Hurricane sur le Caine
Une soirée Brian de Palma, ça ne se refuse pas. – Brian d’où ? Tu nous as déjà bassiné avec Brice de Nice, c’est pas pour nous balader aux Baléares maintenant ! – Mais non, De Palma, c’est son nom, ça n’a rien à voir. Enfin, vous allez voir … - Bon OK, raconte toujours, mais pas d’embrouille, hein !
En enfilade, trois films inégaux, mais quand même : Dressed to Kill (Pulsions, pour les molièrophones) (1980), Rising Cain (L’Esprit de Caïn, pour les anglophobes) (1992), et Mission to Mars (la VF a un titre en anglois !) (2000). Excusez du peu ! Enfin, je remets ça dans l’ordre chronologique, mais la soirée, c’était plutôt dans le désordre. D’abord Dressed to Kill.
Pour l’histoire, c’est finalement assez simple. Une femme (Angie Dickinson / Kate Miller) va voir son psy (Michael Caine / Doctor Robert Elliott) et en sortant va au musée où elle « perd » un gant. En sortant, elle est attirée dans un taxi par un inconnu qui lui montre son gant perdu par la portière. Elle monte à l’arrière avec l’inconnu qui lui fait sans un mot une fête charnelle torride sur la banquette pendant que le chauffeur les conduit au domicile de l’inconnu où elle se réveille quelques heures plus tard le corps manifestement rassasié. Elle se rhabille en silence, et réalise que sa culotte manque à l’appel, la faute à un oubli négligent à l’arrière du taxi. Attendrie par cette inattention qui en dit long sur la passion du moment, elle rédige un mot pour l’homme encore endormi le remerciant de ces heures passées. Chemin faisant elle découvre dans un tiroir un courrier l’informant qu’il est atteint d’une maladie vénérienne. Le charme tombe d’un coup. Elle remet ses bijoux précipitamment puis se hâte vers l’ascenceur dans lequel elle prend conscience qu’elle a oublié sa bague chez l’inconnu. Demi-tour pour un retour de récupération, mais lorsque la porte de la cabine s’ouvre à l’étage, une inconnue en imper et lunettes noires brandit un rasoir et la taillade sauvagement pendant que l’ascenceur reprend sa descente. La cabine est arrêtée en route par l’appel d’un couple dont l’homme détale à la vue du carnage alors que la femme (Nancy Allen / Liz Blake) ramasse le rasoir tombé au sol et entr’aperçoit l’inconnue avant que la porte ne se referme.
La suite est construite comme une enquête psychologico-policière. La femme avertit la police. Au commissariat, outre qu’elle se fait malmener par l’inspecteur chargé de l’enquête (Dennis Franz / Détective Marino), elle se lie avec le fils (Keith Gordon / Peter Miller) de la victime qui entreprend sa propre enquête pour retrouver le meurtrier de sa mère. Ensemble, ils vont finir par démasquer l’assassin tout en démontant les ressorts de sa personnalité et de ses mobiles. Il est alors question de fantasmes, de passages à l’acte, de dédoublement de personnalité et d’une vaste panoplie de ce que la psychiatrie peut offrir d’exotisme échevelé (« Dis, Tonton Sylvain, c’est quoi un exotisme échevelé ? » « Ben, comment dire ? C’est un peu comme une histoire qui te ferait dresser les cheveux sur la tête avant de te faire t’arracher ces mêmes cheveux pour y comprendre quelque chose »).
Aller plus loin dans la description de l’intrigue et du film relèverait non seulement d’un impardonnable blasphème, mais aussi et surtout de la gageure pure et simple tant chaque scène, chaque plan, sont bourrés jusqu’à la nausée de recoins, de codes et de références. Les scènes de douche d’introduction et de sortie du film font référence à la même scène dans le Psychose d’Hitchcock, idole du réalisateur, sans compter l’agression dans la cabine d’ascenceur qui en est une version sèche et délocalisée. Le tableau à peine entrevu devant lequel Kate patiente durant sa visite au musée préfigure, sans qu’on y prête attention à la première lecture, la suite de l’histoire. Le personnage de l’assassin apparaît à l’arrière-plan dans une scène de foule dans une des premières scènes du film, longtemps avant qu’il entre réellement en scène, ce qui n’est repérable que lorsqu’on voit le film pour la enième fois. La découverte de la maladie vénérienne du dragueur silencieux se fait à la lecture d’un papier dont la lecture par le spectateur qui ferait une image arrêtée apprend moults détails éclairant l’histoire mais dont nul ne fait mention tout au long du film. L’incohérence calculée d’un chauffeur de taxi qui promet à Liz de la rappeler lorsqu’elle quitte son véhicule en hâte alors qu’elle n’a justement à aucun moment confié son numéro de téléphone est glissé dans le feu d’une action qui la fait à peine remarquer ... Et on pourrait multiplier les exemples à l’infini. Il n’est que de suivre la richesse des échanges à propos de ce film sur Imdb.com pour réaliser à quel point chaque image est pleine d’interprétation, de souvenir, d’interrogation, de mystère.
Et tout cela sans parler du sujet lui-même de l’intrigue : le phénomène de double personnalité, préoccupation évidente du réalisateur qui se penchera à nouveau sur la question douze ans plus tard avec L’esprit de Caïn, et objet de tant de fictions états-uniennes. Que cette pathologie soit une réalité ou non importe d’ailleurs assez peu au réalisateur comme à ses collègues qui ont traité le même thème. Qu’elle ne soit diagnostiquée quasiment qu’en Amérique du nord ne semble poser question à aucun d’entre eux. Qu’elle trahisse davantage les recoins de la pensée états-unienne que des perversions pathologiques de l’âme humaine ne paraît pas susciter le moindre intérêt. Le sujet n’est pas questionnable sous un regard américain : il est, et ce sont ses mécanismes qui donnent lieu à réflexion. Ce n’est probablement que sous un regard européen que la question du sujet peut être abordée, ce qui en fait ne fait qu’ajouter une dimension supplémentaire au film même si cette dimension avait certainement échappé à son auteur.
A côté de ça, le jeu des acteurs est sans surprise. Michael Caine, en psy tourmenté pris dans un ouragan venu du tréfonds de l’âme humaine, reste dans une sobriété toute britannique. Angie Dickinson, outre qu’elle est par elle-même un écho de l’inspiration hitchcockienne de Brian de Palma, a une allure à tomber. Et sa vision sous la douche, même si les fantasmes de nombre d’adolescents se sont laissés bernés par l’invention du Body Double, demeure un moment de grâce difficile à décrire. Le reste du casting laisse le souvenir d’un instantané d’époque, tant au niveau du jeu que des costumes qu’aucune autre époque que la fin des années 70 n’a su vraiment produire. On aime ou on n’aime pas, c’est selon, mais pas de doute, on reconnaît. Que dire de plus ? Peut-être rien de plus après tout.
Et dire que la soirée ne fait que commencer ! Il reste deux films à voir. Et si chacun doit nous plonger dans les mêmes abîmes, on va pouvoir prendre en toute sécurité une série d’actions chez le fabriquant d’Efferalgan Vitamine C même malgré son déremboursement par la Sécu.
Une soirée Brian de Palma, ça ne se refuse pas. – Brian d’où ? Tu nous as déjà bassiné avec Brice de Nice, c’est pas pour nous balader aux Baléares maintenant ! – Mais non, De Palma, c’est son nom, ça n’a rien à voir. Enfin, vous allez voir … - Bon OK, raconte toujours, mais pas d’embrouille, hein !
En enfilade, trois films inégaux, mais quand même : Dressed to Kill (Pulsions, pour les molièrophones) (1980), Rising Cain (L’Esprit de Caïn, pour les anglophobes) (1992), et Mission to Mars (la VF a un titre en anglois !) (2000). Excusez du peu ! Enfin, je remets ça dans l’ordre chronologique, mais la soirée, c’était plutôt dans le désordre. D’abord Dressed to Kill.
Pour l’histoire, c’est finalement assez simple. Une femme (Angie Dickinson / Kate Miller) va voir son psy (Michael Caine / Doctor Robert Elliott) et en sortant va au musée où elle « perd » un gant. En sortant, elle est attirée dans un taxi par un inconnu qui lui montre son gant perdu par la portière. Elle monte à l’arrière avec l’inconnu qui lui fait sans un mot une fête charnelle torride sur la banquette pendant que le chauffeur les conduit au domicile de l’inconnu où elle se réveille quelques heures plus tard le corps manifestement rassasié. Elle se rhabille en silence, et réalise que sa culotte manque à l’appel, la faute à un oubli négligent à l’arrière du taxi. Attendrie par cette inattention qui en dit long sur la passion du moment, elle rédige un mot pour l’homme encore endormi le remerciant de ces heures passées. Chemin faisant elle découvre dans un tiroir un courrier l’informant qu’il est atteint d’une maladie vénérienne. Le charme tombe d’un coup. Elle remet ses bijoux précipitamment puis se hâte vers l’ascenceur dans lequel elle prend conscience qu’elle a oublié sa bague chez l’inconnu. Demi-tour pour un retour de récupération, mais lorsque la porte de la cabine s’ouvre à l’étage, une inconnue en imper et lunettes noires brandit un rasoir et la taillade sauvagement pendant que l’ascenceur reprend sa descente. La cabine est arrêtée en route par l’appel d’un couple dont l’homme détale à la vue du carnage alors que la femme (Nancy Allen / Liz Blake) ramasse le rasoir tombé au sol et entr’aperçoit l’inconnue avant que la porte ne se referme.
La suite est construite comme une enquête psychologico-policière. La femme avertit la police. Au commissariat, outre qu’elle se fait malmener par l’inspecteur chargé de l’enquête (Dennis Franz / Détective Marino), elle se lie avec le fils (Keith Gordon / Peter Miller) de la victime qui entreprend sa propre enquête pour retrouver le meurtrier de sa mère. Ensemble, ils vont finir par démasquer l’assassin tout en démontant les ressorts de sa personnalité et de ses mobiles. Il est alors question de fantasmes, de passages à l’acte, de dédoublement de personnalité et d’une vaste panoplie de ce que la psychiatrie peut offrir d’exotisme échevelé (« Dis, Tonton Sylvain, c’est quoi un exotisme échevelé ? » « Ben, comment dire ? C’est un peu comme une histoire qui te ferait dresser les cheveux sur la tête avant de te faire t’arracher ces mêmes cheveux pour y comprendre quelque chose »).
Aller plus loin dans la description de l’intrigue et du film relèverait non seulement d’un impardonnable blasphème, mais aussi et surtout de la gageure pure et simple tant chaque scène, chaque plan, sont bourrés jusqu’à la nausée de recoins, de codes et de références. Les scènes de douche d’introduction et de sortie du film font référence à la même scène dans le Psychose d’Hitchcock, idole du réalisateur, sans compter l’agression dans la cabine d’ascenceur qui en est une version sèche et délocalisée. Le tableau à peine entrevu devant lequel Kate patiente durant sa visite au musée préfigure, sans qu’on y prête attention à la première lecture, la suite de l’histoire. Le personnage de l’assassin apparaît à l’arrière-plan dans une scène de foule dans une des premières scènes du film, longtemps avant qu’il entre réellement en scène, ce qui n’est repérable que lorsqu’on voit le film pour la enième fois. La découverte de la maladie vénérienne du dragueur silencieux se fait à la lecture d’un papier dont la lecture par le spectateur qui ferait une image arrêtée apprend moults détails éclairant l’histoire mais dont nul ne fait mention tout au long du film. L’incohérence calculée d’un chauffeur de taxi qui promet à Liz de la rappeler lorsqu’elle quitte son véhicule en hâte alors qu’elle n’a justement à aucun moment confié son numéro de téléphone est glissé dans le feu d’une action qui la fait à peine remarquer ... Et on pourrait multiplier les exemples à l’infini. Il n’est que de suivre la richesse des échanges à propos de ce film sur Imdb.com pour réaliser à quel point chaque image est pleine d’interprétation, de souvenir, d’interrogation, de mystère.
Et tout cela sans parler du sujet lui-même de l’intrigue : le phénomène de double personnalité, préoccupation évidente du réalisateur qui se penchera à nouveau sur la question douze ans plus tard avec L’esprit de Caïn, et objet de tant de fictions états-uniennes. Que cette pathologie soit une réalité ou non importe d’ailleurs assez peu au réalisateur comme à ses collègues qui ont traité le même thème. Qu’elle ne soit diagnostiquée quasiment qu’en Amérique du nord ne semble poser question à aucun d’entre eux. Qu’elle trahisse davantage les recoins de la pensée états-unienne que des perversions pathologiques de l’âme humaine ne paraît pas susciter le moindre intérêt. Le sujet n’est pas questionnable sous un regard américain : il est, et ce sont ses mécanismes qui donnent lieu à réflexion. Ce n’est probablement que sous un regard européen que la question du sujet peut être abordée, ce qui en fait ne fait qu’ajouter une dimension supplémentaire au film même si cette dimension avait certainement échappé à son auteur.
A côté de ça, le jeu des acteurs est sans surprise. Michael Caine, en psy tourmenté pris dans un ouragan venu du tréfonds de l’âme humaine, reste dans une sobriété toute britannique. Angie Dickinson, outre qu’elle est par elle-même un écho de l’inspiration hitchcockienne de Brian de Palma, a une allure à tomber. Et sa vision sous la douche, même si les fantasmes de nombre d’adolescents se sont laissés bernés par l’invention du Body Double, demeure un moment de grâce difficile à décrire. Le reste du casting laisse le souvenir d’un instantané d’époque, tant au niveau du jeu que des costumes qu’aucune autre époque que la fin des années 70 n’a su vraiment produire. On aime ou on n’aime pas, c’est selon, mais pas de doute, on reconnaît. Que dire de plus ? Peut-être rien de plus après tout.
Et dire que la soirée ne fait que commencer ! Il reste deux films à voir. Et si chacun doit nous plonger dans les mêmes abîmes, on va pouvoir prendre en toute sécurité une série d’actions chez le fabriquant d’Efferalgan Vitamine C même malgré son déremboursement par la Sécu.
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