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28 septembre 2008

Aliens vs. Predator - Requiem

Les prébendes aux orties

J’ai honte. J’ai très honte. J’ai encore plus honte que je ne saurais dire. Pourtant je sais dire que j’ai honte. Mais comment dire à quel point ? Peut-être simplement en le disant. Alors voilà : j’ai honte. C’est basique, primaire, élémentaire, minime, minuscule, limité, ridicule, sommaire, petit, voire lilliputien. Peut-être. Sans doute. Mais c’est ainsi : j’ai honte.
Affiche France (cinemovies.fr)

« De quoi, fichtre diantre, mon pauvre Sylvain, avez-vous tant honte ? », me direz-vous, soudain submergés d’une curiosité malsaine. « D’avoir gaspillé 9 euros cinquante », vous répondrai-je, toute honte bue (et par les temps qui courent, il ne faut pas lésiner sur ce qui peut être encore bu tout de suite, avant que ça ne devienne interdit). Oui, d’avoir jeté aux orties le montant d’une place de cinéma pour me gaver d’un sombre plat indigeste. Dire que pendant ce temps là, il y en a qui travaillent plus pour gagner plus, et que moi je glande au cinoche pour gaspiller. C’est pas Dieu possible. Si Dieu existe, naturellement …

Affiche USA (cinemovies.fr)

Vous insisteriez : « Allons donc, cher ami ! A n’en point douter, vous en faîtes un peu trop. Vous ne pouvez, assurément, vous heurter la conscience aux boutoirs des navets. Vous ne pouvez vous faire grief d’une inconséquence qui eut imposé, pour être telle, que vous en sachassiez par avance la nature ». Certes, et vous seriez bien bons de me faire cette grâce. Mais, voyez-vous, le mal est fait, et nulle consolation ne pourra le défaire. Mais fi de vaines paroles, je vous laisse finalement juges du drame, et de mon déshonneur d’avoir ingurgité « Aliens vs Predator 2 ». Vous commencez à saisir l’ampleur de la catastrophe ? Laissez-moi, néanmoins, vous en narrer l’intrigue.

Affiche Lithuanie (cinemovies.fr)

A bord d’un vaisseau spatial, l’équipage d’étrangers du genre Predator est décimé par l’éclosion d’une colonie du genre Alien. Le vaisseau alors à la dérive dévie de sa route pour s’abattre sur une forêt des USA où des Aliens (Tom Woodruff Jr.) survivants commencent à décimer la population d’un village tout proche. Depuis sa planète à lui, un individu du genre Predator (Ian Whyte) réalise le sort de ses congénères et saute dans son vaisseau à lui pour aller venger ses collègues. Il arrive ainsi su Terre et se met en quête des Aliens. Il n’en veut pas particulièrement aux terriens, mais n’hésite pas à en occire quelques-uns au passage qui se trouvent sur sa route.

Affiche Japon (cinemovies.fr)

Les terriens du village, de leur côté, mettent un certain temps à comprendre la nature du danger. On ne saura d’ailleurs pas, tout au long du film, s’ils comprennent bien la nature de ce combat sidéral, ou s’ils ne voient que les ravages créés dans leur quotidien par l’irruption d’extra-terrestres variés.

Afin qu’au spectateur rien n’échappe du cataclysme subi par les terriens, l’histoire se centre sur quelques personnages. Tout d’abord le shérif Morales (John Ortiz), qui fait ce qu’il peut, et qui peut peu. Il se trouve que le shérif est plus ou moins copain avec Dallas (Steven Pasquale), un ancien détenu qui vient juste d’être libéré et qui remet les pieds en ville. Celui-ci se trouve avoir un jeune frère, Ricky (Johnny Lewis), qui livre des pizzas pour subsister et payer ses études. Le jour du drame, il a justement livré des pizzas chez Jesse (Kristen Hager), la fille de sa classe dont il a secrètement le béguin et qui est surprise de le trouver dans ce rôle. Les invités, autres ados de l’école, dont Dale (David Paetkau), le Jules de la donzelle, s’en prennent à lui et le molestent.

Aidé de son frère repris de justice, Ricky part à la recherche des clés de sa voiture qui lui ont été prises durant la rixe et jetées dans les égouts. Et c’est dans les égouts qu’ils tombent, incrédules, sur les premières traces d’activité des Aliens. Le lendemain, Jesse, qui a un vague remord, largue Dale et vient draguer outrageusement Ricky, pour l’attirer le soir même vers la piscine de l’école déserte où elle a visiblement coutume de conduire ses conquêtes pour passer à l’acte.

A un autre bout de la ville, une jeune femme militaire, Kelly (Reiko Aylesworth), rentre en permission auprès de son mari et de sa fille Molly (Ariel Gade). La petite en veut visiblement à Maman de ses absences prolongées et n’est que d’une docilité relative.

Tout bascule lorsque le Predator, engageant la bagarre contre un groupe d’Aliens qu’il a repéré dans la centrale électrique locale, fait sauter les plombs de toute la région et plonge la ville dans le noir. Simultanément, Molly alerte sa maisonnée en voyant des monstres dans le jardin, ce qui conduit son père à une sinistre fin alors que la mère et l’enfant s’échappent en claquant des dents. Encore simultanément, Ricky et sa nouvelle copine se font agresser au bord de la piscine par Jules jaloux et ses copains avant que tout le monde soit pris à partie par une bande d’Aliens qui croquent quelques uns des jeunes gens. Toujours simultanément, Dallas qui se trouve être avec le shérif Morales subit la panne d’éclairage et observe la ville commencer à se précipiter sur les routes pour former d’immenses bouchons parmi lesquels les Aliens commencent à faire des dégâts. Les trois groupes se retrouvent par hasard dans une armurerie, qui pour s’y abriter, qui pour se fournir en matériel, et tout le monde s’en va vers le centre ville après avoir contacté par radio la Garde Nationale qui y envoie des troupes qui seront pourtant vite décimées.

La suite est le récit des péripéties diverses de la tentative d’échappée du groupe au milieu de la vaste bagarre entre le Predator et les Aliens qui se multiplient apparemment aussi vite que le vengeur les dégomme.

Pour rester un tant soit peu honnête, on doit à la vérité de reconnaître que les aficionados de la bagarre de rue par temps plombé et conditions nocturnes trouveront sont trop de peine quelques scènes dignes de les rassasier. Pour les amateurs d’autres genres, la cueillette risquera cependant de se révéler plus frugale. Les amoureux des monstres sidéraux sont bien sûr mis en appétit, mais leurs héros sont le plus souvent filmés dans des coins sombres laissant deviner plus leur silhouette que le détail de leur anatomie. La vitesse de défilement des plans lors des scènes d’action, pour le rythme qu’elle tente de donner, et y réussit le plus souvent, n’aide cependant pas à fixer dans la rétine les subtilités de la morphologie des deux espèces d’extra-terrestres. Il est manifestement fait sur ce plan appel à la mémoire supposée acquise des épisodes précédents tant de la série des « Alien » que de celle des « Predator ».

Les acharnés des films gore trouveront également quelques miettes pour distraire leur appétit, mais tellement parcimonieusement dispersées qu’on frôle à vrai dire la disette. Les inconditionnels de l’émotion et de la larmichette resteront de leur côté sur leur faim profonde, comme ceux qu’attire une intrigue complexe aux ressorts multiples et à la psychologie retorse. De fait, la psychologie des personnages est réduite à l’essentiel, juste suffisante pour faire la différence entre les différents personnages et une collection de jonquilles fraîchement cueillies. Manifestement, il était admis que l’action était tellement suffisante à l’intérêt du film que le seul obstacle imaginé à sa compréhension était de pouvoir distinguer les personnages entre eux. Quelques schémas bien tranchés de personnalités aisément identifiables suffisant à cet objectif, on se contenta de les ébaucher à grands traits avant de ne plus y revenir et de s’y tenir fermement.

Sans entrer dans une analyse détaillée de chaque séquence de l’œuvre, qu’il suffise de souligner à quel point la mise en scène est au diapason de cet objectif de prééminence des scènes d’action telles que susditement caractérisées. Nulle fioriture parasite ne vient détourner l’attention de cet unique objectif. Là où, on l’imagine, un plan serré risquait de dévoiler quelque défaillance de la prise de vue ou de l’intrique, il est immédiatement baigné dans une pénombre quasi nocturne laissant au spectateur tout le loisir d’imaginer l’action plus que de proprement la suivre. On serait presque, à cet égard, tenté de percevoir ici comme une illégitime filiation pour les films expérimentaux qui avaient autrefois exploré les rigueurs du concept du cinéma sans image. Même s’il est vrai qu’une telle parenté parait objectivement davantage naître du désir désespéré du commentateur de ne pas rester muet devant cet impressionnant spectacle que d’une volonté réellement consciente du réalisateur. Le jeu des acteurs est enfin d’une telle simplicité tournant à l’exercice de patronage qu’on peine à imaginer une absence de volonté à cet état de faits. Encore que la réalité se soit souvent avérée bien plus étonnante que l’imagination dans ce domaine.

Comment, dès lors, expliquer cette impression de manque au sortir de la projection ? Ce sentiment de gaspillage de prébendes laborieusement acquis ? N’y a-t-il vraiment et à ce point rien à sauver de cette œuvre étonnante de naïveté ? Est-ce là la source de la honte initialement annoncée ? Qui pourrait le dire ?

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