, « Les grandes personnes », d'Anne Novion. Son cœur ne cognait même plus tant il était au-delà de la certitude effondrée de devoir faire face à nouveau aux affres fétides du désespoir d'un réalisateur torturé.
Et là, divine surprise ! Une bouffée d'air, de calme, de gentillesse, dénuée de toute naïveté, … Le contraste avec les miasmes précédents était si violent qu'un soudain réflexe de doute, de vérification s'il ne s'était pas trompé de salle, se mit à tambouriner dans le fond de sa gorge dans les premières minutes de la projection. On ne sort pas impunément d'une ambiance de stress ; le corps lui-même exige son dû et ne laisse qu'avec inquiétude refluer son taux d'adrénaline. Mais c'était exact, nulle erreur de date ou de salle. Et le film se déroulait impassible et serein sous son regard étonné qu'on puisse encore tourner avec une telle simplicité.
L'histoire présentait les vacances d'Albert (Jean-Pierre Daroussin), bibliothécaire de profession, père divorcé en compagnie de sa fille Jeanne (Anaïs Demoustier), jeune adolescente, débarquant du ferry sur une île de Suède, pour prendre possession d'une maison de location pour une quinzaine qu'il envisageait de consacrer à la recherche du trésor perdu d'un viking historique. Déjà sur le bateau il tentait d'intéresser Jeanne à sa quête, dans l'attitude didactique et pontifiante d'un maître d'école passionné par son sujet et incapable d'imaginer qu'on puisse y rester fermé. En digne professeur Nimbus, sa naïve maladresse est encore patente à l'arrivée au quai où il tente de demander sa route dans un sabir de manuel Assimil, sans que les locaux, bonhommes, n'entendent rien à son idiome. Parvenus à la maison convoitée, ils s'étonnent de la trouver ouverte, comme pour les attendre, confiante dans le fait que seuls ses locataires légitimes y pénètreront.
Mais la surprise ne dure que quelques instants, jusqu'à ce que les occupants en titre de la maison sortent de leurs chambres : Anika (Lia Boysen), la propriétaire, et une amie française, Christine (Judith Henry), qu'elle héberge. Après quelques explications, Anika réalise qu'elle s'est trompée de semaine pour la location et n'attendait ses hôtes que pour la semaine suivante. On décide alors de laisser la maison telle que promise après une journée de cohabitation nécessaire aux deux femmes pour trouver un toit de rechange. La soirée n'est pas vraiment tendue, mais chacun s'observe et se jauge. Albert se lance même dans une démonstration du fonctionnement de son détecteur de métaux qui ne manque que de peu la perte d'une boucle d'oreille de Christine. Le lendemain, les deux femmes sont prêtes à lever le camp même sans avoir trouvé de solution d'hébergement, mais Albert et Anaïs finissent par leur proposer la cohabitation jusqu'à la fin de la location.
S'installe ainsi la scène d'une découverte progressive des uns et des autres. Anaïs expérimente apparemment un de ses premiers émois amoureux auprès des quelques jeunes du village. Albert apprend dans la douleur et la révolte épisodique à voir se séparer les intérêts de sa fille de ses siens propres, tournés vers un apprentissage tout intellectuel du monde qui se confronte à la simple réalité. Anika solde une ancienne passion dans une reprise de contact avec un amour non cicatrisé. Christine solde son histoire à elle par un mouvement inverse. Mais malgré le caractère très personnel de ces évolutions individuelles, chaque mouvement en est épaulé, consolé, contenu, par la présence des autres habitants de la maison.
Il y a dans ces images, dans cette histoire, un genre de douceur apaisante, comme un onguent permettant d'affronter toutes les épreuves sans les repousser, juste en y faisant face et en les digérant. Il se crée d'emblée une ambiance comme autrefois « Les dames de la côte » avaient su la délivrer aux amateurs de feuilletons télévisés. Tout est dans les tons pastel, les images, les paysages, les costumes, l'ensemble reflétant la tonalité pastel des sentiments et de leurs expressions.
Chacun semble passer d'une étape à l'autre de sa vie, franchir un seuil comme dans un voyage initiatique qui le fera devenir une « grande personne ». Chacun fait le deuil de quelque chose : de l'adolescence, de la dépendance de sa progéniture, d'un amour passé, d'un amour mal engagé. Chacun est engagé dans ce processus de deuil et le traverse avec l'aide, parfois volontaire et parfois non dite, de la douceur ambiante et du soutien des autres. Nul n'est retors ou emporté, chacun, bien qu'il soit pris dans son propre travail, conserve une bonté apte à adoucir les plaies des autres.
Si on avait oublié ce qu'un romantisme optimiste pouvait être, « Les grandes personnes » vient le rappeler dans un calme de lande suédoise sereine. De là à dire que l'histoire baigne dans la plus grande crédibilité, il y a un pas, un fossé, un gouffre.
Mais finalement qu'est-ce que cela peut faire ? Après le déluge de sinistrose du reste des films qu'il a fallu s'avaler, on était prêt à tout, prêt à accepter le moindre soupçon d'optimisme ou même simplement de calme ou d'ébauche de sérénité. Il y a peut-être là un effet de contraste, bien sûr. Mais putain, ça fait du bien quand ça s'arrête, même si c'est juste pour une petite pause naïve et romantique.
Ouf, on respire !!
Dans ses tribulations post-cannoises de rattrapage, Tonton Sylvain en était à son douzième rendez-vous chez son curé de paroisse pour en obtenir les dernières consolations au sortir d'une apnée allant de « Tony Manero » à « Ils mourront tous sauf moi ». Entre les deux, il est vrai qu'il avait profité d'une petite respiration, nauséabonde mais encore respirable, avec un « Elève libre » dont il n'avait encore parlé à personne. Mais, n'écoutant que sa témérité, et la force de l'habitude conduisant les chiens battus à malgré tout rechercher la compagnie de leur maître indigne juste pour lui donner une chance de se rattraper, le voilà parti à affronter une seconde fois la file d'attente de la Cinémathèque Française qui programmait une nouvelle reprise d'un sélectionné de la Semaine de la Critique 2008, « Les grandes personnes », d'Anne Novion. Son cœur ne cognait même plus tant il était au-delà de la certitude effondrée de devoir faire face à nouveau aux affres fétides du désespoir d'un réalisateur torturé.
Et là, divine surprise ! Une bouffée d'air, de calme, de gentillesse, dénuée de toute naïveté, … Le contraste avec les miasmes précédents était si violent qu'un soudain réflexe de doute, de vérification s'il ne s'était pas trompé de salle, se mit à tambouriner dans le fond de sa gorge dans les premières minutes de la projection. On ne sort pas impunément d'une ambiance de stress ; le corps lui-même exige son dû et ne laisse qu'avec inquiétude refluer son taux d'adrénaline. Mais c'était exact, nulle erreur de date ou de salle. Et le film se déroulait impassible et serein sous son regard étonné qu'on puisse encore tourner avec une telle simplicité.
L'histoire présentait les vacances d'Albert (Jean-Pierre Daroussin), bibliothécaire de profession, père divorcé en compagnie de sa fille Jeanne (Anaïs Demoustier), jeune adolescente, débarquant du ferry sur une île de Suède, pour prendre possession d'une maison de location pour une quinzaine qu'il envisageait de consacrer à la recherche du trésor perdu d'un viking historique. Déjà sur le bateau il tentait d'intéresser Jeanne à sa quête, dans l'attitude didactique et pontifiante d'un maître d'école passionné par son sujet et incapable d'imaginer qu'on puisse y rester fermé. En digne professeur Nimbus, sa naïve maladresse est encore patente à l'arrivée au quai où il tente de demander sa route dans un sabir de manuel Assimil, sans que les locaux, bonhommes, n'entendent rien à son idiome. Parvenus à la maison convoitée, ils s'étonnent de la trouver ouverte, comme pour les attendre, confiante dans le fait que seuls ses locataires légitimes y pénètreront.
Mais la surprise ne dure que quelques instants, jusqu'à ce que les occupants en titre de la maison sortent de leurs chambres : Anika (Lia Boysen), la propriétaire, et une amie française, Christine (Judith Henry), qu'elle héberge. Après quelques explications, Anika réalise qu'elle s'est trompée de semaine pour la location et n'attendait ses hôtes que pour la semaine suivante. On décide alors de laisser la maison telle que promise après une journée de cohabitation nécessaire aux deux femmes pour trouver un toit de rechange. La soirée n'est pas vraiment tendue, mais chacun s'observe et se jauge. Albert se lance même dans une démonstration du fonctionnement de son détecteur de métaux qui ne manque que de peu la perte d'une boucle d'oreille de Christine. Le lendemain, les deux femmes sont prêtes à lever le camp même sans avoir trouvé de solution d'hébergement, mais Albert et Anaïs finissent par leur proposer la cohabitation jusqu'à la fin de la location.
S'installe ainsi la scène d'une découverte progressive des uns et des autres. Anaïs expérimente apparemment un de ses premiers émois amoureux auprès des quelques jeunes du village. Albert apprend dans la douleur et la révolte épisodique à voir se séparer les intérêts de sa fille de ses siens propres, tournés vers un apprentissage tout intellectuel du monde qui se confronte à la simple réalité. Anika solde une ancienne passion dans une reprise de contact avec un amour non cicatrisé. Christine solde son histoire à elle par un mouvement inverse. Mais malgré le caractère très personnel de ces évolutions individuelles, chaque mouvement en est épaulé, consolé, contenu, par la présence des autres habitants de la maison.
Il y a dans ces images, dans cette histoire, un genre de douceur apaisante, comme un onguent permettant d'affronter toutes les épreuves sans les repousser, juste en y faisant face et en les digérant. Il se crée d'emblée une ambiance comme autrefois « Les dames de la côte » avaient su la délivrer aux amateurs de feuilletons télévisés. Tout est dans les tons pastel, les images, les paysages, les costumes, l'ensemble reflétant la tonalité pastel des sentiments et de leurs expressions.
Chacun semble passer d'une étape à l'autre de sa vie, franchir un seuil comme dans un voyage initiatique qui le fera devenir une « grande personne ». Chacun fait le deuil de quelque chose : de l'adolescence, de la dépendance de sa progéniture, d'un amour passé, d'un amour mal engagé. Chacun est engagé dans ce processus de deuil et le traverse avec l'aide, parfois volontaire et parfois non dite, de la douceur ambiante et du soutien des autres. Nul n'est retors ou emporté, chacun, bien qu'il soit pris dans son propre travail, conserve une bonté apte à adoucir les plaies des autres.
Si on avait oublié ce qu'un romantisme optimiste pouvait être, « Les grandes personnes » vient le rappeler dans un calme de lande suédoise sereine. De là à dire que l'histoire baigne dans la plus grande crédibilité, il y a un pas, un fossé, un gouffre.
Mais finalement qu'est-ce que cela peut faire ? Après le déluge de sinistrose du reste des films qu'il a fallu s'avaler, on était prêt à tout, prêt à accepter le moindre soupçon d'optimisme ou même simplement de calme ou d'ébauche de sérénité. Il y a peut-être là un effet de contraste, bien sûr. Mais putain, ça fait du bien quand ça s'arrête, même si c'est juste pour une petite pause naïve et romantique.
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