Le complexe de Bergson
Eh non, la Sylvain Etiret Company n’en a pas encore fini avec la retransmission du Festival de Deauville 2007. Et encore, console-toi, lecteur patient à bout de nerf, Tonton Sylvain n’a pas pu assister à toutes les projections (à son âge, il fallait bien qu’il dorme un peu, le pauvre …). Tu échapperas donc à quelques unes des projections de la compétition. Par contre, pour ce qui est des films présentés en avant-première hors compétition, Tonton en a vu un bon boulon, alors accroche ta ceinture pour un nouveau petit tour. C’est qu’il ne rigole pas, Tonton Sylvain. On lui dit de relater, il relate. A côté de lui, Stakhanov était un collégien à peine sevré. Pas d’état d’âme, une mission à remplir, alors on fonce. Banzai ! Et si par hasard, il arrive de découvrir des pépites encore mates, il arrive aussi de tomber sur des produits dont il est peu probable que l’éternité en garde un souvenir ému. Au rang des galéjades vite vues, vite rigolées, vite oubliées, la livraison de cette année comportait une petite chose répondant au doux nom de « Les femmes de mes rêves », ou « The heartbreak kid » pour les puristes, des frères Bobby et Peter Farrelly. Le principal argument du film était de mettre à l’affiche Ben Stiller, son père Jerry Stiller, Michele Monaghan, et une apparition d’Eva Longoria. Pour le reste, une petite histoire tentait de faire tenir tout ce beau monde ensemble. Mais quelle histoire, au fait ?
Eddie (Ben Stiller) possède à la fois un magasin de vêtements de sport à San Francisco et une guigne éprouvée dans la recherche de l’âme sœur. Il est également doté d’un père, Doc (Jerry Stiller), dragueur impénitent, et d’un copain, Mac (Rob Corddry), passé maître dans l’art de citer en exemple ses propres joies du mariage et de la paternité. Eddie se lie par hasard à Lila (Malin Akerman), une superbe blonde, et succombe rapidement à la tentation de la conjugalité sous la pression conjointe de son père, de son copain, et du charme et de l’entrain de l’heureuse élue. Le mariage est vite organisé, occasion de la présentation surprise de la mère de la mariée (Kathy Lamkin), à l’esthétique inverse de celle de sa fille, suivi d’un départ en lune de miel pour un séjour en hôtel au Mexique. Le trajet en voiture voit déjà fondre les premières illusions devant le comportement de plus en plus charretier de la belle qui se lâche. A l’hôtel, les illusions continuent de se liquéfier, laissant le pauvre Eddie face à une errance reposante dans les jardins de l’hôtel. C’est là qu’il fait la connaissance de Miranda (Michelle Monaghan), jeune américaine fraîchement larguée, venue pour la rituelle célébration de l’anniversaire de son père en compagnie du reste de sa famille, en particulier d’un frère surprotecteur. Un malentendu laisse croire à Miranda qu’Eddie est libre, ce dont le pauvre Eddie profite lâchement pour se changer les idées de sa mégère d’épouse. Dès lors, les quiproquos et les catastrophes s’enchaînent.
On avait déjà pu apprécier à sa juste valeur le sens de l’humour des frères Farrelly en association avec Ben Stiller dans « Mary à tout prix ». Et pourtant, en comparaison avec le nouvel opus du trio, cette précédente collaboration n’était qu’un amuse gueule pour bonnets de nuits.
Comment décrire ce fameux humour ? Et en tentant de le faire, ce pauvre Tonton Sylvain a bien conscience de tomber dans le même piège que Bergson s’adonnant à une philosophie du rire. Quoi de plus sinistre que de parler sérieusement du rire ? Et pourtant, il faut bien en passer par là pour expliquer ce qui n’en est pas.
La recette farrellienne n’est pas bien compliquée. Une dose de clin d’œil à la bande dessinée : la coiffure de Mac évoluant vers la même houppette infantile arborée d’emblée par son fils de quelques mois. Vingt-trois doses de graveleux : un quiproquo sur une cassette porno à la réception de l’hôtel, des acrobaties plumardières de la jeune mariée, une lubricité paternelle assumée, etc. A dose égale, une inspiration puisant allègrement dans un naturalisme de WC-salle de bain : ronflements et régurgitations de l’épousée, coups de soleil suintants ridiculisants. Une louche de dialogues directs pour dire des énormités quand on s’était habitué à ne les rencontrer que suggérées. Une pincée de décalages entre des épisodes de naïveté fleur bleue et des épisodes de trivialité frontale. On secoue le tout, on laisse cuire douze secondes (pas plus, pour ne pas être tenté de réfléchir), et on sert de suite, sans se poser de question.
Avec cette recette, on avait eu l’illustrissime scène de « Mary à tout prix » dans laquelle Cameron Diaz se shampooinait avec le produit frais cueilli des activités onaniques de Ben Stiller. On récidive ici, sans fausse pudeur, abandonnant Bergson à son colloque d’outre-tombe en tête-à-tête avec une compagnie d’asticots … Normalement, en suivant à la lettre la recette farrellienne, le lecteur attentif doit être écroulé de rire à l’évocation de cette image inattendue. Ce n’est pas le cas ? Comment ce fait-ce ? … Ici, deuxième gag habilement amené, mêlant allusion graveleuse et interrogation subtile … Quelque chose m’aurait-il échappé ?
Bon, tant pis. On rigole si on veut … Après tout, si Bergson en a pondu tout un traité, qui suis-je pour me lancer en quelques lignes sur le même terrain ? Le résultat est là : y’en a qui rigolent, et d’autres pas, et puis c’est tout.
D’autant qu’on ne peut pas reprocher à Ben Stiller et à ses acolytes de ne pas se donner du mal, de ne pas avoir de constance dans l’effort. De « Mary à tout prix » à « Zoolander », ce brave Ben peaufine son style, cisèle son personnage. Qu’on aime ou pas, là n’est pas la question. Il propose une alternative à tout un cinéma qui fait de John Wayne un classique et de Sean Penn un avenir. Le projet n’est pas mince !
Faut-il réellement aller plus loin ? Le lecteur patient au-delà de la mesure aura sans doute déjà compris le sentiment de Tonton Sylvain au sortir de cette expérience. Il n’aura plus qu’à se faire son opinion par lui-même, car il ne faut jamais croire sur parole les vieux qui radotent sur comment que c’était mieux avant, et laisser ce pauvre Tonton retourner à ses manuels de philosophie et s’inscrire en hâte sur la liste d’attente du psychanalyste le plus proche.
Eh non, la Sylvain Etiret Company n’en a pas encore fini avec la retransmission du Festival de Deauville 2007. Et encore, console-toi, lecteur patient à bout de nerf, Tonton Sylvain n’a pas pu assister à toutes les projections (à son âge, il fallait bien qu’il dorme un peu, le pauvre …). Tu échapperas donc à quelques unes des projections de la compétition. Par contre, pour ce qui est des films présentés en avant-première hors compétition, Tonton en a vu un bon boulon, alors accroche ta ceinture pour un nouveau petit tour. C’est qu’il ne rigole pas, Tonton Sylvain. On lui dit de relater, il relate. A côté de lui, Stakhanov était un collégien à peine sevré. Pas d’état d’âme, une mission à remplir, alors on fonce. Banzai ! Et si par hasard, il arrive de découvrir des pépites encore mates, il arrive aussi de tomber sur des produits dont il est peu probable que l’éternité en garde un souvenir ému. Au rang des galéjades vite vues, vite rigolées, vite oubliées, la livraison de cette année comportait une petite chose répondant au doux nom de « Les femmes de mes rêves », ou « The heartbreak kid » pour les puristes, des frères Bobby et Peter Farrelly. Le principal argument du film était de mettre à l’affiche Ben Stiller, son père Jerry Stiller, Michele Monaghan, et une apparition d’Eva Longoria. Pour le reste, une petite histoire tentait de faire tenir tout ce beau monde ensemble. Mais quelle histoire, au fait ?
Eddie (Ben Stiller) possède à la fois un magasin de vêtements de sport à San Francisco et une guigne éprouvée dans la recherche de l’âme sœur. Il est également doté d’un père, Doc (Jerry Stiller), dragueur impénitent, et d’un copain, Mac (Rob Corddry), passé maître dans l’art de citer en exemple ses propres joies du mariage et de la paternité. Eddie se lie par hasard à Lila (Malin Akerman), une superbe blonde, et succombe rapidement à la tentation de la conjugalité sous la pression conjointe de son père, de son copain, et du charme et de l’entrain de l’heureuse élue. Le mariage est vite organisé, occasion de la présentation surprise de la mère de la mariée (Kathy Lamkin), à l’esthétique inverse de celle de sa fille, suivi d’un départ en lune de miel pour un séjour en hôtel au Mexique. Le trajet en voiture voit déjà fondre les premières illusions devant le comportement de plus en plus charretier de la belle qui se lâche. A l’hôtel, les illusions continuent de se liquéfier, laissant le pauvre Eddie face à une errance reposante dans les jardins de l’hôtel. C’est là qu’il fait la connaissance de Miranda (Michelle Monaghan), jeune américaine fraîchement larguée, venue pour la rituelle célébration de l’anniversaire de son père en compagnie du reste de sa famille, en particulier d’un frère surprotecteur. Un malentendu laisse croire à Miranda qu’Eddie est libre, ce dont le pauvre Eddie profite lâchement pour se changer les idées de sa mégère d’épouse. Dès lors, les quiproquos et les catastrophes s’enchaînent.
On avait déjà pu apprécier à sa juste valeur le sens de l’humour des frères Farrelly en association avec Ben Stiller dans « Mary à tout prix ». Et pourtant, en comparaison avec le nouvel opus du trio, cette précédente collaboration n’était qu’un amuse gueule pour bonnets de nuits.
Comment décrire ce fameux humour ? Et en tentant de le faire, ce pauvre Tonton Sylvain a bien conscience de tomber dans le même piège que Bergson s’adonnant à une philosophie du rire. Quoi de plus sinistre que de parler sérieusement du rire ? Et pourtant, il faut bien en passer par là pour expliquer ce qui n’en est pas.
La recette farrellienne n’est pas bien compliquée. Une dose de clin d’œil à la bande dessinée : la coiffure de Mac évoluant vers la même houppette infantile arborée d’emblée par son fils de quelques mois. Vingt-trois doses de graveleux : un quiproquo sur une cassette porno à la réception de l’hôtel, des acrobaties plumardières de la jeune mariée, une lubricité paternelle assumée, etc. A dose égale, une inspiration puisant allègrement dans un naturalisme de WC-salle de bain : ronflements et régurgitations de l’épousée, coups de soleil suintants ridiculisants. Une louche de dialogues directs pour dire des énormités quand on s’était habitué à ne les rencontrer que suggérées. Une pincée de décalages entre des épisodes de naïveté fleur bleue et des épisodes de trivialité frontale. On secoue le tout, on laisse cuire douze secondes (pas plus, pour ne pas être tenté de réfléchir), et on sert de suite, sans se poser de question.
Avec cette recette, on avait eu l’illustrissime scène de « Mary à tout prix » dans laquelle Cameron Diaz se shampooinait avec le produit frais cueilli des activités onaniques de Ben Stiller. On récidive ici, sans fausse pudeur, abandonnant Bergson à son colloque d’outre-tombe en tête-à-tête avec une compagnie d’asticots … Normalement, en suivant à la lettre la recette farrellienne, le lecteur attentif doit être écroulé de rire à l’évocation de cette image inattendue. Ce n’est pas le cas ? Comment ce fait-ce ? … Ici, deuxième gag habilement amené, mêlant allusion graveleuse et interrogation subtile … Quelque chose m’aurait-il échappé ?
Bon, tant pis. On rigole si on veut … Après tout, si Bergson en a pondu tout un traité, qui suis-je pour me lancer en quelques lignes sur le même terrain ? Le résultat est là : y’en a qui rigolent, et d’autres pas, et puis c’est tout.
D’autant qu’on ne peut pas reprocher à Ben Stiller et à ses acolytes de ne pas se donner du mal, de ne pas avoir de constance dans l’effort. De « Mary à tout prix » à « Zoolander », ce brave Ben peaufine son style, cisèle son personnage. Qu’on aime ou pas, là n’est pas la question. Il propose une alternative à tout un cinéma qui fait de John Wayne un classique et de Sean Penn un avenir. Le projet n’est pas mince !
Faut-il réellement aller plus loin ? Le lecteur patient au-delà de la mesure aura sans doute déjà compris le sentiment de Tonton Sylvain au sortir de cette expérience. Il n’aura plus qu’à se faire son opinion par lui-même, car il ne faut jamais croire sur parole les vieux qui radotent sur comment que c’était mieux avant, et laisser ce pauvre Tonton retourner à ses manuels de philosophie et s’inscrire en hâte sur la liste d’attente du psychanalyste le plus proche.
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