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22 septembre 2008

Ne le dis à personne

Chut !

Pourtant vu en avant-première au Max Linder, fauteuils de luxe et écran géant, deux jours avant sa sortie officielle, ce film ne doit son avis tardif qu'à ma lenteur graphologique en l'occurrence alimentée par une densité qui me faisait hésiter dans l'entreprise d'en rédiger un commentaire précipité. Dommage, j'aurais bien aimé livrer mon devoir avant la date butoir. Mais c'est ainsi. Et c'est toute honte bue (au moins une boisson sans alcool ! C'est mauvais pour la santé, qu'il parait. Comme tant de choses ...) que je vais devoir me consoler en m'en grillant une petite (et flûte pour la santé, le trou de la sécu, le zones fumeurs, et tout ce genre de choses ...). Pourtant, le film en valait vraiment le coup.

Affiche France (cinemovies.fr)

Le Docteur Alexandre Beck (François Cluzet), pédiatre à l’Hôpital Boucicaut, au sortir d’un repas entre amis, décide avec sa femme Margot (Marie-Josée Croze) de faire une halte près du lac qu’ils connaissent depuis leur enfance et d’y faire une baignade vespérale. Une petite brouille les sépare quelques instants, suffisamment pour que sa femme se fasse agresser par des inconnus et qu’Alexandre soit assommé. A son réveil, il apprend que Margot est morte, apparemment selon le mode opératoire d’un serial killer en activité et qu’elle a été reconnue par son père, Jacques Laurentin (André Dussollier), Capitaine de gendarmerie. Huit ans plus tard, Alexandre est resté inconsolable malgré les efforts de sa famille, en particulier de sa soeur Anne (Marina Hands) et de la compagne de sa soeur, Hélene Perkins (Kristin Scott Thomas). Il n’a gardé qu’un contact annuel avec ses beaux-parents, pour un repas rituel à la date anniversaire du meurtre. C’est à cette époque que lui parvient un email troublant semblant provenir de sa femme qui chercherait à reprendre le contact. Simultanément, la découverte de deux cadavres datant de huit ans à proximité du lieu de son agression fait rouvrir le dossier par la police et place Alexandre en position de suspect pour les deux affaires.


Affiche Russie (cinemovies.fr)


S’en suit un vaste jeu de piste entre Alexandre, sa famille, la police avec un pugnace mais honnête commissaire Levkowitz (François Berléand), l’auteur du mail, et un groupe de malfrats sans scrupules. Qui a tué Margot Beck ? Qui a tué les deux hommes de la forêt ? D’où proviennent tous ces messages ? Pourquoi toutes ces zones d’ombre ? Qui sont ces rufians qui se mêlent à l’affaire ? Qui est derrière eux ? Autant de questions qui permettront de compléter le puzzle dans lequel s’est transformé la vie du bon Dr Beck.
Affiche Grande Bretagne (movieposterdb.com)
Le principe des films policiers est généralement de livrer la conclusion, c’est-à-dire le crime, puis d’accumuler progressivement aussi bien des éléments de preuve que des réponses aux questions qui viennent au jour, ainsi que les nouvelles questions que ces réponses soulèvent. A intervalle régulier, voire en continu si le temps le permet, le film fait une petite pause, examine les éléments en présence, élabore des scenarii permettant d’emboîter les pièces rassemblées, et liste les éléments manquants pour que l’on puisse trancher entre les uns ou les autres de ces scenarii. Puis l’enquête reprend pour un petit tour, le temps de recueillir des éléments nouveaux, voire des questions nouvelles. Plus ces points intermédiaires orientent vers des pistes différentes de celles imaginées lors du point précédent, plus l’histoire est captivante. De plus, l’idéal est de donner au spectateur l’impression qu’il a un léger temps d’avance sur l’enquêteur et qu’il va finalement découvrir l’énigme juste avant lui. Et le suspense est réussi si d’une part cette résolution n’a lieu qu’en toute fin de parcours, et d’autre part si la prise en compte d’un élément connu du spectateur mais qu’on l’avait savamment conduit à négliger, mène en toute fin l’enquêteur à une conclusion très différente de celle du spectateur qui se surprend alors de s’être fourvoyé sur une piste apparemment crédible mais finalement fausse. Le fin du fin est regrouper dans les dernières minutes du film deux ou trois de ces bascules de piste avant la révélation finale de la vérité. Bien sûr, on peut imaginer diverses variations à ce cursus standard, le plus typique étant, comme dans Columbo, la révélation de la solution de l’énigme dès le début de l’histoire, tout tenant alors dans la façon dont l’enquêteur va remonter la piste, mais bon, l’idée générale est là.
Affiche Israel (moviepsterdb.com)
Ce film-ci suit un plan d’intrigue parfaitement classique. Les indices sont distillés au fur et à mesure. Des pauses sont ménagées à intervalles réguliers. Les preuves s’accumulent et finissent par faire un tableau complet à la fin du film.
Affiche Norvège (movieposterdb.com)
Cependant, le plan classique suppose une toute petite longueur d’avance de l’enquêteur sur le spectateur de façon que la surprise soit préservée tout en tenant l’attention en haleine. Ici, l’accumulation des éléments de piste tient plus de l’empilement que du jeu de construction. Au point qu’il devient rapidement assez compliqué de s’y retrouver et que le spectateur, d’enquêteur adjoint en devient simple observateur qu’il faut épisodiquement briefer pour ne pas le perdre en route. Au point aussi que la réalisation semble oublier à mesure du film le projet de dévoilement d’un plan de crime cohérent. Les indices s’entassent, sans ordre apparent, sans fil conducteur flagrant. Alexandre est perdu dans la tourmente ; le spectateur aussi. Et quand la fin du film approche et que l’ambiance sent l’écurie, qu’il faut bien en arriver au dévoilement d’une conclusion, on a alors besoin d’un long tête à tête entre Alexandre et son adversaire pour qu’un interminable dialogue ouvre les portes qui semblaient lourdement closes. Et malgré tout, il reste des révélations à dévoiler lors de cet entretien qui ne fait pas office de simple mise en ordre mais qui en fait donne lieu à un arrivage complet de nouveaux indices explicatifs. Après toute cette longue course poursuite haletante, la durée entière du film n’avait pas suffit à mettre à jour les éléments nécessaires, et il revient à ces deux personnages de donner enfin les clés.
Affiche Pologne (movieposterdb.com)
Pendant ce temps qu’aurait dû être le film d’enquête, Guillaume Canet s’est par contre complu à développer toutes les scènes d’action disponibles. Et le film policier s’est transformé en film d’action, ne reprenant son statut que lors de la révélation finale.
Affiche Suède (movieposterdb.com)
Bien sûr, d’action il n’en manque pas. Pas plus que de trognes patibulaires et inquiétantes. Mikaela Fisher en sinistre mercenaire sans scrupule, bavarde comme une armée de homards, au doigté d’orfèvre dans l’art de cabosser les adversaires les plus balaises, le tout dans un corps frêle mais musculeux en diable, fait un effet remarquable.
Affiche USA (movieposterdb.com)
Même l’humour n’est pas négligé, et le personnage de Bruno (Gilles Lellouche), en loubard au grand cœur, n’y est pas pour rien.
Affiche USA (movieposterdb.com)
Mais d’où sort cette troupe de sauvages gansters (en dehors du fait qu’elle est louée par le méchant pour l’occasion) ? Quels sont les rapports entre Alexandre et Hélène dont la proximité ne semble pas pouvoir tenir dans leurs seuls liens respectifs avec Anne, cette sœur Anne qui a tout vu venir mais qui n’en souffle mot ? Que devient Bruno quand il sort du jeu par la petite porte après avoir donné un coup de main fondamental à Alexandre ? Comment Maitre Elysabeth Feldman (Nathalie Baye) arrive sur le devant de la scène ; pourquoi, malgré une intervention capitale, reste-t-elle autant en fond d’écran sans plus de participation. Autant de personnages intéressants mais vite perdus en chemin. Autant de questions abandonnées sur le bord de la route au seul profit d’une action enlevée et mouvementée. Autant de mystères qui restent sans réponse et qui n’auront eu d’autre usage que de susciter la surprise et de soutenir l’attention du spectateur.
Affiche Turquie (movieposterdb.com)
Malgré tout, et en dépit de ces imperfections, en dépit de ce changement de cap du polar vers film d’action, ce second opus de Guillaume Canet tient en haleine quasiment de bout en bout. Et la précipitation de la fin de l’histoire n’occupe que la fin d’un film qu’on est surpris d’avoir atteinte sans avoir vu le temps passer. Au final, loin de se plaindre de la longueur de la projection, on se dit alors qu’il manque au film deux bonnes heures pour finir le tour de la question.
Affiche Tchecoslovaquie (movieposterdb.com)

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