Dans la tête des filles
- Dis, mon Tonton, j’y comprends rien les filles. Elles ont quoi dans la tête ?
- Ben tu commences tôt, dis donc ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu t’es disputé à l’école ?
- Non, c’est pas ça … Mais Lola, elle rigolait avec ses copines et elle m’a pas regardé quand j’ai dit bonjour. Et puis même qu’elle a tourné le dos. Et puis quand je jouais au foot avec Mathieu, elle a pris le ballon et elle l’a lancé par-dessus le mur, et puis elle a pleuré. Et puis quand …
- Eh ben, il s’en passe des trucs à l’école ! On dirait que c’est pas la première fois, non ?
- Ben y’a aussi Amandine qui voulait pas me prêter son crayon vert. J’en n’ai pas de crayon vert, moi. Alors elle a crié et la maîtresse est venue et …
- Et tu t’es retrouvé au coin ?
- Mouais, et puis Claudia elle avait …
- Ca va, ça va … J’ai compris. Et avec Mathieu, c’est jamais arrivé, des trucs comme ça ?
- Ben, bien sûr que non. C’est un garçon, Mathieu, c’est pas une fille !
- Oh, évidemment … Excuse moi, mon gars. C’est que je me fais vieux, tu vois, je pige moins vite que toi et des fois je pose des questions bêtes. Donc je vois que tu as déjà remarqué un truc essentiel : les filles, c’est pas pareil que les garçons.
- Ca, c’est rien de le dire, mon Tonton ! Ca, j’ai compris que c’est pas pareil. Mais ce que j’ai pas compris, c’est comment c’est pas pareil.
- Alors là, mon gars, crois moi, si tu commences avec des questions comme celle-là, t’as pas fini de te demander. Y’en a qui bossent le sujet depuis des siècles et qui n’en savent toujours pas plus. Mais peut-être que le plus simple, c’est que je te raconte une histoire, l’histoire d’un film que je viens de voir. Tu veux ?
- Encore un de tes trucs en Avant-Première ?
- Un peu, mais pas tout à fait. Juste avant l’Avant-Première, en fait.
- Mais dis Tonton, y’a quoi avant l’Avant-Première ?
- Ca, gamin, c’est une bonne question. Avant l’Avant-Première, y’a un truc qu’on appelle la Projection Test. C’est comme l’Avant-Première, mais avec une interro à la fin. En fait, pas vraiment une interro, mais plutôt un questionnaire pour te demander ton avis sur le film. Y’a quelques spectateurs pour faire le test et dire si le film est génial ou si c’est un navet.
- Et si c’est que c’est un navet, y se passe quoi, Tonton ?
- Ca dépend, je crois. Des fois, ils décalent juste la sortie du film pour qu’elle tombe dans une semaine creuse sans trop de concurrence. Des fois, ils retournent des passages pour corriger le tir. Peut-être que des fois ils font encore d’autres choses, mais ça, en vrai, j’en sais rien.
- Et toi, t’en as déjà passé des interro, Tonton ?
- Ben mon gars, tu crois pas si bien dire. Figures toi que tel que tu me vois j’ai été invité pour une Projection Test pour un truc qui s’appellera « La tête de Maman ». Balaise, non ?
- Oh mon Tonton, qu’est-ce que t’es fort ! Et t’as été reçu à l’interro ?
- Tu sais, c’est pas vraiment le genre d’interro où on est reçu.
- Ben ça sert à rien, alors !?
- Bien sûr que si. Mais c’est plutôt le film qui peut être reçu ou pas. Alors, tu veux que je te le raconte, ce film, ou quoi ?
- Oh oui, mon Tonton !!! C’était comment, dis, dis, … ?
- C’est l’histoire de Lucile (Chloé Coulloud), qui n’aime pas son prénom et qui préfère qu’on l’appelle Lulu, comme si c’était un garçon. D’ailleurs ça commence par une bagarre avec un garçon de sa classe qui s’obstine à l’appeler Lucile. Pour lui, c’est plutôt gentil, parce qu’il la voit comme une fille qu’il aime bien, mais elle, elle s’en fout. Ca la fout en boule et elle lui rentre dedans. Elle a une seule copine, qui essaie de lui faire partager son goût pour les garçons, mais Lulu préfère rester seule. Sa seule autre amie est dans sa tête. C’est Jane Birkin (dans son propre rôle) dont elle écoute les chansons en boucle en se reconnaissant dans les mots de la chanteuse. A la maison, son père, Antoine (Pascal Elbé), est ingénieur et voyage beaucoup, et sa mère, Juliette (Karin Viard), est tout le temps malade, avec des maux de ventre dont elle s’occupe à temps quasi complet. Quasi, parce qu’en fait, elle passe chaque jour une bonne heure sur un banc du jardin, à fixer un mur blanc comme si c’était un écran de cinéma. Ca fait des années qu’elle est comme ça, plaintive et irritable, sans jamais sourire, à à peine faire semblant de s’intéresser à la conversation de son mari qui fait ce qu’il peut pour la dérider mais sans succès. Lulu est tellement intriguée qu’elle tente d’imaginer ce que sa mère voit sur le mur-écran du fond du jardin, qu’elle fouille les vieilleries du grenier à la recherche d’un indice sur la cause du mal de sa mère. Jusqu’au jour où elle découvre un vieux film et une vieille photo montrant sa mère jeune, heureuse, souriante, visiblement sous le charme d’un garçon de son âge. Commence alors un genre de pèlerinage à la recherche de Jacques (Kad Merad), ce prince charmant d’autrefois, et peut-être de la possibilité de le ramener pour rendre le sourire à sa mère.
- Ben dis donc, quelle histoire !
- Non, attends. C’est que le début. En fait, l’histoire est construite en trois parties bien distinctes : la présentation des personnages, la recherche de Jacques, les retrouvailles … Mais c’est peut-être mieux si je ne te raconte pas vraiment tout, non ?
- Oh, mon Tonton à moi ! Pourquoi que tu me dirais pas la suite ?
- Parce que c’est mieux de jamais raconter une histoire jusqu’au bout. Il faut laisser imaginer la fin, tu vois. C’est comme qui dirait la vitrine de la pâtisserie. Si tu pouvais manger n’importe quel gâteau quand ça te chante, t’apprécierais pas autant le moment où tu en prends un réellement. Tu comprends ?
- Rien du tout !
- Te casses pas, c’est un truc de grands.
- Mais alors, pourquoi que tu me la racontes, cette histoire ?
- Pour te faire penser, gamin. Parce que tu vois, cette histoire, elle raconte autre chose que ce qu’elle semble dire. Tu croirais que c’est un film sur les difficultés des ados quand un parent est malade. Tu croirais que c’est un film sur le renversement de situation quand un enfant prend sa mère en charge. Tu croirais que c’est un film sur la dépression. Tu croirais que c’est un film sur l’accompagnement du mourant. Tu croirais que c’est un film sur comment qu’on décide un jour qu’on s’autorise à aimer.
- Ben j’sais pas ce que j’croirais, j’l’ai pas vu !
- Evidemment, ragoût d’andouille. C’est une façon de parler. Ecoute un peu au lieu de dire des âneries ! Tout ça c’est vrai, mais c’est pas que ça. En fait, c’est un film sur la SPA.
- Sur la essepéa ? C’est quoi, ça, la essepéa ?
- C’est la Société Protectrice des Animaux. La SPA. Jacques, l’amour de jeunesse de Juliette, est soigneur dans un zoo. Alors il se ballade toujours avec des idées de bestioles dans la tête. Il promène un kangourou en laisse, il donne des cours sur la reconnaissance des cacas d’animaux, il expertise les crottes de zèbre pour savoir si la bête est en forme, … Et Juliette fond comme la banquise au soleil quand il lui raconte tout ça. Top, non ?
- Mouais, t’es sûr que c’est ça, le sujet du film ?
- Ben oui, quoi … enfin presque. Et puis quand même, si on aime les bêtes, on peut se contenter de ça même si le reste t’intéresse pas. C’est déjà pas mal, non ?
- Mouais. Mais si le reste ça t’intéresse aussi ?
- Alors … alors on profite. De Karin Viard qui fait très bien les quadra déboussolée. De Kad Merad, tu sais, celui de Kad et Olivier, qui finalement n’est pas si mal quand il ne fait pas le guignol. De Pascal Elbé en mari trompé compréhensif. Avec un peu de bonne volonté, on peut aussi profiter de Chloé Coulloud, costaud comme Lulu (quand t’auras lu Gotlieb, tu comprendras !) mais ça tombe bien parce que c’est justement elle, Lulu … Et puis si t’avais quelques années de plus, t’en profiterais aussi pour comprendre ce que c’est qu’un accompagnement de quelqu’un qui va mourir, ce que c’est qu’un projet physique, psychologique, social, et spirituel. Ce que c’est que ce truc que les soins palliatifs racontent depuis des années. Ce que c’est que de redonner du sens à un temps qui n’en a plus, de remplir de vie un temps qui sans cela n’aurait été qu’un temps vide dans l’attente d’une mort annoncée … Mais ça, c’est pour quand tu seras grand, et c’est peut-être pas la peine de trop y penser pour le moment. Si Carine Tardieu s’est donné tellement de mal à faire une comédie crédible à partir d’une douleur si profonde, est-ce qu’il faut réellement tout de suite démasquer son boulot ?
- J’sais pas, mon Tonton … J’comprends pas tout quand tu causes comme ça. Ca veux dire que c’est bien ?
- Quelque chose comme ça. En tout cas ça veut dire que c’est un beau sujet. Et en plus, c’est pas mal filmé du tout. Bien sûr, on n’échappe pas à quelques scènes en super 8 de quand tout le monde était jeune, aux couleurs surexposées et aux images floues pour suggérer les films d’amateur, à quelques scènes avec des animaux pour faire attendrissant, à quelques scènes de corps à corps adolescents histoire de dire … Mais ça reste sobre malgré tout. On a droit en plus à quelques gros plans, en particulier sur ce brave Kad dégarni à souhaits, qui respirent la tendresse et la gentillesse (mais où va-t-il chercher un regard d’une telle douceur ?), et à quelques scènes d’imaginaire de Lucile comme je n’en avais pas vu depuis un moment.
- Dis, mon Tonton, c’est normal que je sois largué quand tu causes ?
- Excuses moi, mon gars. C’est juste que des fois, je pars et je me raconte un peu les trucs à moi-même. Tu veux que je te redise ?
- Non, tant pis. Si tu dis que c’est bien, c’est que c’est bien.
- Mais non … Mais t’es gentil quand même. Et puis y’a encore un truc que je me rappelle, mais je sais pas si tu vas savoir de quoi je cause encore. Une référence grosse comme un câble d’abordage. Lucile qui regarde le ciel plein d’étoiles, et ça se met à scintiller comme des diamants. Les Beatles avaient écrit une chanson qui s’appelait « Lucy in the sky with diamonds » (en anglais, ça veut dire pareil). C’était y’a une paye. Et puis ils avaient fait beaucoup de trucs encore mieux. Va savoir pourquoi, mais ça a l’air d’être à la mode d’évoquer cette chanson dans les films en ce moment. C’est le troisième que je vois comme ça en quelques mois. Bizarre, non ?
- J’sais pas. Maman dit que la mode c’est quand tout le monde fait pareil en même temps. Alors si c’est la mode, ça doit être pour ça. Tu crois que j’ai bon ?
- Sûrement, gamin, sûrement. Surtout si c’est l’avis de Maman. Sinon, dis voir, c’est à quelle heure que t’as piscine ? C’est que j’veux pas me faire disputer par ta mère, moi …
- Dis, mon Tonton, j’y comprends rien les filles. Elles ont quoi dans la tête ?
- Ben tu commences tôt, dis donc ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu t’es disputé à l’école ?
- Non, c’est pas ça … Mais Lola, elle rigolait avec ses copines et elle m’a pas regardé quand j’ai dit bonjour. Et puis même qu’elle a tourné le dos. Et puis quand je jouais au foot avec Mathieu, elle a pris le ballon et elle l’a lancé par-dessus le mur, et puis elle a pleuré. Et puis quand …
- Eh ben, il s’en passe des trucs à l’école ! On dirait que c’est pas la première fois, non ?
- Ben y’a aussi Amandine qui voulait pas me prêter son crayon vert. J’en n’ai pas de crayon vert, moi. Alors elle a crié et la maîtresse est venue et …
- Et tu t’es retrouvé au coin ?
- Mouais, et puis Claudia elle avait …
- Ca va, ça va … J’ai compris. Et avec Mathieu, c’est jamais arrivé, des trucs comme ça ?
- Ben, bien sûr que non. C’est un garçon, Mathieu, c’est pas une fille !
- Oh, évidemment … Excuse moi, mon gars. C’est que je me fais vieux, tu vois, je pige moins vite que toi et des fois je pose des questions bêtes. Donc je vois que tu as déjà remarqué un truc essentiel : les filles, c’est pas pareil que les garçons.
- Ca, c’est rien de le dire, mon Tonton ! Ca, j’ai compris que c’est pas pareil. Mais ce que j’ai pas compris, c’est comment c’est pas pareil.
- Alors là, mon gars, crois moi, si tu commences avec des questions comme celle-là, t’as pas fini de te demander. Y’en a qui bossent le sujet depuis des siècles et qui n’en savent toujours pas plus. Mais peut-être que le plus simple, c’est que je te raconte une histoire, l’histoire d’un film que je viens de voir. Tu veux ?
- Encore un de tes trucs en Avant-Première ?
- Un peu, mais pas tout à fait. Juste avant l’Avant-Première, en fait.
- Mais dis Tonton, y’a quoi avant l’Avant-Première ?
- Ca, gamin, c’est une bonne question. Avant l’Avant-Première, y’a un truc qu’on appelle la Projection Test. C’est comme l’Avant-Première, mais avec une interro à la fin. En fait, pas vraiment une interro, mais plutôt un questionnaire pour te demander ton avis sur le film. Y’a quelques spectateurs pour faire le test et dire si le film est génial ou si c’est un navet.
- Et si c’est que c’est un navet, y se passe quoi, Tonton ?
- Ca dépend, je crois. Des fois, ils décalent juste la sortie du film pour qu’elle tombe dans une semaine creuse sans trop de concurrence. Des fois, ils retournent des passages pour corriger le tir. Peut-être que des fois ils font encore d’autres choses, mais ça, en vrai, j’en sais rien.
- Et toi, t’en as déjà passé des interro, Tonton ?
- Ben mon gars, tu crois pas si bien dire. Figures toi que tel que tu me vois j’ai été invité pour une Projection Test pour un truc qui s’appellera « La tête de Maman ». Balaise, non ?
- Oh mon Tonton, qu’est-ce que t’es fort ! Et t’as été reçu à l’interro ?
- Tu sais, c’est pas vraiment le genre d’interro où on est reçu.
- Ben ça sert à rien, alors !?
- Bien sûr que si. Mais c’est plutôt le film qui peut être reçu ou pas. Alors, tu veux que je te le raconte, ce film, ou quoi ?
- Oh oui, mon Tonton !!! C’était comment, dis, dis, … ?
- C’est l’histoire de Lucile (Chloé Coulloud), qui n’aime pas son prénom et qui préfère qu’on l’appelle Lulu, comme si c’était un garçon. D’ailleurs ça commence par une bagarre avec un garçon de sa classe qui s’obstine à l’appeler Lucile. Pour lui, c’est plutôt gentil, parce qu’il la voit comme une fille qu’il aime bien, mais elle, elle s’en fout. Ca la fout en boule et elle lui rentre dedans. Elle a une seule copine, qui essaie de lui faire partager son goût pour les garçons, mais Lulu préfère rester seule. Sa seule autre amie est dans sa tête. C’est Jane Birkin (dans son propre rôle) dont elle écoute les chansons en boucle en se reconnaissant dans les mots de la chanteuse. A la maison, son père, Antoine (Pascal Elbé), est ingénieur et voyage beaucoup, et sa mère, Juliette (Karin Viard), est tout le temps malade, avec des maux de ventre dont elle s’occupe à temps quasi complet. Quasi, parce qu’en fait, elle passe chaque jour une bonne heure sur un banc du jardin, à fixer un mur blanc comme si c’était un écran de cinéma. Ca fait des années qu’elle est comme ça, plaintive et irritable, sans jamais sourire, à à peine faire semblant de s’intéresser à la conversation de son mari qui fait ce qu’il peut pour la dérider mais sans succès. Lulu est tellement intriguée qu’elle tente d’imaginer ce que sa mère voit sur le mur-écran du fond du jardin, qu’elle fouille les vieilleries du grenier à la recherche d’un indice sur la cause du mal de sa mère. Jusqu’au jour où elle découvre un vieux film et une vieille photo montrant sa mère jeune, heureuse, souriante, visiblement sous le charme d’un garçon de son âge. Commence alors un genre de pèlerinage à la recherche de Jacques (Kad Merad), ce prince charmant d’autrefois, et peut-être de la possibilité de le ramener pour rendre le sourire à sa mère.
- Ben dis donc, quelle histoire !
- Non, attends. C’est que le début. En fait, l’histoire est construite en trois parties bien distinctes : la présentation des personnages, la recherche de Jacques, les retrouvailles … Mais c’est peut-être mieux si je ne te raconte pas vraiment tout, non ?
- Oh, mon Tonton à moi ! Pourquoi que tu me dirais pas la suite ?
- Parce que c’est mieux de jamais raconter une histoire jusqu’au bout. Il faut laisser imaginer la fin, tu vois. C’est comme qui dirait la vitrine de la pâtisserie. Si tu pouvais manger n’importe quel gâteau quand ça te chante, t’apprécierais pas autant le moment où tu en prends un réellement. Tu comprends ?
- Rien du tout !
- Te casses pas, c’est un truc de grands.
- Mais alors, pourquoi que tu me la racontes, cette histoire ?
- Pour te faire penser, gamin. Parce que tu vois, cette histoire, elle raconte autre chose que ce qu’elle semble dire. Tu croirais que c’est un film sur les difficultés des ados quand un parent est malade. Tu croirais que c’est un film sur le renversement de situation quand un enfant prend sa mère en charge. Tu croirais que c’est un film sur la dépression. Tu croirais que c’est un film sur l’accompagnement du mourant. Tu croirais que c’est un film sur comment qu’on décide un jour qu’on s’autorise à aimer.
- Ben j’sais pas ce que j’croirais, j’l’ai pas vu !
- Evidemment, ragoût d’andouille. C’est une façon de parler. Ecoute un peu au lieu de dire des âneries ! Tout ça c’est vrai, mais c’est pas que ça. En fait, c’est un film sur la SPA.
- Sur la essepéa ? C’est quoi, ça, la essepéa ?
- C’est la Société Protectrice des Animaux. La SPA. Jacques, l’amour de jeunesse de Juliette, est soigneur dans un zoo. Alors il se ballade toujours avec des idées de bestioles dans la tête. Il promène un kangourou en laisse, il donne des cours sur la reconnaissance des cacas d’animaux, il expertise les crottes de zèbre pour savoir si la bête est en forme, … Et Juliette fond comme la banquise au soleil quand il lui raconte tout ça. Top, non ?
- Mouais, t’es sûr que c’est ça, le sujet du film ?
- Ben oui, quoi … enfin presque. Et puis quand même, si on aime les bêtes, on peut se contenter de ça même si le reste t’intéresse pas. C’est déjà pas mal, non ?
- Mouais. Mais si le reste ça t’intéresse aussi ?
- Alors … alors on profite. De Karin Viard qui fait très bien les quadra déboussolée. De Kad Merad, tu sais, celui de Kad et Olivier, qui finalement n’est pas si mal quand il ne fait pas le guignol. De Pascal Elbé en mari trompé compréhensif. Avec un peu de bonne volonté, on peut aussi profiter de Chloé Coulloud, costaud comme Lulu (quand t’auras lu Gotlieb, tu comprendras !) mais ça tombe bien parce que c’est justement elle, Lulu … Et puis si t’avais quelques années de plus, t’en profiterais aussi pour comprendre ce que c’est qu’un accompagnement de quelqu’un qui va mourir, ce que c’est qu’un projet physique, psychologique, social, et spirituel. Ce que c’est que ce truc que les soins palliatifs racontent depuis des années. Ce que c’est que de redonner du sens à un temps qui n’en a plus, de remplir de vie un temps qui sans cela n’aurait été qu’un temps vide dans l’attente d’une mort annoncée … Mais ça, c’est pour quand tu seras grand, et c’est peut-être pas la peine de trop y penser pour le moment. Si Carine Tardieu s’est donné tellement de mal à faire une comédie crédible à partir d’une douleur si profonde, est-ce qu’il faut réellement tout de suite démasquer son boulot ?
- J’sais pas, mon Tonton … J’comprends pas tout quand tu causes comme ça. Ca veux dire que c’est bien ?
- Quelque chose comme ça. En tout cas ça veut dire que c’est un beau sujet. Et en plus, c’est pas mal filmé du tout. Bien sûr, on n’échappe pas à quelques scènes en super 8 de quand tout le monde était jeune, aux couleurs surexposées et aux images floues pour suggérer les films d’amateur, à quelques scènes avec des animaux pour faire attendrissant, à quelques scènes de corps à corps adolescents histoire de dire … Mais ça reste sobre malgré tout. On a droit en plus à quelques gros plans, en particulier sur ce brave Kad dégarni à souhaits, qui respirent la tendresse et la gentillesse (mais où va-t-il chercher un regard d’une telle douceur ?), et à quelques scènes d’imaginaire de Lucile comme je n’en avais pas vu depuis un moment.
- Dis, mon Tonton, c’est normal que je sois largué quand tu causes ?
- Excuses moi, mon gars. C’est juste que des fois, je pars et je me raconte un peu les trucs à moi-même. Tu veux que je te redise ?
- Non, tant pis. Si tu dis que c’est bien, c’est que c’est bien.
- Mais non … Mais t’es gentil quand même. Et puis y’a encore un truc que je me rappelle, mais je sais pas si tu vas savoir de quoi je cause encore. Une référence grosse comme un câble d’abordage. Lucile qui regarde le ciel plein d’étoiles, et ça se met à scintiller comme des diamants. Les Beatles avaient écrit une chanson qui s’appelait « Lucy in the sky with diamonds » (en anglais, ça veut dire pareil). C’était y’a une paye. Et puis ils avaient fait beaucoup de trucs encore mieux. Va savoir pourquoi, mais ça a l’air d’être à la mode d’évoquer cette chanson dans les films en ce moment. C’est le troisième que je vois comme ça en quelques mois. Bizarre, non ?
- J’sais pas. Maman dit que la mode c’est quand tout le monde fait pareil en même temps. Alors si c’est la mode, ça doit être pour ça. Tu crois que j’ai bon ?
- Sûrement, gamin, sûrement. Surtout si c’est l’avis de Maman. Sinon, dis voir, c’est à quelle heure que t’as piscine ? C’est que j’veux pas me faire disputer par ta mère, moi …
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