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28 septembre 2008

Angels in the outfield

Les anges aussi tatent de la bate

Dans sa série consacrée à Janet Leigh, la Sylvain Etiret Company est heureuse de présenter à son auguste public « Angels in the Outfield ». En 1951, les films de studio à Hollywood savaient proposer quelques perles restées dans les annales, mais sans négliger des productions primesautières d’un niveau tout à fait convenable. En l’occurrence, les comédies de l’époque savaient divertir sans avoir à railler avec l’acidité d’aujourd’hui les travers des contemporains. On riait ou on souriait, simplement, sans que nul n’ait l’impression que l’on pouvait se moquer de lui.


Affiche USA (movieposterdb.fr)
Jusqu’à il y a peu, il y avait longtemps que cette veine comique semblait s’être éteinte, et de l’avoir redécouverte rend sans doute en partie compte du succès récent de « Bienvenue chez les Ch’tis ». Si cette simple constatation pouvait donner un peu de grain à moudre à la génération présente de professionnels de l’écran, on n’aurait sûrement pas perdu son temps. Et pourtant, ce n’était pas le bout du monde de se lancer sur cette piste : il suffisait de piocher dans le vaste fonds de l’époque et de se nourrir de nombre d’exemples rafraîchissants qui faisaient les beaux jours de la série B. Bref, « Angels in the Outfield » est de ce monde là, un monde de délassement sans arrière-pensée, tout simplement. Un petit aperçu du sujet ? No problem.

Aloysius 'Guffy' McGovern (Paul Douglas), le coach d’une équipe de baseball en déroute dans les classements se fait remarquer essentiellement pour son caractère irascible. Jennifer Paige (Janet Leigh), une journaliste locale, s’intéresse au sujet et met les mauvais résultats du club sur le compte du caractère de l’entraîneur et de l’ambiance délétère qu’il crée autour de lui. Guffy en vient même aux mains avec Fred Bayles (Keenan Wynn), un journaliste sportif de radio qui le raille sans cesse. Or il se trouve qu’un orphelinat de la ville est mené par Sister Edwitha (Spring Byington), une religieuse fan de baseball qui conduit ses pupilles sur les gradins du stade toutes les semaines. Parmi les enfants, Bridget White (Donna Corcoran), une fillette au coeur innocent, en arrive à souhaiter qu’un ange gardien vienne aider son équipe dans sa traversée du désert.

C’est ainsi qu’à la fin d’une journée éprouvante, et encore plein de colère, Guffy se retrouve seul sur la pelouse du stade, maugréant comme à l’accoutumée, quand une voix vient le sermonner et lui proposer un marché : s’il parvient à se tenir tranquille et à faire cesser ses emportements, toute une équipe d’anges gardiens, tous ex-champions de baseball, se tiendra dorénavant sur le terrain aux côtés des joueurs de l’équipe et tentera de remettre le club sur les rails du championnat. Au match suivant, Bridget est à nouveau sur les gradins et commente, dans sa tranquille innocence, l’intervention sur le terrain des anges qu’elle est la seule à voir. La nouvelle se répand rapidement parmi la presse, attestée par le revirement des résultats du club et par le changement d’attitude du coach qui ne répond subitement plus aux provocations.

Cherchant un moyen de vengeance, Bayles porte l’affaire non seulement sur la place publique mais également devant un tribunal sportif présidé par Arnold P. Hapgood (Lewis Stone) en contestant la santé mentale de l’entraîneur. De son côté, Jennifer se rapproche de Guffy et lui apporte son soutien avant de succomber à son charme bourru. Le seul autre soutien leur vient de Bridget qui reste ferme sur ce qu’elle voit sur le terrain. Les liens qui se tissent entre les trois conduisent même le couple à envisager l’adoption de la fillette. Le tribunal sportif finit par se déclarer incompétent en matière d’anges et le championnat se poursuit jusqu’à la finale, match décisif qui peut offrir la victoire au club de Guffy. C’est pourtant le moment que choisissent les anges pour cesser d’intervenir et laisser l’équipe et l’entraîneur seuls maîtres de leur destin.

Clarence Brown, en 1951, est loin d’être un inconnu de la réalisation. Il n’est qu’à un an de la fin de sa carrière qu’il clôturera avec « Plymouth Adventure », mais s’était illustré à la fois par de nombreuses nominations aux Oscars pour lui-même et pour avoir dirigé une bonne dizaine d’acteurs ayant remporté la statuette dans l’un de ses films. Juste pour mémoire, l’animal avait commis une « Anna Karenine » avec Greta Garbo, et « The white cliffs of Dover ». Il y a des pedigrees pires que ça, non ?! Et c’est bien une des surprises de « Angels in the Outfield » : qu’un réalisateur de ce gabarit se soit retrouvé aux manettes d’un petit film, sympathique mais sans prétention. Œuvre alimentaire ou délassement d’artiste ? Allez savoir.

En tout cas, il n’y a pas de doute que, quelle que soit la motivation, la mise en scène est carrée, soignée, sans fioriture mais efficace. Les plans sont simples, vifs sans être hystériques, alertes sans être parkinsoniens. Les effets spéciaux sont simplement absents, là où on serait aujourd’hui abreuvé de scènes oniriques ou d’anges en vol compact. Les chérubins sont simplement suggérés par la chute d’une plume qui vient d’on ne sait où. Et c’est bien suffisant pour que l’argument soit limpide.

Les acteurs se donnent un peu de mal pour rendre la fable crédible mais sans tomber dans un faux quotidien absurde : la fable reste une fable et il vaut après tout bien mieux lui conserver des accents d’irréalité pour en sauvegarder le caractère étonnant. Si Janet Leigh, elle, est d’un enthousiasme accessible à chacun, Paul Douglas ne se donne qu’à moitié cette peine, mais quelle importance ? … Peut-être un peu quand même, et c’est vrai qu’il dénote un peu dans la simplicité ambiante. C’est vrai que le chauffeur de taxi aux prises avec cet illuminé discutant dans le vide donne un peu dans un burlesque rehaussé par une accélération du défilement de l’image. Mais tout cela est largement compensé par le reste du film, bien plus dans le fait de raconter une histoire que d’en faire un spectacle trépidant.

La jeune Donna Corcoran est simplement dans le sur-jeu attendu d’un enfant, d’où l’acceptation aisée de son personnage. Keenan Wynn n’y va pas non plus de main morte avec son personnage de reporter hargneux, mais finalement ça n’est pas plus mal dans le contexte. Et cette impression de « presque réalité » est encore appuyée par les apparitions en inserts de vraies personnalités du baseball de l’époque comme Joe Di Maggio, ou comme Bing Crosby alors propriétaire d’un club célèbre. Dans ce contexte, on est presque surpris de la prestation de Bruce Bennett en joueur vieillissant, dont le contraste avec le jeu des autres personnages apporte une impression de sobriété soulignant l’émotion de ses interventions.

Dans l’ambiance, le plaisir apparent de Lewis Stone à incarner avec sa prestance coutumière un juge dépassé par les évènements et se réfugiant derrière un jugement de Salomon, fait passer sans histoire le trio d’ecclésiastiques manifestement bien plus intimidé par la caméra que par l’enjeu de leur intervention dans le récit.

Et au bout du compte, que reste-t-il ? Une gentille comédie, une distraction qui ne pense pas à mal, une fable sur la tolérance, la tempérance, la providence, et sur la confiance en ce que l’être le plus acariâtre peut recéler de potentialités d’évolution. Tout ça au milieu de bons sentiments servis par un jeu de contrastes entre des personnages issus d’une certaine réalité et d’autres dans la comédie du récit. Bref une comédie légère au point d’en être parfois un peu datée. Et avec en prime le plaisir de se laisser embarquer dans la nostalgie les choses simples. Pas si mal, non ?

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