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28 septembre 2008

L’envolée sauvage (Fly away home)

La victoire du pot de terre

On dira ce qu’on voudra, ça fait du bien entre deux films plus sérieux, de se laisser aller à une bluette sans conséquence. Un peu comme si on s’autorisait un petit verre d’eau entre deux alcools forts. (Attention, je n’ai pas dit une Kent entre deux Havanes ! Je ne tombe pas encore sous le coup de la loi … pour le moment). En tout cas, une petite matinée semi-grasse à se gaver d’un œil distrait de ce qui peut bien passer sur le satellite. Et hop, entre « Van Helsing » et « The Mighty Ducks », sur quoi qu’on tombe : « L’envolée sauvage », « Fly away home » pour les puristes, une petite chose oxygénée de 1996 d’un certain Carroll Ballard, parrainée par Walt Disney. C’est pas du pot, ça ?

Ca commence comme un drame familial. Amy Alden (Anna Paquin), une fillette d’une dizaine d’années, circulant sous la pluie avec sa mère au volant, sur une route de Nouvelle-Zélande. La voiture part en tonneau et la fillette se réveille sur un lit d’hôpital, son père, Thomas (Jeff Daniels, un étonnant sosie de Jeff Bridges), venu du Canada à son chevet. Elle comprend en une seconde que sa mère n’a pas survécu à l’accident et qu’elle va accompagner son père au Canada. L’arrivée sur place fait découvrir le monde du père, une maison isolée en pleine campagne, dans un désordre d’homme seul tout à ses passions plus ou moins professionnelles de sculpture et de deltaplane. Thomas y est entouré par sa compagne, Susan Barnes (Dana Delany), et par les visites de son frère, David (Terry Kinney), et du jeune Barry (Holter Graham). Après une arrivée peu enthousiaste, Amy finit par accepter la vie à la campagne. C’est alors que, découvrant une nichée abandonnée d’oies sauvages, Amy se retrouve bientôt en position de mère oie en tête d’une couvée pot de colle. Mais élever une portée de ces volatiles se révèle plus compliqué qu’il n’y paraissait, en particulier quand arrive la saison de la transhumance, avec la nécessité de leur apprendre à voler et à se joindre à la horde de leurs congénères sauvages vers leur destination hivernale.

A première vue, on n’est pas dans la subversion violente. On a bien un petit arrière-plan écolo à la sauce nord-américaine, genre boy-scout amoureux de grands espaces. On a bien aussi la révolte du pot de terre contre le pot de fer, de l’individu contre la loi inique qui veut brider ces pauvres volatiles dans leur apprentissage du vol. Ca, c’est pour le classicisme westernoïde. On a bien en prime la lutte d’un enfant, théoriquement au plus bas de l’échelle des forces, dont la puissance de conviction et d’obstination lui fait surmonter les réticences initiales des plus solides défenses, jusqu’à l’extrême sophistication de l’aviation de guerre US. Ca, c’est pour la touche Disney. Mais malgré tout, Nicolas Hulot prend devant cette ébauche de message des allures de dangereux gauchiste.

Le tout dégouline de guimauve sucrée et de bons sentiments qui vous tirent à l’occasion une larmichette émue ponctuellement aggravée par la contemplation de ces braves volailles semi-domestiquées en route pour rejoindre leurs congénères.

Mais le monde merveilleux de Disney n’est pas un vain mot. Il n’est pas là par hasard. Et pour tout dire, il ferait l’effet d’une escroquerie s’il ne remplissait pas son contrat de happy end sur fond d’eau de rose. Alors puisque c’est dans le cahier des charge, inutile de se plaindre qu’il le remplisse avec une tranquille assurance et une certaine dextérité.

Et de ce point de vue, le contrat est plus que rempli. Les images font dans la carte postale animalière de talent. Les militaires ont le cœur tendre, les promoteurs ont le coeur sec. Les poulagas, poulets de nos chansons, sont à ces dignes volatiles sauvages ce que le chien est au loup de La Fontaine : des prisonniers volontaires de leur sécurité appuyée sur une loi admise les yeux fermés au prix d’une liberté dont le plus simple souvenir a même disparu.

Pleurez Cerbères ! L’autonomie du citoyen prendra le dessus sur la convention sociale si la société oublie dans ses codes de préserver la justice dont la nature a équipé le monde sauvage et libre. L’individu, même le plus humble, peut avoir des révoltes légitimes, et la société n’a qu’à bien se tenir.

Miracle de la civilisation nord-américaine, servi tout digéré dans un large sourire de contentement ému : les oies seront sauvées et tout le monde sera touché. Le bien surmontera le mal, et c’est bien la fonction du happy end. Est-ce là une surprise telle qu’elle vaudrait à cet avis le reproche de déflorer l’issue de l’histoire ? Probablement pas, du moins espérons le.

Que dire de plus sur ce film ? Tout commentaire sur les qualités techniques de la réalisation serait probablement à côté de la plaque. Imagine-t-on Disney promouvoir un ouvrage techniquement défaillant ? Eh bien voilà, tout est dit. Les acteurs sont dès lors pris dans un tel tourbillon de poncifs que leur prestation importe finalement assez peu. Elle suffit d’être honnête et de ne pas détonner dans le fil de l’histoire pour remplir son rôle complètement. La réalisation se range évidemment dans la même lignée. La musique en soutien sait se faire oublier pour ressurgir en renforcement des émotions à grand renfort de sucrerie lénifiante. Après tout, c’est son métier et elle l’exerce efficacement.

Finalement ce qui s’annonçait initialement comme une « bluette sans conséquence » est-il réellement cela ? Ou n’est-il que cela ? Peut-être pas après tout. C’est bien un sirop suave qui goulaye tendrement entre les amygdales endolories et les neurones épuisés. Et de cela on peut lui savoir gré. Mais c’est aussi un vecteur de valeurs spécifiques sur lesquelles l’outre-atlantique a construit son histoire et probablement son présent. De là à regretter le libre accès à ce film pour les têtes blondes dont l’esprit critique est en cours d’élaboration …(Non, là je plaisante !)

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