La Terre est ronde, sûr !
Bonne question, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qu’on fait quand on tombe amoureux ? Le problème, c’est que je ne suis pas certain qu’on trouve ici la réponse. James Lee essaie bien de nous donner des pistes, depuis sa Malaisie natale, mais il faut bien avouer qu’on reste un peu sur sa faim. S’il fallait aller au bout du monde pour se retrouver avec les mêmes questionnements qu’au début, à quoi bon faire le voyage ? A moins que ça ne soit pour vérifier que la terre est bien ronde et que les problèmes de couple sont une des choses au monde les mieux partagées. Si c’est ça, alors peut-être. OK, ça va, on le vérifie. Merci Monsieur Lee !
Et alors, qu’est-ce qui leur arrive, à nos braves malaisiens ? Difficile à décrire sans déflorer le détail d’un scénario épais comme un mannequin anorexique. Alors tant pis, déflorons !
Lai (Loh Bok Lai) est un informaticien pragmatique qui se moque de son collègue qui, fier de sa récente acquisition d’un téléphone portable équipé du GPS, pour savoir où il est, se voit répliqué : « Tu ne sais pas où tu es, toi ? ». Sa journée de labeur achevée, Lai s’en va chercher sa petite amie, Amy (Len Siew Mee), une jeune institutrice, à la sortie des classes, pour une petite ballade en voiture. La discussion sur un parking prenant un tour désagréable, on décide d’un tour à la campagne. Les embouteillages sont interminables, mais enfin la sortie de la ville et l’échappée belle sur l’autoroute. Une aire de repos fait l’affaire pour un petit arrêt aux toilettes pour Madame, suivi d’une pause sur l’herbe à se conter fleurette, à la manière de Lai, c’est-à-dire en laissant une large place aux silences. Reprenant leur promenade, la ballade les mène sur une route de campagne où une dispute ne manque pas de survenir à propos d’une prétendue liaison de Lai qu’Amy met sur le tapis. Amy finit par descendre de la voiture et par marcher seule sur la route, puis sur des chemins de plus en plus étroits afin d’échapper à Lai qui la suit au pas dans l’auto. Le chemin devenant impraticable, Lai abandonne finalement le véhicule et continue à pied, mais, se faisant distancer par la jeune femme, se retrouve bientôt égaré et hors réseau de son téléphone portable (clin d’œil au GPS du début …).
Après quelques instants d’errance dans un paysage sablonneux, Lai retrouve le chemin de l’auto où Amy attend déjà, en train de se faire entreprendre par un villageois en goguette qui s’éclipse en le voyant arriver. La nuit tombant, le couple trouve refuge dans un hôtel blafard à la plomberie erratique et à la propreté douteuse. Mais l’amour ferait passer sur ces détails si Amy ne décidait de remettre sur le tapis la prétendue liaison du jeune homme, ce qui le pousse à aller fumer une cigarette au grand air en en profitant pour une escapade en voiture sur une route isolée. Mettant pied à terre pour quelques pas de détente, la marche se transforme alors, le temps d’une chanson, en une danse échevelée. De retour à l’hôtel, Lai retrouve Amy toute triste qui prend sur elle pour ne pas reprendre le débat, préférant plutôt jouer les amoureuses. Au matin, retour à l’auto, à la route, à la ville, aux embouteillages, et à la rentrée des classes où Lai dépose Amy qui se décide à dire qu’il faut qu’elle réfléchisse un peu.
Après cet éprouvant suspense, les choses s’emballent : Lai en visite à un copain pour lui emprunter de l’argent ; Lai qui se réveille au matin et qui termine de s’habiller devant un petit déjeuner en finissant de faire connaissance avec une jeune fille fan de piscine à qui sa colocataire a laissé l’appartement pour la nuit.
Le tout dans une torride ambiance de quotidienneté qui fleure bon l’ennui à plein nez comme les champignons dans un sous-bois.
Etonnant, non ?
Dire que James Lee semble avoir appris à filmer en ingurgitant du Godard à pleines mirettes serait peut-être sous-estimer la performance :
- Même s’il ne leur demande pas de voler dans les sphères célestes de la performance d’interprétation, il faut avouer qu’il obtient de ses acteurs un jeu qui pourrait passer pour du naturel tant le résultat s’apparente à un quasi reportage. La nouvelle vague nous avait habitué à un jeu décalé propice à un ennui bien plus mortel encore.
- Là où Godard nous aurait abreuvé d’un discours théorisant monocorde, James Lee nous ménage au moins de longs passages d’un silence réparateur aptes à générer une heureuse somnolence dont on apprécie finalement au réveil l’absence de l’effet gueule de bois auquel nous aurait contraint le plus banal Stilnox.
- Là où Chabrol en serait resté à la plus sobre peinture des faits et gestes des personnages, James Lee, dans une envolée lyrique sauvage, nous propulse dans quelques secondes d’extraversion et de folie en nous montrant le sage Lai en proie à une danse frénétique et débridée sur une route de campagne déserte, sans qu’on s’attende à pareil débridement. En l’honneur de ce seul passage, le film aurait pu s’appeler « Lai se lâche » sans qu’on y trouve à redire.
Et ainsi de suite …
Et comble du ravissement et du contre-pied, le fin du fin quand on n’a pas grand chose à dire sur un film d’auteur, c’est de vanter la qualité des images ou des paysages. Mais James Lee est plus fort que ça. Il a prévu le coup : pas de ça ici. Images banales et quasiment pas de paysage. Tout pour ramener le spectateur au sujet, même si le sujet n’a pas grand-chose à dire lui non plus. Trop fort, non ?
Avec tout ça, on en revient à la question de départ : Qu’est-ce qu’on peut bien fabriquer quand on tombe amoureux ? En vérité, Monsieur Lee, qui a réfléchi à la question, nous suggère que c’est une question bien trop vaste pour qu’on se lance à y répondre. Alors il nous cause d’autre chose, de ce qu’on bricole quand on croit qu’on l’est, ou peut-être même qu’on l’a été un jour, et qu’on se casse maintenant les pieds mutuellement. Après tout, pourquoi pas. Si ça passionne quelqu’un, autant qu’il en profite.
Bonne question, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qu’on fait quand on tombe amoureux ? Le problème, c’est que je ne suis pas certain qu’on trouve ici la réponse. James Lee essaie bien de nous donner des pistes, depuis sa Malaisie natale, mais il faut bien avouer qu’on reste un peu sur sa faim. S’il fallait aller au bout du monde pour se retrouver avec les mêmes questionnements qu’au début, à quoi bon faire le voyage ? A moins que ça ne soit pour vérifier que la terre est bien ronde et que les problèmes de couple sont une des choses au monde les mieux partagées. Si c’est ça, alors peut-être. OK, ça va, on le vérifie. Merci Monsieur Lee !
Et alors, qu’est-ce qui leur arrive, à nos braves malaisiens ? Difficile à décrire sans déflorer le détail d’un scénario épais comme un mannequin anorexique. Alors tant pis, déflorons !
Lai (Loh Bok Lai) est un informaticien pragmatique qui se moque de son collègue qui, fier de sa récente acquisition d’un téléphone portable équipé du GPS, pour savoir où il est, se voit répliqué : « Tu ne sais pas où tu es, toi ? ». Sa journée de labeur achevée, Lai s’en va chercher sa petite amie, Amy (Len Siew Mee), une jeune institutrice, à la sortie des classes, pour une petite ballade en voiture. La discussion sur un parking prenant un tour désagréable, on décide d’un tour à la campagne. Les embouteillages sont interminables, mais enfin la sortie de la ville et l’échappée belle sur l’autoroute. Une aire de repos fait l’affaire pour un petit arrêt aux toilettes pour Madame, suivi d’une pause sur l’herbe à se conter fleurette, à la manière de Lai, c’est-à-dire en laissant une large place aux silences. Reprenant leur promenade, la ballade les mène sur une route de campagne où une dispute ne manque pas de survenir à propos d’une prétendue liaison de Lai qu’Amy met sur le tapis. Amy finit par descendre de la voiture et par marcher seule sur la route, puis sur des chemins de plus en plus étroits afin d’échapper à Lai qui la suit au pas dans l’auto. Le chemin devenant impraticable, Lai abandonne finalement le véhicule et continue à pied, mais, se faisant distancer par la jeune femme, se retrouve bientôt égaré et hors réseau de son téléphone portable (clin d’œil au GPS du début …).
Après quelques instants d’errance dans un paysage sablonneux, Lai retrouve le chemin de l’auto où Amy attend déjà, en train de se faire entreprendre par un villageois en goguette qui s’éclipse en le voyant arriver. La nuit tombant, le couple trouve refuge dans un hôtel blafard à la plomberie erratique et à la propreté douteuse. Mais l’amour ferait passer sur ces détails si Amy ne décidait de remettre sur le tapis la prétendue liaison du jeune homme, ce qui le pousse à aller fumer une cigarette au grand air en en profitant pour une escapade en voiture sur une route isolée. Mettant pied à terre pour quelques pas de détente, la marche se transforme alors, le temps d’une chanson, en une danse échevelée. De retour à l’hôtel, Lai retrouve Amy toute triste qui prend sur elle pour ne pas reprendre le débat, préférant plutôt jouer les amoureuses. Au matin, retour à l’auto, à la route, à la ville, aux embouteillages, et à la rentrée des classes où Lai dépose Amy qui se décide à dire qu’il faut qu’elle réfléchisse un peu.
Après cet éprouvant suspense, les choses s’emballent : Lai en visite à un copain pour lui emprunter de l’argent ; Lai qui se réveille au matin et qui termine de s’habiller devant un petit déjeuner en finissant de faire connaissance avec une jeune fille fan de piscine à qui sa colocataire a laissé l’appartement pour la nuit.
Le tout dans une torride ambiance de quotidienneté qui fleure bon l’ennui à plein nez comme les champignons dans un sous-bois.
Etonnant, non ?
Dire que James Lee semble avoir appris à filmer en ingurgitant du Godard à pleines mirettes serait peut-être sous-estimer la performance :
- Même s’il ne leur demande pas de voler dans les sphères célestes de la performance d’interprétation, il faut avouer qu’il obtient de ses acteurs un jeu qui pourrait passer pour du naturel tant le résultat s’apparente à un quasi reportage. La nouvelle vague nous avait habitué à un jeu décalé propice à un ennui bien plus mortel encore.
- Là où Godard nous aurait abreuvé d’un discours théorisant monocorde, James Lee nous ménage au moins de longs passages d’un silence réparateur aptes à générer une heureuse somnolence dont on apprécie finalement au réveil l’absence de l’effet gueule de bois auquel nous aurait contraint le plus banal Stilnox.
- Là où Chabrol en serait resté à la plus sobre peinture des faits et gestes des personnages, James Lee, dans une envolée lyrique sauvage, nous propulse dans quelques secondes d’extraversion et de folie en nous montrant le sage Lai en proie à une danse frénétique et débridée sur une route de campagne déserte, sans qu’on s’attende à pareil débridement. En l’honneur de ce seul passage, le film aurait pu s’appeler « Lai se lâche » sans qu’on y trouve à redire.
Et ainsi de suite …
Et comble du ravissement et du contre-pied, le fin du fin quand on n’a pas grand chose à dire sur un film d’auteur, c’est de vanter la qualité des images ou des paysages. Mais James Lee est plus fort que ça. Il a prévu le coup : pas de ça ici. Images banales et quasiment pas de paysage. Tout pour ramener le spectateur au sujet, même si le sujet n’a pas grand-chose à dire lui non plus. Trop fort, non ?
Avec tout ça, on en revient à la question de départ : Qu’est-ce qu’on peut bien fabriquer quand on tombe amoureux ? En vérité, Monsieur Lee, qui a réfléchi à la question, nous suggère que c’est une question bien trop vaste pour qu’on se lance à y répondre. Alors il nous cause d’autre chose, de ce qu’on bricole quand on croit qu’on l’est, ou peut-être même qu’on l’a été un jour, et qu’on se casse maintenant les pieds mutuellement. Après tout, pourquoi pas. Si ça passionne quelqu’un, autant qu’il en profite.
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