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22 septembre 2008

The pulse

Avec mon mobile, je m’éclate

Ils nous ont même convoqué Kurosawa en plein Deauville, au beau milieu du festival du film étasunien ! Fallait oser, non ?! Eh ben c’est fait. (Même si en fait c’est un homonyme de l’autre ... une bonne blague, ...) Et par un certain Jim Sonzero. Ce n’est pas que le travail de ce jeune homme m’évoque quelqu’antécédent que ce soit. C’est juste qu’il est des situations dont on devrait se méfier. Freud nous a appris à nous demander, devant une maladie, ce que “le mal a dit”. Aussi, devant le résultat du labeur de Sonzero, ... Qui osera formuler la question qui tue ?

De fait, après une longue journée à attendre une projection autant tardive que nocturne, fallait-il réellement insister pour goûter cette bluette ? Jugez-en, mes Seigneurs.

Une bande d’étudiants en psy(chologie) se retrouve embringuée dans une histoire de suicides en série qui déciment la fac, puis les environs. C’est d’abord Josh (Jonathan Tucker), le petit copain de la belle Mattie (Kristen Bell) - sa copine Izzy (Christina Millian) n’est pas mal non plus à vrai dire -, qui ouvre le bal. Un à un, toute la bande y passe, sauf Mattie qui semble vaguement immunisée avec l’aide de Dexter (Ian Somerhalder), un Zorro de fortune, zonard bricoleur de son état, qui a racheté le PC de Josh après son trépas et qui se retrouve avec une bécane bidouillée inutilisable mais bien intrigante, visiblement vérolée jusqu’à la moelle. On finit par piger que le problème tient dans une infestation du réseau internet, et du réseau télécom en général, par des fantômes affamés autant que repoussants. S’en suit une course contre la montre et contre l’invasion barbare, cours dans laquelle la petite équipe ne trouve son salut que dans la fuite, ou presque ... Le tableau est complété par le Dr Waterson (Ron Rifkin), le prof de psycho qui psychologise mais ne veut rien entendre du fait qu’il y a peut-être quand même des raisons de s’inquiéter. Et par la rencontre avec le pochtron de service (Brad Dourif) qui annonce l’apocalypse mais que personne ne veut écouter.

Tout ça se trame dans une ambiance de film d’horreur, du genre qui fait peur. Et il faut dire que le paquet est mis pour remplir le contrat. Le paquet, comme dans la notice technique du petit “Comment qu’on fait peur en dix leçons”. D’abord il faut un changement de plan brutal sur un visage qui grimace. Et puis aussi que ça fasse suite à quelques secondes d’une situation inattendue que le gentil de la scène ne comprend pas et qu’il va regarder de plus près (dans le genre : une chaussette est rejetée par la porte entrouverte de la machine à laver ; et si que j’allais jeter un oeil dedans ?). Et puis que les images s’accompagnent d’un bruit à volume croissant jusqu’à un arrêt brutal du son au moment du changement de plan brutal. Et puis que le tout baigne dans une lumière délavée et grisâtre, à la limite du vert olive, juste pour le fun. Et puis qu’il y ait des bâtiments déserts avec quelques murmures derrière des portes. J’ai oublié quelque chose ? Ah oui, quelques cris hystériques de temps en temps, ça fait toujours bien. Et puis j’allais oublier les images floutées du truc qu’on sent que c’est là mais qu’on sait pas ce que c’est mais qu’on se dit que ça doit pas être très sympa .... Bon, là ça fait huit leçons, pas dix, je sais. Mais je vais quand même pas dévoiler gratis tous les trucs. Faut bien que le bouquin se vende, non ? Allez, juste parce que je suis bon prince, je vous mets en bonus un générique à la Matrix, celui avec les lettres qui défilent sur un écran d’ordinateur filmé en macro. C’est suffisamment techno pour donner une inquiétante impression de déshumanisation. C’est pas dans les dix leçons, mais ça fait du bien où ça passe : juste un petit coup au démarrage, pour donner le ton d’entrée. Mais c’est quand même suffisamment dérivé à partir du modèle « Matrixiel » pour qu’on puisse admettre l’inspiration plutôt que la copie.

“Bon, c’est vrai, mais là, tu vois, c’est la loi du genre. C’est juste pour cataloguer le film dans un style donné. Un peu comme si Sonzero avait voulu faire un western, il aurait mis des chevaux et des colts à la ceinture des personnages. Et puis y’aurait eu une musique vaguement country. Enfin, une série de codes obligés, quoi. C’est juste de l’emballage. Ce qui compte, ce n’est pas le papier autour, c’est le cadeau dedans.”

Ah bon. Eh ben soit. Alors c’est quoi le cadeau ? C’est quoi le message édifiant ? Méfiez vous du téléphone ! Vous croyez simplement remplir ses tuyaux d’un contenu que vous maîtrisez. Erreur grave ! C’est lui qui vous pompe jusqu’à l’os, et même bien au-delà. C’est lui qui vous aspire, non pas comme une fourmi qui trait un mielleux puceron, mais comme la limace géante de Starship Troopers qui aspire le cerveau de ses victimes et n’en laisse qu’une coquille vide. Mais la limace géante n’était qu’un doux marivaudage. Ici, la carcasse restante se délite à la fin du processus en une envolée de poussière particulaire. Quelqu’un d’autre que moi a vu la publicité pour Bouygues Télécom où l’heureux utilisateur du forfait se morcelle en une myriade de petits cubes qui s’envolent vers la liberté de la communication absolue ? Y’aurait pas comme une parenté dans l’allégorie ? Allez savoir ... Si d’ici quelque temps Bouygues ou son agence de pub gagne un procès pour plagiat, vous ne direz pas que je ne vous avais rien dit.

Vaste programme et métaphysique stratosphérique ...

Au sortir de la projection, d’ailleurs progressivement désertée par un flot continu de festivaliers probablement gagnés par un sommeil perturbateur, quelques questions me taraudent néanmoins le neurone. Que diable Ron Rifkin et Brad Dourif sont-il allés faire dans cette galère ? Et plus encore, quelle mouche a bien pu piquer le sélectionneur du festival pour lui faire retenir la présentation de cet étrange objet ? Mystère. Sans doute un coup du fantôme dans le tuyau ... Je ne vois que ça.
(Egalement publié sur Cinemaniac.fr)

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