La liberté à travers les âges
Le festival Cinessonne est une mine. En clôture du 8ème Festival du film européen, le cinéma François Truffaut de Chilly-Mazarin présentait « Libéro » (Anche libero va bene - titre italien - / Along the ridge - titre anglais international -), de Kim Rossi Stuart, qui avait été projeté à Cannes cette année pour la Quinzaine des réalisateurs, et prévu pour une sortie en salles le 08 Novembre 2006 … Ca ne fait pas journal local de commencer comme ça ? On se croirait dans Corse Matin, non ? (Là, je sens que je vais me faire engueuler … disons Ouest France, alors.) On aurait ensuite un truc du genre :
« La projection a été suivie de la remise des prix du festival décernés par les différents jurys : jury des collégiens, jury des lycéens, jury des étudiants, et jury des professionnels présidé par Brigitte Rouan, en présence du Maire de Chilly-Mazarin et du Président du Conseil Général de l’Essonne qui ont fait chacun une allocution préliminaire très applaudie devant un public nombreux et attentif. La soirée s’est sympathiquement terminée autour d’un buffet convivial offert par le comité d’organisation. »
Bon, soit. Mais le film alors ? Voilà, voilà, ça vient …
Un père, Renato Benetti (Kim Rossi Stuart), élève seul ses deux enfants, Tommi (Alessandro Morace), 11 ans, et sa sœur aînée, Viola (Marta Nobili). Seul ? Pas tout à fait. On apprend rapidement que la mère, Stefania (Barbora Bobulova), les a en fait plantés là lorsqu’elle tente un retour piteux sous l’engueulade copieuse de Renato et l’accueil des enfants, enthousiaste pour Viola et sceptique pour Tommi. La famille tente une période de réintégration avant que Stefania, visiblement mal en point, renoue avec son passé de départs à répétition.
Voilà pour la trame générale, qui naturellement s’agrémente de diverses annexes donnant un peu de corps à l’histoire.
Renato, cameraman free lance, se débat non seulement dans son rôle de papa attentionné aux prises avec deux moussaillons pas méchants mais prêts aux bêtises de leur âge, mais également avec le manque de travail et de ressources suivies. Pas de quoi crier misère, juste faire attention aux dépenses, au montant de l’argent de poche des enfants, au menu du dîner, … à toutes ces petites choses du quotidien qui font qu’on ne se sent pas au large et qu’on sent la différence de classe avec ces nouveaux voisins qui viennent d’emménager. Tout ça n’est pas aidé par un caractère entier qui n’hésite pas à la colère pour se faire respecter, parfois utilement et parfois sans plus d’effet.
Tommi, lui, navigue entre plusieurs mondes. Celui de l’école où il n’a pas vraiment de copain, si ce n’est ce nouveau, Claudio, arrivé en cours d’année, qui, bien que du même âge que les autres élèves de la classe, mesure une bonne tête de plus, et qui reste muet depuis que son père est mort sous ses yeux. Il tente bien de se faire une petite copine, mais si maladroitement qu’il est vite remis à sa place et bat en retraite piteusement. Le monde du sport où il brille en natation, poussé par son père, mais sans passion et avec le désir avoué de troquer la piscine par le terrain de football. Le monde de l’immeuble où il fait la connaissance des voisins riches et de leur fils au point de se voir offrir un séjour aux sports d’hiver. Le monde du toit, son petit coin à lui où il peut se retirer et faire les bêtises qu’il veut au bord du précipice, où il tente bien d’inviter le fils du voisin mais sans réussir à le faire entrer dans un plaisir égal au sien. Enfin le monde du foyer où il subit les niches de sa sœur et la tutelle paternelle.
Viola, de son côté, ne fait que quelques apparitions. Bien sûr, elle vit sous le même toit et affronte de la même façon que son frère les tentatives éducatives de Renato. Elle prend bien le parti de sa mère lors de son retour au bercail, mais sans insister, comme en passant. Sa plus forte présence semble être dans le titillement quasi permanent dont elle gratifie son frère, jusqu’à en obtenir l’insulte suprême « Sale pute » qui déclenche les foudres paternelles.
Stefania, quant à elle, est une espèce de comète qui traverse l’histoire sans vraiment s’y arrêter, d’abord absente, puis présente, puis à nouveau absente, sans autre explication qu’une nymphomanie compulsive, irrépressible, et pour tout dire pathologique, malgré toutes ses promesses de vie familiale et rangée.
C’est que le personnage central est en fait allégorique, constitué du duo père - fils, comme exemplaire de la masculinité à travers le temps, celui de l’enfance et celui de l’âge adulte, aux prises avec le mystère féminin du duo mère - fille quel que soit l’âge auquel on l’observe. Les mêmes passions, les mêmes incompréhensions, se dressent devant Renato comme devant Tommi. « Sale pute ! », mais sans pouvoir s’empêcher de tout en accepter sous la sidération de l’affrontement inégal. Comment espérer d’ailleurs une quelconque égalité devant un adversaire aussi étranger, comme venu d’une autre planète où les codes et les références sont aussi opaques. Pourquoi elles viennent ? Pourquoi elles partent ? Pourquoi maintenant ? Elles, magnanimes, peuvent bien faire l’aumône d’une explication, tout au plus un petit mot griffonné, mais les comprend-on davantage pour autant ?
Et au pied du mur de cette incompréhension, l’homme a-t-il d’autres choix que de tenter de le gravir tout en sachant qu’il n’en achèvera jamais l’ascension ? Bien sûr, il peut tenter bien des manœuvres, se réfugier dans une solidarité vaine de mâles hébétés, user de sa force physique ou abuser de la puissance de son cri, feindre l’indifférence, jouer de l’autorité abusive sur plus faible que lui, sortir du jeu et se réfugier sur le toit du monde à regarder les fourmis en bas se débattre sans fin, voire les taquiner en leur lançant des pièces à l’abri des regards, ou renoncer au jeu comme on pose les armes en pleine bataille, comme Tommi s’arrête à quelques mètres de la ligne d’arrivée et regarde passer ses poursuivants, comme Claudio cesse de parler pour se protéger du réel trop douloureux auquel les mots le rattachent encore … ce n’est pas l’imagination qui lui manque pour multiplier les stratégies.
Mais si tout cela avait la moindre chance de le sauver, ça se saurait sans doute depuis longtemps. Au contraire, tout cela ne fait que le retourner finalement vers le pied de son mur qu’il faut bien s’habituer à gravir sans espoir, et tel Sisyphe sur sa montagne, trouver son bonheur dans le simple fait de pousser son caillou. D’autres auraient dit de porter sa croix. D’un simple mot gribouillé sur un carton sale, revoilà l’étrangère qui le ramène de l’approche du sommet inviolé à la base de la colline.
Mais après tout, tout cela a-t-il une réelle importance ? Tonton Sisyphe nous a sûrement montré la route. L’important est bien dans la quête de la liberté plus que dans la liberté elle-même. Et si Renato accepte finalement le changement d’orientation de Tommi de la natation au football, c’est en négociant le poste que l’enfant pourra tenir sur le terrain. Et Tommi de répondre : « Anche libero va bene », « Alors libéro, ça va », et on entend aussi « Si c’est pour être libre, alors d’accord ». Message de l’adulte à l’enfant, de l’homme à l’homme, de l’homme à lui-même.
Tout cela est bel et bon, et mériterait probablement sa place dans un traité de psychologie appliquée. Mais le choix du réalisateur est allé dans une autre direction : le projet de faire de cette réflexion un film de cinéma. La question est alors de savoir si l’écran est le support adéquat à une étude de cas sur ce sujet. Certes, les exemples abondent d’explorations d’une aventure intérieure, d’un débat psychologique, de la perception différente de la réalité suivant que l’on est homme ou femme et des tensions dans la rencontre entre les sexes. Les amours de Nono et Nana ont donné au cinéma matière à labourer ce terrain dans tous les sens et à toutes les profondeurs. Fallait-il un film de plus sur ce sujet, quelle qu’en soit la qualité ?
Et de qualités, le film n’en manque pas. La réflexion est suffisamment codée pour s’appuyer sur une histoire grossièrement crédible. Elle est servie par un panel d’acteurs visant objectivement davantage humblement à porter l’histoire qu’à se mettre en valeur. A cet égard, le jeune Alessandro Morace tire remarquablement son épingle du jeu, tout dans une sobriété que l’on n’attend généralement pas des tendances ordinairement cabotines des enfants-acteurs. Marta Nobili, elle, n’échappe pas à ce travers malgré toute sa bonne volonté. Barbora Bobulova montre quant a elle que ce travers n’est pas le propre des enfants, tandis que Kim Rossi Stuart n’y succombe qu’épisodiquement. Encore qu’il puisse peut-être y avoir quelque chose de culturel dans cette situation, quelque chose en rapport avec le caractère démonstratif du comportement latin. (Là je sens qu’il n’y a pas que chez les corses que je suis en train de me faire des copains …) Là, ça ne se discute pas. On accroche ou pas, tout simplement. On reste néanmoins très loin des extrémités historiques du cinéma italien des années 70, et « Libero » fait sans conteste honneur sur ce plan au renouveau du genre en Italie.
Côté technique, Kim Rossi Stuart ne se laisse pas complètement emporter par l’enjeu ou par le plaisir de tourner son premier film. Pour un coup d’essai, la chose est assez réussie. Bien sûr, il abuse bien peut-être de quelques amusements de mise en scène. Que ce soit des ambiances d’intérieur à la pénombre étudiée. Que ce soit des plongées vertigineuses d’un regard à pic du bord d’un toit. Que ce soit de la surcharge symbolique de Tommi sautillant en déséquilibre de muret en muret au bord du précipice. Que ce soit du basculement de caméra sous l’eau / hors de l’eau figurant le regard du nageur de crawl. On y sent sans doute l’application, la recherche d’originalité, le désir de bien faire. Mais ces tentations ne sont finalement que relativement brèves et après tout probablement plus faciles à accepter que l’aurait été un laisser aller négligent.
Au bout du compte, si le film ramène à la libération de l’homme de sa dépendance viscérale au lien irraisonné mais raisonnable - au sens propre : accessible à la raison et au raisonnement, donc à la pensée - qui le retient dans le sillage de la féminité, s’il signe la libération d’un acteur de sa position d’interprète pour lui ouvrir une tribune à la réflexion, s’il participe à la libération d’un cinéma de son glorieux mais poussiéreux passé pour le projeter dans une modernité apaisée, et malgré ses imperfections d’une jeunesse tâtonnante mais fougueuse, il mérite sans doute un peu plus qu’un simple succès d’estime dans le cercle fermé des amateurs de cinéma d’auteur.
Le festival Cinessonne est une mine. En clôture du 8ème Festival du film européen, le cinéma François Truffaut de Chilly-Mazarin présentait « Libéro » (Anche libero va bene - titre italien - / Along the ridge - titre anglais international -), de Kim Rossi Stuart, qui avait été projeté à Cannes cette année pour la Quinzaine des réalisateurs, et prévu pour une sortie en salles le 08 Novembre 2006 … Ca ne fait pas journal local de commencer comme ça ? On se croirait dans Corse Matin, non ? (Là, je sens que je vais me faire engueuler … disons Ouest France, alors.) On aurait ensuite un truc du genre :
« La projection a été suivie de la remise des prix du festival décernés par les différents jurys : jury des collégiens, jury des lycéens, jury des étudiants, et jury des professionnels présidé par Brigitte Rouan, en présence du Maire de Chilly-Mazarin et du Président du Conseil Général de l’Essonne qui ont fait chacun une allocution préliminaire très applaudie devant un public nombreux et attentif. La soirée s’est sympathiquement terminée autour d’un buffet convivial offert par le comité d’organisation. »
Bon, soit. Mais le film alors ? Voilà, voilà, ça vient …
Un père, Renato Benetti (Kim Rossi Stuart), élève seul ses deux enfants, Tommi (Alessandro Morace), 11 ans, et sa sœur aînée, Viola (Marta Nobili). Seul ? Pas tout à fait. On apprend rapidement que la mère, Stefania (Barbora Bobulova), les a en fait plantés là lorsqu’elle tente un retour piteux sous l’engueulade copieuse de Renato et l’accueil des enfants, enthousiaste pour Viola et sceptique pour Tommi. La famille tente une période de réintégration avant que Stefania, visiblement mal en point, renoue avec son passé de départs à répétition.
Voilà pour la trame générale, qui naturellement s’agrémente de diverses annexes donnant un peu de corps à l’histoire.
Renato, cameraman free lance, se débat non seulement dans son rôle de papa attentionné aux prises avec deux moussaillons pas méchants mais prêts aux bêtises de leur âge, mais également avec le manque de travail et de ressources suivies. Pas de quoi crier misère, juste faire attention aux dépenses, au montant de l’argent de poche des enfants, au menu du dîner, … à toutes ces petites choses du quotidien qui font qu’on ne se sent pas au large et qu’on sent la différence de classe avec ces nouveaux voisins qui viennent d’emménager. Tout ça n’est pas aidé par un caractère entier qui n’hésite pas à la colère pour se faire respecter, parfois utilement et parfois sans plus d’effet.
Tommi, lui, navigue entre plusieurs mondes. Celui de l’école où il n’a pas vraiment de copain, si ce n’est ce nouveau, Claudio, arrivé en cours d’année, qui, bien que du même âge que les autres élèves de la classe, mesure une bonne tête de plus, et qui reste muet depuis que son père est mort sous ses yeux. Il tente bien de se faire une petite copine, mais si maladroitement qu’il est vite remis à sa place et bat en retraite piteusement. Le monde du sport où il brille en natation, poussé par son père, mais sans passion et avec le désir avoué de troquer la piscine par le terrain de football. Le monde de l’immeuble où il fait la connaissance des voisins riches et de leur fils au point de se voir offrir un séjour aux sports d’hiver. Le monde du toit, son petit coin à lui où il peut se retirer et faire les bêtises qu’il veut au bord du précipice, où il tente bien d’inviter le fils du voisin mais sans réussir à le faire entrer dans un plaisir égal au sien. Enfin le monde du foyer où il subit les niches de sa sœur et la tutelle paternelle.
Viola, de son côté, ne fait que quelques apparitions. Bien sûr, elle vit sous le même toit et affronte de la même façon que son frère les tentatives éducatives de Renato. Elle prend bien le parti de sa mère lors de son retour au bercail, mais sans insister, comme en passant. Sa plus forte présence semble être dans le titillement quasi permanent dont elle gratifie son frère, jusqu’à en obtenir l’insulte suprême « Sale pute » qui déclenche les foudres paternelles.
Stefania, quant à elle, est une espèce de comète qui traverse l’histoire sans vraiment s’y arrêter, d’abord absente, puis présente, puis à nouveau absente, sans autre explication qu’une nymphomanie compulsive, irrépressible, et pour tout dire pathologique, malgré toutes ses promesses de vie familiale et rangée.
C’est que le personnage central est en fait allégorique, constitué du duo père - fils, comme exemplaire de la masculinité à travers le temps, celui de l’enfance et celui de l’âge adulte, aux prises avec le mystère féminin du duo mère - fille quel que soit l’âge auquel on l’observe. Les mêmes passions, les mêmes incompréhensions, se dressent devant Renato comme devant Tommi. « Sale pute ! », mais sans pouvoir s’empêcher de tout en accepter sous la sidération de l’affrontement inégal. Comment espérer d’ailleurs une quelconque égalité devant un adversaire aussi étranger, comme venu d’une autre planète où les codes et les références sont aussi opaques. Pourquoi elles viennent ? Pourquoi elles partent ? Pourquoi maintenant ? Elles, magnanimes, peuvent bien faire l’aumône d’une explication, tout au plus un petit mot griffonné, mais les comprend-on davantage pour autant ?
Et au pied du mur de cette incompréhension, l’homme a-t-il d’autres choix que de tenter de le gravir tout en sachant qu’il n’en achèvera jamais l’ascension ? Bien sûr, il peut tenter bien des manœuvres, se réfugier dans une solidarité vaine de mâles hébétés, user de sa force physique ou abuser de la puissance de son cri, feindre l’indifférence, jouer de l’autorité abusive sur plus faible que lui, sortir du jeu et se réfugier sur le toit du monde à regarder les fourmis en bas se débattre sans fin, voire les taquiner en leur lançant des pièces à l’abri des regards, ou renoncer au jeu comme on pose les armes en pleine bataille, comme Tommi s’arrête à quelques mètres de la ligne d’arrivée et regarde passer ses poursuivants, comme Claudio cesse de parler pour se protéger du réel trop douloureux auquel les mots le rattachent encore … ce n’est pas l’imagination qui lui manque pour multiplier les stratégies.
Mais si tout cela avait la moindre chance de le sauver, ça se saurait sans doute depuis longtemps. Au contraire, tout cela ne fait que le retourner finalement vers le pied de son mur qu’il faut bien s’habituer à gravir sans espoir, et tel Sisyphe sur sa montagne, trouver son bonheur dans le simple fait de pousser son caillou. D’autres auraient dit de porter sa croix. D’un simple mot gribouillé sur un carton sale, revoilà l’étrangère qui le ramène de l’approche du sommet inviolé à la base de la colline.
Mais après tout, tout cela a-t-il une réelle importance ? Tonton Sisyphe nous a sûrement montré la route. L’important est bien dans la quête de la liberté plus que dans la liberté elle-même. Et si Renato accepte finalement le changement d’orientation de Tommi de la natation au football, c’est en négociant le poste que l’enfant pourra tenir sur le terrain. Et Tommi de répondre : « Anche libero va bene », « Alors libéro, ça va », et on entend aussi « Si c’est pour être libre, alors d’accord ». Message de l’adulte à l’enfant, de l’homme à l’homme, de l’homme à lui-même.
Tout cela est bel et bon, et mériterait probablement sa place dans un traité de psychologie appliquée. Mais le choix du réalisateur est allé dans une autre direction : le projet de faire de cette réflexion un film de cinéma. La question est alors de savoir si l’écran est le support adéquat à une étude de cas sur ce sujet. Certes, les exemples abondent d’explorations d’une aventure intérieure, d’un débat psychologique, de la perception différente de la réalité suivant que l’on est homme ou femme et des tensions dans la rencontre entre les sexes. Les amours de Nono et Nana ont donné au cinéma matière à labourer ce terrain dans tous les sens et à toutes les profondeurs. Fallait-il un film de plus sur ce sujet, quelle qu’en soit la qualité ?
Et de qualités, le film n’en manque pas. La réflexion est suffisamment codée pour s’appuyer sur une histoire grossièrement crédible. Elle est servie par un panel d’acteurs visant objectivement davantage humblement à porter l’histoire qu’à se mettre en valeur. A cet égard, le jeune Alessandro Morace tire remarquablement son épingle du jeu, tout dans une sobriété que l’on n’attend généralement pas des tendances ordinairement cabotines des enfants-acteurs. Marta Nobili, elle, n’échappe pas à ce travers malgré toute sa bonne volonté. Barbora Bobulova montre quant a elle que ce travers n’est pas le propre des enfants, tandis que Kim Rossi Stuart n’y succombe qu’épisodiquement. Encore qu’il puisse peut-être y avoir quelque chose de culturel dans cette situation, quelque chose en rapport avec le caractère démonstratif du comportement latin. (Là je sens qu’il n’y a pas que chez les corses que je suis en train de me faire des copains …) Là, ça ne se discute pas. On accroche ou pas, tout simplement. On reste néanmoins très loin des extrémités historiques du cinéma italien des années 70, et « Libero » fait sans conteste honneur sur ce plan au renouveau du genre en Italie.
Côté technique, Kim Rossi Stuart ne se laisse pas complètement emporter par l’enjeu ou par le plaisir de tourner son premier film. Pour un coup d’essai, la chose est assez réussie. Bien sûr, il abuse bien peut-être de quelques amusements de mise en scène. Que ce soit des ambiances d’intérieur à la pénombre étudiée. Que ce soit des plongées vertigineuses d’un regard à pic du bord d’un toit. Que ce soit de la surcharge symbolique de Tommi sautillant en déséquilibre de muret en muret au bord du précipice. Que ce soit du basculement de caméra sous l’eau / hors de l’eau figurant le regard du nageur de crawl. On y sent sans doute l’application, la recherche d’originalité, le désir de bien faire. Mais ces tentations ne sont finalement que relativement brèves et après tout probablement plus faciles à accepter que l’aurait été un laisser aller négligent.
Au bout du compte, si le film ramène à la libération de l’homme de sa dépendance viscérale au lien irraisonné mais raisonnable - au sens propre : accessible à la raison et au raisonnement, donc à la pensée - qui le retient dans le sillage de la féminité, s’il signe la libération d’un acteur de sa position d’interprète pour lui ouvrir une tribune à la réflexion, s’il participe à la libération d’un cinéma de son glorieux mais poussiéreux passé pour le projeter dans une modernité apaisée, et malgré ses imperfections d’une jeunesse tâtonnante mais fougueuse, il mérite sans doute un peu plus qu’un simple succès d’estime dans le cercle fermé des amateurs de cinéma d’auteur.
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